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jeudi 30 juin 2022

LE CHÂTEAU D'ELIÇABIA À TROIS-VILLES EN SOULE AU PAYS BASQUE AUTREFOIS (deuxième et dernière partie)

 

LE CHÂTEAU D'ELIÇABIA À TROIS-VILLES.


Cela fait plusieurs mois que je vous présente divers châteaux du Pays Basque.

Aujourd'hui, c'est celui de Trois-Villes, en Soule.




CHÂTEAU DE TROIS-VILLES SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Je vous ai déjà présenté les châteaux suivants : Urtubie (Urrugne), ArcanguesMaytie (Mauléon), 

BidacheHaïtze (Ustaritz), Beraün (Saint-Jean-de-Luz), Artigaux (Moncayolle), Lacarre

Irumberry (Saint-Jean-le-Vieux), Ahetzia (Ordiarp), Ruthie (Aussurucq), CherauteAhaxe

Charritte et Menditte.



Voici ce que rapporta au sujet du château Eliçabia, à Trois-Villes,  J. Nogaret, dans le Bulletin du 

Musée Basque N°8 de 1934 :



"... Le pays était dans l'impossibilité de s'acquitter de cette dette et les esprits étaient très surexcités moins contre M. de Trois-villes qu'à l'égard des Etats. Aussi, les habitants étaient prêts à se soulever à la première occasion.



Elle leur fut fournie par un prêtre, Bernard Goyhénéche, curé de Moncayolle, petite localité au Nord de Mauléon et connu sous le surnom de Matalas. Cet homme eut assez d'ascendant sur les populations pour provoquer une véritable insurrection. Au mois de juin 1661, il descendit dans la plaine à la tête de six ou sept cents hommes armés qui se livrèrent aux pires désordres. Ils démolirent une maison à Chéraute parce qu'on y faisait le prêche ; à Montory, ils rasèrent le temple et obligèrent les protestants à aller en procession avec des cierges allumés entendre la messe ; ils contraignirent les officiers de la cour de Licharre à faire cause commune avec eux et enfin se dirigèrent vers Ainharp dont iles incendièrent le prieuré.



A la nouvelle de ces événements, Mgr. de Maytie, évêque d'Oloron, dont le diocèse s'étendait sur la Soule s'empressa d'accourir pour ramener son étrange prêtre à une notion plus exacte de ses devoirs. Il sauva la vie à un pasteur Jacques Bustanoby que les séides de Matalas voulaient précipiter dans le Saison parce qu'il refusait d'abjurer. Le prélat lui donna asile dans son château jusqu'à ce qu'il put s'en aller sans manger.



L'évêque fit tout son possible pour détourner Matalas de ses mauvais desseins contre la ville qu'il voulait incendier. Il obtint un délai de huit jours qu'il mit à profit pour arranger les choses. Matalas consentit à épargner Mauléon, mais, auparavant, l'évêque dût s'engager à faire, à la tête des insurgés, le tour de la ville avec un rameau d'olivier à la main en signe de paix et de triomphe.



Après avoir commis à Mauléon bien des excès, la troupe des émeutiers prit le chemin de Tardets où s'installa Goyhénéche et là, il continua à appliquer les mesures les plus arbitraires. Il leva des impôts, créa des marchés, en supprima d'autres, nomma des juges à lui, forma une garde de cent jeunes gens chargés de veiller sur sa sécurité personnelle, en un mot, se conduisit comme un véritable potentat.



Le Parlement de Bordeaux, informé de ce qui se passait, envoya à Mauléon le conseiller d'Arche avec pleins pouvoirs pour mettre un terme à un état de choses aussi lamentable. Celui-ci s'adjoignit le concours d'un gentilhomme catalan nommé don José de Calvo, chef d'une bande de roturiers comme il y en avait encore à cette époque. A cette nouvelle, Matalas quitta Tardets et se réfugia dans le moulin fortifié d'Undurein que cernèrent les troupes de Calvo. A la nouvelle du danger que courait le curé de Moncayolle, on sonna le tocsin et de tous les côtés on vit accourir des bandes de paysans armés des objets les plus divers ; mais une charge des cavaliers de Calvo blessa ou tua environ cent cinquante personnes et dispersa les autres dans les montagnes.



Désespérant de sa cause, Goyhénéche quittait, pendant la nuit, le moulin et prenait le chemin de l'Espagne. Mais, à Ordiarp, il fut reconnu et ses partisans lui reprochèrent d'abandonner ceux qui l'avaient défendu ; on le cacha dans le château de Genthein. Le lendemain, un gentilhomme du pays et quelques autres Souletins brisèrent la porte du château à coups de hache, se saisirent de Matalas et l'amenèrent à Mauléon où il fut jeté, avec ses complices, dans les basses fosses du château, pieds et poings liés.



