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dimanche 7 octobre 2018

LA FÊTE DE LA TRADITION À SAINT-JEAN-DE-LUZ (DONIBANE LOHIZUNE) EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1897


LA FÊTE DE LA TRADITION À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1897.


Dès 1851, Antoine d'Abbadie institua de grandes fêtes Basques, appelées Jeux Floraux.


saint jean de luz 1897
FÊTES TRADITION BASQUE ST JEAN DE LUZ 1897
PAYS BASQUE D'ANTAN

En 1897, ces fêtes se déroulèrent à Saint-Jean-de-Luz.


Je vous ai déjà parlé dans un article précédent, publié par Pierre Loti, de ces fêtes de la 

tradition, en 1897, à Saint-Jean-de-Luz, voici aujourd'hui un autre article, publié par  La Petite 

Gironde, dans son édition du 19 août 1897 :


"Fêtes de la tradition au Pays Basque.


Troisième Journée. 


Saint-Jean-de Luz, 17 août. 


Tout le monde se rend au jeu de paume. 



Car c’est aujourd'hui que Cesario, Gamborena et Marnac vont se rencontrer avec Eloy, Olaïz et Lemoine. On attend beaucoup de ces deux équipes, composées de jeunes gens. Déjà les paris sont engagés. La partie commence. La paume est servie, et pendant une heure et demie elle décrit dans le ciel bleu des paraboles hardies, ou bien elle va se perdre sur les toits voisins. La partie se joue en soixante-dix points. Dès le début, l’équipe espagnole est mise en intériorité par l’équipe française. De nombreuses fautes sont commises, et la partie n’est pas aussi chaudement disputée que celle d'hier. A un moment donné, Olaïz, joueur espagnol, voulant saisir la balle en l'air, fait un saut, tournoie sur lui-même et retombe à terre en roulant avec une souplesse serpentine.Il se relève, salué par les applaudissements de la foule. Eloy, du camp français, reçoit la ceinture d’honneur à titre de meilleur joueur de la partie. 



Nous avons remarqué que le jeu de blaid s’est modifié. Dans l’ancien jeu, la balle était servie avec le poignet ; aujourd'hui, pour donner plus de puissance à son lancement, les joueurs soutiennent leur poignet droit avec la main gauche qui le serre fortement. La balle ainsi lancée avec l’aide des deux bras a beaucoup plus de vitesse. 



La partie internationale de blaid au chistera a été vite réglée, ce qui a permis aux jeunes gens des communes de Barcus et de Chéraute (Soule) de danser le saut basque aux sons de la chirula. Cette danse piquée est fort jolie, elle a été très applaudie. 


DANSEURS DE BARCUS
PAYS BASQUE D'ANTAN


A deux heures, la seconde conférence réunissait un aussi grand nombre d’auditeurs qu'hier dans la salle de l’institution Sainte-Marie. C'est notre ami M. Nicolaï, avocat à la cour d appel de Bordeaux, secrétaire général de la Société archéologique de notre ville, qui a pris la parole. M. Petit, conseiller A la Cour de cassation, présidait. M. Nicolai a lu une étude très fouillée et très savante. Il a été vivement pris à partie par des bascophiles qui n'admettaient pas les vues du conférencier à propos de quelques coutumes et de certaines inscriptions lapidaires. 




Dans un préambule gracieux, M. Nicolaï s'attache son auditoire ; mais entrant bien vite au cœur de son sujet, qui va être de pure érudition, il indique que si les monographies basques abondent il n’y a pas encore d’histoire basque d'ensemble. Il trace un programme de travaux très simple, et les subdivisions s'indiqueraient d’elles-mêmes au fur et à mesure que les matériaux abonderaient. Le monde savant s’est exclusivement, ou à peu près, cantonné dans l’étude philologique du dialecte euskarien ou dans l'élude ethnographique du peuple. Il est temps d'aborder franchement la période purement historique, et trois séries peuvent tout embrasser : les Basques à l'époque romaine, les Basques au moyen âge, les Basques aux temps modernes. Immédiatement, M. Nicolaï fait rentrer l’objet de sa conférences dans ces trois tiroirs. 




