LE PÊCHEUR DE FONTARRABIE EN 1915.
En 1915, un pêcheur de Fontarrabie passe en justice, à Bayonne, pour avoir aidé deux soldats français à déserter.
Voici ce que rapporta à ce sujet La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son
édition du 23 août 1915 :
"Le pêcheur de Fontarabie.
La colonie allemande qui pullule par delà les Pyrénées, le plus près possible de nos portes, exerce une influence incontestable sur l’esprit des populations au milieu desquelles elle vit, se meut et manœuvre.
Cette influence, certes, n’empoisonne pas toute l’Espagne ni même tous les Espagnols de la frontière. On l’a dit bien des fois, et il n’est pas inutile de le répéter : la France possède des sympathies sûres et d’autant plus appréciables, tras los montes, qu’elles se découvrent surtout chez les intellectuels, c’est-à-dire chez ceux qui pensent, qui réfléchissent et qui savent.
Seuls, ceux qui obéissent à un fanatisme purement confessionnel ou à des sentiments exclusivement intéressés se complaisent dans la haine de la France qu’ils jalousent.
Il serait donc injuste de généraliser. Mais il n’en est pas moins vrai que la campagne de dénigrement et de mensonges à laquelle se livrent trop ouvertement, dans un pays neutre, les tenants de Guillaume II a quelque chose d’irritant pour nous, Français, qui en faisons tous les frais.
Ceux qui me lisent d’ordinaire sont au courant des tentatives dont se sont rendus coupables certains pêcheurs de Fontarabie ; ils savent dans quelles conditions l’un de ces pêcheurs a provoqué à la désertion de deux militaires convalescents en traitement à l’ambulance du Casino de Hendaye-Plage.
Quiconque n’est point de parti-pris, quiconque est de bonne foi, n’a pu qu’applaudir à la juste condamnation de ce pêcheur que le seul appât d’une prime fit agir.
Les débats de cette affaire ne donnèrent lieu à aucune espèce d’incident. Dans le prétoire, chacun se plut à rendre hommage à M. le Procureur de la République qui, animé par le souffle ardent d’un beau patriotisme, prononça un magnifique réquisitoire à la fois énergique et mesuré.
Il n’en fallait pas davantage pour qu’il encourût les foudres de la Gaceta del Norte, cette honnête feuille allemande qui s’imprime à Bilbao et qui n’a d’espagnol que la langue qu’elle emploie.
Dans un article paru le 11 août et consacré au Pêcheur de Fontarabie, ce journal a donné, du procès et des faits qui l'ont provoqué, une version tellement fantaisiste que sa duplicité éclate aux yeux des moins prévenus.
Quelques citations donneront une idée de la bonne foi dont s’inspirent les rédacteurs de la Gaceta.
EMBARCADERE FONTARRABIE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Après avoir mensongèrement affirmé que le Procureur de la République de Bayonne dut être rappelé à l’ordre par le Président du Tribunal qui l’obligea à se rétracter "pour injures à l’Espagne", la feuille allemande raconte ainsi la triste odyssée du "pauvre" pêcheur :
Il pêchait tranquillement dans la Bidassoa, tout à côté d’Hendaye. Tout à coup, deux hommes, avec de l'eau jusqu'au cou, lui font des signes et crient : "Au secours !" Noble et généreux, le bon pêcheur laisse ses appareils et vole au secours de ceux qu’il suppose être dans des transes affreuses...
C’est déjà joli comme mise en scène, et vous voyez d’ici le beau rôle du "bon" pêcheur, noble et généreux, volant au secours de deux soldats français, qui ne doivent pas être bien éloignés de la rive, puisqu’ils n'ont de l’eau que jusqu’au cou.
Il faut croire que le bon pêcheur espagnol se trouvait, à ce moment, plus près de la France — dont les eaux lui étaient interdites — que de son pays.
Donc, il vole au secours des deux hommes.
— Dans tes mains, lui disent-ils, sont nos vies. On nous poursuit. Porte-nous, de grâce, à l’autre rive. Vite.
Qui donc les poursuit ? Sans se préoccuper autrement de ce détail qui, pourtant, était de nature à frapper ses yeux sinon son esprit.
Notre pêcheur, qui n'entend rien aux lois internationales et qui seulement obéit aux nobles instincts de son cœur, aide les deux naufragés, les hisse dans sa barque ; mais quand il songe à ramer pour leur garder la oie sauve, ils s’élancent sur lui, le menaçant de mort s’il ne les conduit pas jusqu’à Hendaye qui se trouve là, à deux pas...
Tiens ! tiens ! le brave pêcheur, qui se trouvait à deux pas de Hendaye, voulait donc amener les soldats ailleurs ?
Voilà, semble-t-il, quelque chose qui ressemble furieusement à un aveu.
CASINO HENDAYE 1915 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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