Alors commença l'action de la justice. Le conseiller d'Arche instruisit le procès en cour de Licharre et, sur le vu des pièces, le Parlement rendit, le 6 Novembre, un arrêt condamnant Matalas à avoir la tête tranchée, à être roué et ses complices aux galères à perpétuité. Le jugement fut exécuté le 8 Novembre 1661. Après avoir été dégradé par Mgr. de Maytie, dans l'église de Mauléon, Matalas fut conduit en charrette dans un champ de Licharre. Là, sur un échafaud, entouré de toute la cavalerie de Calvo, Matalas expia ses crimes et l'on pouvait voir le lendemain sa tête exposée au-dessus d'une des portes de Mauléon.



Mais les Souletins n'étaient pas encore au bout de leurs peines, Calvo refusa de partir si on ne lui payait pas vingt mille livres pour l'indemniser de la perte de quelques soldats tués au cours de ces échauffourées. Entre temps ses troupes se conduisirent comme en pays conquis, emmenant le bétail, volant et maltraitant les habitants sans distinction de conditions. Après une transaction à dix mille livres, et seulement le 13 Novembre, cette troupe finit par s'éloigner à la grande satisfaction des Souletins.



Si le calme était revenu en Soule, la question du domaine royal n'en était pas moins au même point et la lutte continua, mais plus pacifique, jusqu'à ce que, quelques mois plus tard, le roi fatigué de toutes ces difficultés se décidât à racheter lui-même le domaine royal au comte de Trois-Villes. L'acte fut passé en 1669.



Trois-Villes ne perdit pas à ce changement. Deux ans plus tard, il acheta la baronnie de Tardets, comprenant huit villages, ancien domaine des seigneurs de Luxe et qui appartenait alors aux Montmorency leurs descendants. Cette décision et la promesse du comte de respecter un  peu mieux, à l'avenir, les coutumes du pays fit tout rentrer dans l'ordre et mit un terme aux regrettables incidents dont les habitants n'avaient que trop souffert.



L'ancien capitaine des Mousquetaires ne survécut pas longtemps à cet arrangement. Il s'était retiré dans son château construit de 1660 à 1663, sur les plans de Mansard, dans son domaine d'Eliçabia. Il y mourut le 8 Mai 1672 à l'âge de soixante-treize ans et fut inhumé dans la petite église du village ; mais toute trace de sa sépulture a disparu.



De son mariage avec Anne de Guillon étaient nés deux fils.



L'aîné, Arnaud-Jean, entra dans les ordres et fut pourvu de l'abbaye de Montier-en-Ders ; mais il n'y résida pas longtemps et il semble avoir été beaucoup plus préoccupé de ses intérêts temporels que des questions spirituelles. En 1676, en effet, il acheta le gouvernement de la vicomté de la Soule et il se fixa à Mauléon où il possédait la maison d'Arraing acquise de ses anciens propriétaires. Il y mena grand train, dépensa sans compter et arriva ainsi à une situation obérée, ce qui l'obligea à vendre sa charge et ses biens, quelques années avant sa mort survenue en 1700. L'acquéreur fut Armand de Mont-Réal, fils de la nièce du capitaine des Mousquetaires, mariée, en 1653, à Jean-Jacques de Mont-Réal, marquis de Monein, c'est-à-dire son neveu à la mode de Bretagne.


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PORTRAIT DE JEAN-ARNAUD DE PEYRER COMTE DE TREVILLE
Par Frères Le Nain — Derived from Private collection, Domaine public, https://commons.wikimedia.org/w/index.php?curid=58227034




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LES MOUSQUETAIRES DU ROI
CLICHE PATHE


Henri, frère cadet d'Armand, embrassa la carrière des armes et fut aussi bon soldat qu'aimable homme du monde. Dans un combat contre les Turcs il eut le corps traversé par une balle et il se ressentit toujours de cette blessure. Aussi vendit-il son régiment, peu de temps après la fin des hostilités et il se consacra alors entièrement à la culture des lettres. Il s'exprimait avec précision, élégance et passait pour un fin lettré. Boileau disait de lui  qu'il "était un de ceux qui connaissaient le mieux les anciens."



Ces qualités, jointes à une grande distinction naturelle et à un physique agréable, lui valurent la réputation d'un homme à bonnes fortunes. Henriette d'Angleterre elle-même n'aurait pas été insensible à tant de mérites, ce qui aurait indisposé son royal beau-frère contre le seigneur de Trois-Villes. Aussi, lorsque l'Académie l'admit dans son sein, le roi fit casser purement et simplement cette élection.