Il se montre érudit bien documenté dans la période romaine ; on sent qu’il traite là d'un sujet qu'il possède à fond, et de fait il nous apprend des choses bien curieuses. On voit, contrairement à une opinion reçue, mais en dehors des preuves historiques, le Basque complètement assimilé déjà sous Auguste, faisant partie de la Novempopulanie, bien Aquitain et ne voulant pas s’associer avec les Gaulois d'outre-Garonne adjoints par Auguste à l'Aquitaine. 




Et ici se place un savant commentaire de l'inscription d'Hasparren. Mais où l’on aperçoit les théories historiques vraiment neuves, c'est lorsque M. Nicolaï, les inscriptions des Pyrénées en main, minutieusement relevées, détaillées et assorties de dissertations philologiques, dues à la collaboration du savant M. Stempf, nous montre les Basques sacrifiant, élevant des autels, des temples, faisant des offrandes, adoptant tout le Panthéon romain, mais en donnant aux dieux de» qualificatifs ibères pour les faire encore bien leurs. On les voit honorer sur leurs cîmes des dieux topiques : Baïgorisco, Erge, Erditse, Mars Leherren, Larrason, Harbèlex, Aherbestle, etc. 

hasparren autrefois
STELE ROMAINE HASPARREN
PAYS BASQUE D'ANTAN



On suit avec d’autant plus d’intérêt ces démonstrations appuyées sur des documents irrécusables et probants qu’elles dérangent quelque peu les partisans du dieu basque unique Evidemment, ces théories sont neuves ; M. Nicolaï les présente avec un bonheur particulier. Il explique encore pourquoi les Ibères ayant été chassés d'Espagne, culbutés et jetés à la mer par les hordes des invasions, les Basques se sont réunis en un noyau, dans un massif inexpugnable, sur l’un et sur l’autre versant des Pyrénées. Les aperçus encore ici sont neufs. 




Avec une émotion qu’il communique à son auditoire, M. Nicolaï parle en lettré de la dolente aventure de Charlemagne, de ses paladins et de Roland au pont de Roncevaux. Enfin, avec beaucoup de piquant, il rapproche les impressions d'un pèlerin de Compostelle au douzième siècle de celles d’un autre saujacaïre faisant la même dévotion au dix-huitième siècle. Mais le lettré qui, dans les colonnes de ce journal, a écrit des pages si pittoresques sur la Côte verte, il y a quelques années, se retrouve dans une péroraison qui soulève de longs applaudissements. 




M. le conseiller à la Cour de cassation Petit remercie le conférencier, et la parole est ensuite donnée à M. l'abbé Haristoy, curé de Ciboure, qui parle sur les proverbes basques. Il est très écouté par un auditoire gagné d'avance à tout ce qui touche à l'histoire du pays basque. 




M. le conseiller Petit adresse à M. l’abbé Haristoy et à M. l’abbé Dubarat des éloges que soulignent les applaudissements de la salle. 




Mais la cour de l’institution Sainte-Marie se remplit, le public arrive nombreux pour assister à la pastorale que vont jouer les jeunes gens de la commune de Barcus. 




Voici tout d'abord les danseurs de Beriz (Espagne) que nous avons déjà vus hier sur la place du Jeu-de-Paume, qui montent sur la scène dressée en plein vent. 




Beaucoup de monde, beaucoup de dames, beaucoup de paysans aussi venus de fort loin pour applaudir d’autres paysans qui, dans un instant, vont jouer la pastorale d’Abraham. 




