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vendredi 19 octobre 2018

UNE PASTORALE BASQUE À GARINDEIN EN SOULE AU PAYS BASQUE EN 1937

UNE PASTORALE À GARINDEIN EN 1937.


La pastorale Basque est le théâtre traditionnel de la province  de Soule.



soule autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN


Son caractère fondamental est de conter une épopée.


Théâtre de plein air, la pastorale rassemble chaque année la population d'un village ou d'un 

petit groupe de villages.


C'est une grande fête villageoise.


Je vous ai déjà parlé à plusieurs reprises de pastorale : pastorale de femmes, les pastorales en 

1923 et pastorale à Cheraute.



Voici ce que rapporta le journal Le Populaire, dans son édition du 11 mars 1937 :


"Les pastorales Basques.



On en parlera beaucoup dans quelques mois.



Pourquoi n'en parlerions-nous pas un peu aujourd'hui ? Il est toujours agréable de prendre les devants sur la route, assez encombrée, de l'information. La "pastorale", Roland ou les Douze pairs de France qui sera jouée au village basque de l'Exposition, avec "L'Instituteur de pastorale" Héguiaphal, surprendra beaucoup. Il n'est pas sûr qu'elle fasse naître en nous un sentiment analogue à celui que l'on éprouve à Aix-la-Chapelle, touchant le marbre blanc du trône de Charlemagne, garni d'un coussin de velours rouge et neuf.



pays basque autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

L'anachronisme de cette "pastorale" aura une autre ampleur.



Le spectacle est actuellement en répétition à Garindein, village des Basses-Pyrénées. Répétitions auxquelles n'assistent que de rares privilégiés parmi lesquels il faut compter notre amie Yvonne Carricaburu, dont le père fut un compositeur basque renommé, et qui est elle-même une remarquable exploratrice de l'histoire basque. Nous lui devons avec les clichés ci-contre pris à Garindein, et, en collaboration avec G. Hérelle, l'érudit professeur au lycée de Bayonne, mort tout récemment, qui fut le traducteur de d'Annunzio, les observations ci-dessous.



soule avant
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

C'est dans la Soule, une des sept provinces basques, que se jouent encore presque exclusivement ces tragédies populaires qu'on nomme "pastorales". Sans doute la Basse-Navarre et le Labour eurent-ils quelques représentations de ce théâtre rural, mais il semble prouvé que des troupes souletines se déplacèrent à cette occasion.



Les premières pastorales furent écrites vers 1500, les dernières en 1903. Hérelle ne les croyait pas venues, comme d'autres l'ont dit, du théâtre antique ou du théâtre espagnol, mais bien des "mystères" du moyen âge. La matière est la même et aux grands cycles des "mystères" correspondent des cycles analogues de "Pastorales". Ancien et Nouveau Testament, Vie des Saints, Romans de geste, histoire légendaire ont fourni les thèmes de ces représentations populaires. Samson, David, Moïse et Josué, saint Jean-Baptiste, la Nativité, saint Pierre, saint André, saint Jacques le Majeur, saint Blaise et sainte Catherine, sainte Marguerite et saint Martin, Robert le Diable, Clovis, saint Louis et Jeanne d'Arc, ont inspiré à la fois les auteurs du moyen âge et les "pastoraliers" du pays de Soule.




pays basque autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Il est très vraisemblable que les plus anciennes pastorales, qui abondent en sermons édifiants et en citations latines, furent écrites par des gens d'église. Elles portent la marque de leurs habitudes d'esprit et de leurs habitudes professionnelles. Par la suite, des laïcs qui, sans doute, dans leur jeunesse, avaient "étudié pour être prêtres" et gardé un souvenir ému du théâtre de collège, ne résistèrent pas au plaisir de faire partager aux villageois les agréments ide leur adolescence. Les derniers auteurs dramatiques sont d'origine modeste : forgerons, cordonniers, cultivateurs, menuisiers au milieu desquels se perdent quelques abbés et quelques maîtres d'école.




Il serait toutefois imprudent de croire que les" pastoraliers" puisèrent leur inspiration directement dans les livres saints ou dans l'Histoire de France. Les brochures de seconde main, répandues à profusion par les colporteurs jusqu'au coeur des provinces les plus reculées, offraient à l'imagination populaire des détails bien plus truculents ! La pastorale de Roland a pour source l'ouvrage intitulé Les conquestes du Grand Charlemagne. Il faut pourtant dire que la Jerusalem délivrée, du Tasse, a directement inspiré une pastorale.



soule autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Quand il a trouvé une belle histoire, la plus grande besogne du "pastoralier" consiste à transformer une narration en une pièce dialoguée. Sans arrêter à l'avance un plan de travail, il suit le livre pas à pas, feuille à feuille, rejette allègrement les passages difficiles à interpréter et raccourcit délibérément la fin en multipliant les coupures, s'il s'aperçoit que la pièce menace de devenir trop longue, il est vrai qu'il a aussi la ressource d'écrire une "pastorale" en plusieurs journées, telle Hélène de Constantinople et de faire annoncer, à la fin de la première partie :



- Vous verrez la revanche dans l'autre pièce, celle où Hélène est réunie à son époux. Nous finirons de la jouer au printemps prochain !...



soule autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Car les répétitions d'une pastorale occupent toutes les soirées d'hiver d'un village. Les pastorales sont versifiées, en "versets" - d'aucuns disent en quatrains, d'autres en distiques... Les "pastoraliers", eux, ne sont pas très fixés là-dessus et appliquent intuitivement des règles qu'ils ignorent...