Henri vint peu à Trois-Villes où il ne séjourna, chaque fois, que très courtement. Il passa la plus grande partie de son temps à Paris où il était en relations avec tout ce que la capitale comptait de distingué. Très assidu des salons, on le voyait souvent chez Mme de Sévigné, chez Mme de Lafayette et chez la plupart des précieuses. Il mourut en 1703, trois ans après son frère.



Tous les biens de l'ancien comte de Trois-Villes revinrent aux Mont-Réal dont il a été question dans plusieurs des articles précédents. Ils occupaient, dans le pays, une grosse situation qui s'accrut encore du fait de ces acquisitions successives.



Le représentant de la famille était alors Armand-Jean, cornette, puis lieutenant de la première compagnie des Mousquetaires. En 1727, il donna sa démission et se fixa à Trois-Villes pour se consacrer à sa charge de capitaine-châpelain de Mauléon et de grand sénéchal de Navarre dont la survivance lui avait été accordée en 1718.



Son fils Jean, après avoir servi dans l'armée, lui succéda dans toutes ses charges et, après sa mort, se fixa aussi à Trois-Villes. En 1776, il vendit à M. de Lancel, ses biens de Mauléon, c'est-à-dire la maison d'Arraing et ses nombreuses dépendances comprenant un grand parc dont les allées actuelles sont les derniers vestiges. Ce domaine portait le nom d'une ancienne famille souletine qui avait fourni à la cour de Licharre plusieurs magistrats distingués.



Un peu plus tard, M. de Lancel revendit la maison aux Etats de Soule qui en firent le lieu de leurs réunions et en affectèrent une partie au logement du capitaine-châtelain. Après la Révolution, elle devint la sous-préfecture et l'est restée jusqu'à la suppression de l'arrondissement de Mauléon.



Les Mont-Réal continuèrent à habiter le château de Trois-Villes et s'y succédèrent de père en fils. Le dernier qui y mourut fut Clément, décédé en Avril 1878 et dont on peut voir la sépulture sous le porche de l'église. Son fils vendit, il y a quelques années, tous ses biens à M. Charles d'Andurain, cousin du propriétaire du château de Maytie.



Le château d'Eliçabia n'est pas seulement intéressant par les souvenirs qu'il évoque, mai aussi, au double point de vue de sa situation et de son aspect extérieur. Il occupe l'extrémité d'un parc en bordure, sur toute sa longueur, de la route de Mauléon à Tardets autour de laquelle se groupent les maisons du petit village de Trois-Villes. Du côté opposé au chemin, il est entouré d'une terrasse dominant la riche vallée du Saison que l'on aperçoit coulant à, travers de verts pâturages et encadré de grands arbres aux riches frondaisons. Sa rive gauche est bordée de hautes collines aux aspects variés, précédant l'imposant massif d'Ahusqui couvert par l'épaisse forêt de la Tigra. Au Sud, au-dessus de la gorge de Licq et dans le fond de la vallée d'Aphouria, dénommée autrefois "val dextre", apparaissent les hautes montagnes de la chaîne des Pyrénées. De cette terrasse, on jouit d'un des plus beaux coups d'oeil du pays de Soule si riche cependant en points de vue variés et pittoresques.



Le château est une construction de petites dimensions, du style Louis XIII le plus pur. Ses avant-corps symétriques, ses fenêtres à meneaux surmontées d'un fronton, son toit mansardé en font un modèle de style et un exemple unique d'architecture à la Mansard, dans le pays basque français. Il se présente à nous extérieurement tel qu'il était, il y a trois cents ans. Mais il n'en est pas de même intérieurement, car il a subi de notables modifications à diverses reprises et encore tout dernièrement. On peut dire que, sauf l'escalier, il n'a presque rien conservé de l'époque où il était habité par l'ancien capitaine des Mousquetaires. Tous les meubles qui y étaient lorsqu'il a été vendu, ont été enlevés par les Mont-Réal, notamment un portrait en pied du maréchal comte de Trois-Villes qui ornait autrefois le grand salon. 





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CHÂTEAU DE TROIS-VILLES SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le château d'Eliçabia et celui de Maytie à Mauléon sont les deux seuls châteaux de pur style du pays basque français. Tous deux, à ce point de vue, méritent une visite. Ils doivent en outre fixer l'attention de ceux que ne laissent pas indifférents les souvenirs historiques de notre région."








 


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