Les danses héroïques des jeunes danseurs de Bériz sont vraiment belles et nobles. Le costume de ces danseurs est sobre : il est composé d’un béret rouge, d’un gilet noir, d’une ceinture noire, d'un pantalon blanc, sur lequel, aux genoux, sont attachées des genouillères en cuir auxquelles sont suspendus une vingtaine de grelots. Chaque danseur porte un bouquet d’immortelles jaunes à la boutonnière du gilet. Après la figure de la Soumission au Drapeau, qui est d’un grand effet scénique, les figures des duels au sabre et au bâton ont été fort applaudies, telles pour le sabre les coups de pointe et de banderole et pour le bâton les coups de tête et de jambe. 



pays basque autrefois
DANSE DE SOUMISSION AU DRAPEAU
PAYS BASQUE D'ANTAN



A un moment donné, dans ce duel collectif, un homme tombe blessé à mort; il est aussitôt enlevé à bout de bras par ses compagnons. Le "blessé" est étendu sur un lit fait de mains. Il agonise pendant qu’autour de lui tournent encore des adversaires, en agitant leurs sabres. 




J’imagine que la figure doit représenter quelque scène des temps anciens, où le guerrier mort au champ d’honneur était couché sur son bouclier, porté sur les épaules de ses compagnons d’armes. 




Après cette danse guerrière, voici l’aurescu, danse gracieuse dans laquelle entrent des femmes, de véritables femmes ; car, tout à l’heure, les rôles féminins vont être tenus par des hommes travestis. 



pays basque avant
DANSE AURRESKU
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les jeunes danseurs de Beriz descendent de l'estrade, les uns après les autres, et chacun va demander à une jeune fille de vouloir bien venir danser avec lui ; la jeune fille, ayant accepté, le suit et monte sur les tréteaux. Le danseur la coiffe de son béret, la salue, puis le reprenant, il danse avec elle le fandango ou d’autres motifs. Ainsi que nous l’avons déjà dit, dans les danses accouplées, il n’y a jamais contact entre l’homme et la femme. Les jeunes danseurs et les jeunes danseuses s’unissent de main à main avec un mouchoir. 




Enfin, voici la pastorale. Le tambourin annonce son entrée. Voici les deux porte-drapeaux qui la précèdent, tenant : l’un, un drapeau français, et l’autre... vous l’avez déjà deviné.... un drapeau impérial russe! L’alliance franco-russe est scellée en pays basque. Qu'on dise après cela que le Basque français est séparatiste ! 




Je revois mes anciennes connaissances. Abraham a abandonné son costume de préfet pour un costume éclectique moitié Henri II par la coiffure, et moitié... tout ce qu’on voudra pour le reste. D’ailleurs, qu’on en juge : chapeau Henri II avec plumet, habit bleu de France à galons d’argent, mantelet noir bordé d'argent, pantalon noir à bande d’argent (pantalon de l’ex préfet), bottes à l'écuyère avec éperons, sabre de cavalerie et canne à flocs de rubans multicolores. Le costume de Loth est à peu près semblable. Quant à Sarah et à Agar, elles ont supprimé la crinoline de la pastorale de 1892 ; elles ou plutôt ils se sont mis au goût du jour, car Sarah et Agar sont des hommes— Isaac, un enfant, est coiffé d’un chapeau de feutre plat orné d'une plume blanche ; il porte une tunique noire, un mantelet de même couleur, un pantalon court orné de dentelles, des bas blancs et de hautes guêtres bleu de ciel. 


pays basque autrefois
PASTORALE D'ABRAHAM
PAYS BASQUE D'ANTAN


Il entre en scène avec un petit fagot de bois. Sarah est habillée en rouge, Agar est habillée en bleu. La coupe de leur robe laisse quelque peu à désirer ; mais aussi quelles tailles épaisses possèdent ces dames ! L’ange est représenté par un garçonnet habillé en jeune communiante. Un ruban vert serre la taille de sa robe blanche, sa tête est couronnée de roses immaculées. 




