LE PASSEUR DE FONTARRABIE EN 1915.
Au début du vingtième siècle, l'activité de "passeur" était importante des deux côtés de la frontière, à Hendaye et à Fontarrabie.
LE PASSEUR DE FONTARRABIE GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Je vous ai déjà parlé dans un article précédent de l'activité de passeur à Hendaye.
Voici aujourd'hui un article sur un passeur de Fontarrabie, dans le journal La Petite Gironde,
dans son édition du 17 août 1915 :
"Leur bonne foi.
Nos lecteurs savent dans quelles conditions le tribunal correctionnel de Bayonne eut à se prononcer sur le cas d’un pécheur espagnol nommé Vicente Higos, de Fontarabie, récemment condamné à un an de prison pour provocation à la désertion de militaires français. Ces derniers, un réserviste et un soldat de l’active en traitement à l'ambulance du Casino de Hendaye-Plage, sollicité par un batelier qui leur offrit de les passer gratuitement en Espagne, à travers la Bidassoa, firent mine d'accepter, dirent au batelier de revenir les chercher dans une heure — le temps, prétendirent-ils, de préparer le linge qu'ils devaient emporter - et s'empressèrent d'aller prévenir la gendarmerie de l'offre qui venait de leur être faite.
Ils revinrent au lieu du rendez-vous et virent se détacher de Fontarabie, se dirigeant en droite ligne vers eux, la même barque verte sur laquelle se trouvait précédemment le trop complaisant batelier. Ce dernier s'était adjoint un compagnon, son propre père, lequel sauta sur le sable et fit signe aux militaires de s’approcher pendant qu’il maintenait la barque. Les soldats ayant vivement jeté à terre leurs paquets, se précipitèrent sur l’individu qu'ils livrèrent à un gendarme dissimulé non loin de là.
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Au cours des débats de cette affaire, aucun des faits ci-dessus n’a été contesté. L'avocat de l’inculpé plaida fort bien, mais il plaida coupable avec circonstances atténuantes, après un réquisitoire de M. le procureur de la République dont le langage, à la fois très élevé et énergique, ne donna lieu à aucun incident d'audience. Or, voici comment un journal espagnol (?) la "Gaceta del Norte", bien connu pour ses sentiments ouvertement germanophiles, relate le procès et commente cette affaire dans son numéro du 11 août, d’après, prétend-il, le "Liberal Guipuzcoano" qui, lui, passe pour francophile :
L'article qui nous est signalé est intitulé :
"Le Pêcheur de Fontarabie"; il a pour sous-titre ce premier mensonge : "Le procureur de la République, rappelé à l’ordre pour injures à l'Espagne". Le texte est à l'avenant. Qu'on en juge :
"Le "Liberal Guipuzcoano" s’occupe du procès du pêcheur de Fontarabie, qui a comparu devant le conseil de guerre."
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Après que les gendarmes eurent fait leur déclaration, le procureur de la République prit la parole. Il demanda plusieurs années de prison pour l’inculpé et une récompense pour les gendarmes. S’il s’était arrêté là, dit le journal libéral, nous n'aurions rien dit. Mais sans aucune mesure, M. le procureur se lança contre l’Espagne et les Espagnols de telle façon que le président du tribunal dut le rappeler à l'ordre et l’obliger à rétracter. Il s’aventura jusqu’à dire qu'il était inouï de voir les Espagnols germanophiles, alors que l'Espagne ne vivait que des sous français : appréciation légère et hors de propos, car la vérité est que les villes frontières françaises vivent de la protection que leur donne la colonie espagnole.
N. de la R. — Il y a quelques jours, nous reçûmes de Fontarabie une plainte anonyme. Nous n’y ajoutâmes pas foi tout d'abord mais malheureusement notre correspondant avait raison. Ce n'était pas, comme nous l'avions supposé, une infamie inventée pour fomenter des haines, mais une irritante réalité.
"Le pauvre pécheur pleure maintenant dans une prison de France son péché. Quel fut-il ? Il pêchait tranquillement dans la Bidassoa, tout à côté de Hendaye. Tout à coup, deux hommes avec de l’eau jusqu'au cou lui font des signes et crient : "Au secours !" Noble et généreux, le bon pêcheur laisse ses appareils et vole au secours de ceux qu'il suppose être dans des transes affreuses.
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- Dans tes mains, lui disent-ils, sont nos vies. On nous poursuit. Porte-nous, de grâce, à l'autre rive. Vite.
Notre pêcheur, qui n’entend rien aux lois internationales, et qui seulement obéit aux nobles instincts de son coeur, aide les deux naufragés, les hisse dans sa barque. Mais quand il songe à ramer pour leur garder la vie sauve ils s'élancent sur lui, le menacent de mort s’il ne les conduit pas jusqu'à Hendaye qui se trouve là, à deux pas.
D’autres hommes sont là, derrière les arbres de la rive, et quand notre pêcheur, perdant la tête, ne sachant pas ce qui se passait, saute à terre, on l’arrête au nom de la loi ; on lui fait monter le calvaire des rues d’Hendaye et on le traîne finalement dans une prison de Bayonne. Enfin, il comparait devant un conseil de guerre, accusé d'avoir voulu faire passer des déserteurs en Espagne.
Nous passons au-dessus des offenses de M. le Procureur de la République recueillies et bénignement commentées par un journal ami de la France, le "Liberal Guipuzcoano" ; nous sommes heureux que le président du tribunal les ait relevées. Nous attachons plus d'intérêt à ce pauvre pêcheur de Fontarabie, victime d'une vile action de quelques gendarmes plus préoccupés de la prime à toucher que du saint de la République."
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