Toute pièce représentée au plein air commence par un prologue fort impressionnant, clamé aux quatre points de l'horizon. Seul, à ce moment, le héraut est en scène. Ce prologue se chante vers neuf ou dix heures, le matin, l'épilogue à l'entrée de la nuit. Sans arrêt, sans entr'acte. les acteurs bénévoles, recrutés parmi les villageois, déclament à longueur de journée, quelques milliers de quatrains, en arpentant la scène, puis en allant s'asseoir devant le souffleur, "l'instituteur de pastorales lui-même", qui appelle à gorge déployée pour leur entrée en scène les acteurs distraits et dirige, en même temps, l'orchestre situé, comme au cirque, au-dessus de l'accès à rideaux blancs des "gens de théâtre". Mais il est juste de reconnaître, qu'il y a, dans chaque pastorale, un événement justifiant un repas aux heures habituelles. Les acteurs alors se restaurent sur la scène, en compagnie du souffleur, tandis que les spectateurs en font autant sur leurs gradins de bois.



pays basque autrefois
PASTORALE GARINDEIN 19 AVRIL 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Sans actes, sans scènes, l'histoire se déroule. L'auteur lui-même s'est rendu compte que les "événements" ne sont pas toujours faciles à suivre et il n'est pas rare qu'il conseille, dans le prologue, de "bien écouter maintenant afin de comprendre tout à l'heure"...



Il faut croire que les spectateurs ne sont pas dépourvus de perspicacité, car, dans la pastorale de Roland, par exemple, ils suivent les acteurs à Jérusalem, à la cour de Charlemagne, chez le Patriarche de Palestine, chez le roi des Turcs, dans une chambre de torture, chez Marcerius, roi des Maures, à Saragosse et, enfin, à Roncevaux, au pont de Mantible. Lorsque le pont deviendra indispensable, ou le rocher, un acteur en scène tient fièrement le portant sur son épaule et une "demoiselle de théâtre" (toujours vêtue d'une robe moire et ornée d'un tablier blanc de femme de chambre) se précipite pour l'aider à le placer au bon endroit, de même qu'elle se précipitera pour poser devant un futur blessé l'oreiller qui lui permettra de choir sans salir son costume. Tous les hommes ont peu ou prou un costume à bicorne de sous-préfet quand ils sont chrétiens... Pour égayer l'assistance, la "compagnie des païens", flanquée de Satan lui-même et de ses serviteurs Belzébuth Astarté et Brin-damour, se livreront à toutes sortes de diableries, quand ils ne conduiront pas aux enfers les âmes des "mauvais" à coups de fouet. Ils ne sortiront jamais par leur porte rouge sans se prosterner devant "l'Idole" qu'ils nomment aussi "Mahoma" - lisez Mahomet - et qui est, en moins perfectionnée, une figure articulée, à ficelle, comme on en voit à Cluny. Ils viendront, sur les tréteaux, dire leurs quatre vérités aux femmes, aux notaires et aux curés... Car les "pastorales" sont souvent anticléricales...





garindein autrefois
PASTORALE GARINDEIN 18 MAI 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Le "pastoralier", comme nous l'avons dit, est l'auteur de la pastorale. "L'Instituteur de pastorale" est l'héritier de manuscrits transmis de génération en génération. Il a seul le droit de monter les pièces, de les diriger, de les modifier et de jouer le rôle du souffleur...




Il subsiste encore soixante-sept pièces conservées à peu près intégralement chez les "instituteurs de pastorales", carnets en mauvais état qui se déchirent lorsqu'on en tourne les pages. Parfois elles ont été copiées sur du simple papier d'emballage. Certains copistes ont voulu garder jalousement leur privilège et, pour empêcher quiconque de diriger une représentation, malins, ils ont remplacé, par exemple, les voyelles par des chiffres. Certains manuscrits sont agrémentés de schémas indiquant la place des acteurs en scène ou celle des convives à la table. Et il n'est pas rare d'y trouver en marge, quelques détails sur la vie du "pastoralier", sa profession ou ses amours...



soule autrefois
PASTORALE GARINDEIN 18 MAI 1936
COLL MUSEE BASQUE
PAYS BASQUE DANTAN

Peut-être faut-il se hâter d'assister aux pastorales... Sans doute est-il encore au pays de Soule quelques héritiers de manuscrits. Mais la jeune génération souletine sourit quand les douze pairs de Charlemagne ponctuent leur combat à l'épée de coups de fusils et lorsque Floride, païenne et amoureuse de Guy de Bourgogne, arrive en breack de Constantinople... L'incendie d'une forge a détruit, ces temps-ci, quarante-deux manuscrits et le dernier "pastoralier". Jean Agner, cantonnier-chef à Tardets, n'écrit plus ses tragédies sans le secours de Lavisse et de Duruy.




Nous ne reverrons plus Nabuchodonosor, en jaquette, fièrement décoré de la Légion d'honneur."







(Service : http://pastorala.erakusketa.bilketa.eus/index.php/fr/20-representations?start=44 et photos Collection MUSEE BASQUE ET DE L'HISTOIRE DE BAYONNE)



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