Maintenant voulez-vous les noms des personnages. Voici d'abord ceux de mauvais, des infidèles : deux satans, Lucifer et Bulgifer; quatre rois infidèles, Raphaël, Arioch, Thadal, Chodorlahomor ; personnages du drame, les rois de Sodome, de Gomorrhe, Patar et Cocor et les gens de Sodome. 



pays basque autrefois
LES SATANS DANS PASTORALE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Pour les bons, c’est-à-dire pour les fidèles : Voici d'abord l'Ange, puis six rois fidèles, Teleman. Barra, Bersa, Serrab, Semeber, Baia. Les personnages du drame, sont Abraham, Isaac, Loth, Sarah, Agar, le Berger, Pharaon, etc, etc. 




Le régent de la pastorale, c’est-à-dire celui qui a instruit tous ses auteurs pendant les longues soirées d’hiver, alors que la neige couvre les monts et que dans l'étable dorment les bœufs, le régent qui est en même temps le souffleur, mais un souffleur qu'on voit, qui se place derrière chaque acteur et lui dicte tout bas son rôle, se nomme Héguiaphal ; il est du village de Chéraute, Héguiaphal, Arioch, Thadal, Chodorlahomor, Teleman, Semeber, Penab. Abraham a la barbe longue et blanche, car j’ai omis de dire que ce brave Abraham porte une barbe postiche qui lui tombe jusqu’à l'estomac, vont passer et repasser d'un côté de la scène à l’autre, s’insulter, se battre au sabre, se blesser, se tuer, se relever, combattre encore, s’agenouiller, prier, chanter, agiter les bras et les jambes et tout cela pendant deux heures, en récitant des centaines de vers basques, accompagnant la mimique de gestes sûrs si bien, qu’étant habillés comme des chiens savants, ils ne sont pas ridicules, ils sont écoutés, goûtés, applaudis et bissés. Car la prière chantée d’Abraham est tout simplement superbe. Puis Abraham meurt de vieillesse non sans avoir fait son testament, qu’il écrit sur les planches de la scène avec le bout de sa canne. 



soule autrefois
1928 PASTORALE D'ABRAHAM A ALOS
PAYS BASQUE D'ANTAN



Abraham est mort, mais ces diables de Basques ont la vie si dure que même morts ils marchent encore ; la preuve, c'est qu Abraham marchait à son enterrement, soutenu, il est vrai, sous les deux bras, par Isaac et par lsmaël. Celui-ci se frottant ferme les yeux et mimant une profonde douleur. 




Vrai ! pour un déshérité, Ismaël a bon cœur. 




Les rois accouplés formaient le cortège que la veuve fermait, restant la dernière et le suivant, comme toute veuve de Basque suit son époux à sa dernière demeure. 




Les acteurs ont été fortement applaudis. Ces bergers, ces laboureurs, ces artisans, ces hommes des champs possèdent une intensité de vie vraiment extraordinaire et un sens tout particulier de l’art. 




Quel dommage que Zola ne soit pas venu en pays basque pour se documenter quand il écrivit la Terre ! Ici il n’aurait trouvé Jésus-Christ que cloué sur la croix de bois, salué et respecté de tous. Il nous eût peut-être donné un bon roman social sur ce magnifique pays, qui mérite d'attirer l'attention et qui fixe la sympathie pour toujours dès qu’on l’a connu. Pierre Loti l'a décrit dans son beau roman, Ramuncho, sans cependant nous communiquer l'impression de force virile, de hardiesse, de courage, d'indépendance, de noblesse, qu'un maître tel que Zola nous aurait fait éprouver. Le roman social reste encore à faire. Quant au roman de Loti, il est délicieusement pénétrant. 




pays basque autrefois
RAMUNCHO DE PIERRE LOTI
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le dix-huitième siècle s'est couché sur une idylle : Paul et Virginie. Je crois qu’il en sera de même pour le dix-neuvième avec Ramuncho."






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