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vendredi 26 octobre 2018

LE NAUFRAGE DE "LA SURPRISE" À BIARRITZ-MIARRITZE EN LABOURD AU PAYS BASQUE LE 20 NOVEMBRE 1893


LE NAUFRAGE DE "LA SURPRISE" À BIARRITZ EN 1893.


De nombreux naufrages ont eu lieu, au cours de l'histoire, sur les côtes du Pays Basque.


NAUFRAGE DE LA SURPRISE BIARRITZ 1893
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son 

édition du 26 novembre 1893 :


"Le naufrage de "la Surprise".



Dimanche soir, vers six heures un quart, le canon d’alarme de l’Atalaye annonçait qu’un navire était en détresse. Malgré l’heure tardive, un grand nombre de personnes accourut à la côte. Un voilier s’en venait vers les rochers dits "de la Vierge" et risquait de s’y briser. Des signaux lui furent faits pour l’avertir du danger. Le navire mouilla à deux cents mètres environ de la digue ; mais les amarres furent brisées vers 8 heures par la force de la tempête. Qu’allait-il advenir du navire ? Un courant heureusement l’emporta au large ; le plus fort du danger était pour le moment conjuré. 



Lundi matin la "Surprise" (c’est le nom de l’embarcation) était encore en vue et s’approchait de la côte. Elle avait été désemparée par la tempête, avait perdu voiles et gouvernail, et s’en allait à la dérive. 




Un nouveau coup de canon cria détresse vers 8 heures et demie du matin. A ce moment le voilier était à environ deux kilomètres, mais le flux et les vents le ramenait peu à peu vers la côte. La pluie et les violentes bourrasques n’empêchèrent pas le monde d’accourir de tous côtes, d’interroger anxieusement cette mer affreusement démontée, qui terrible et inhumaine jouait en sa fureur avec le pauvre navire, et pouvait l’engloutir ou le briser à tout instant. 


NAUFRAGE DE LA SURPRISE BIARRITZ 1893
PAYS BASQUE D'ANTAN

Les signaux fonctionnèrent au sémaphore ; après avoir indiqué par un drapeau rouge le danger que présentait la côte aux environs de "la Vierge", on fit signe aux naufragés de venir, sitôt que les ancres leur manqueraient, s’échouer à la côte. C’était évidemment le meilleur parti, puisque le navire à ce moment dérivait du côté de la Grande-Plage, où l’organisation des secours eût été plus facile qu’ailleurs. 




A environ 800 mètres de la Grande-Plage, la "Surprise" mouilla. A peu près vers ce temps, un gros vapeur parut à l’horizon ; on put espérer qu’il comprendrait les signaux qu’on lui faisait, qu’il apercevrait le voilier en détresse et lui porterait secours, mais le vapeur ne vit rien, et, cruellement désillusionné, on le vit disparaître au loin — comme l’espoir qui passe. — On avait aussi télégraphié au Socoa pour qu’un vapeur vint porter secours, et M. l’abbé Silhouette, propriétaire des bateaux, avait autorisé la sortie de ses embarcations. Les dévoués marins essayèrent de prendre la direction de Biarritz, mais poussés vers les côtes d’Espagne, menacés affreusement par l’ouragan ils durent, malgré eux, renoncer à leur projet et rentrer au port. Encore une espérance inutile quoiqu’on l’ait gardée jusqu’au dernier moment.



NAUFRAGE DE LA SURPRISE BIARRITZ 1893
PAYS BASQUE D'ANTAN

Pourquoi le navire ne vint-il pas à la côte quand vents et marée le portaient au plus sûr, quand les signaux le lui conseillaient avec insistance. Les matelots ne comprirent-ils pas ces signes ? Le Capitaine — propriétaire du bateau, dit-on — crût-il pouvoir sauver son embarcation ? Les courants s’y opposèrent-ils ? Erreur, témérité ou fatalité ? Qui sait ? Mais à partir de l’après-midi la situation ne cessa d’empirer. La Surprise, traînant son ancre, s’en venait peu à peu vers la digue du rocher à la Vierge. Il s’avançait progressivement avec le flux, C’est à la "Vierge", que le dénouement allait avoir lieu.




La foule s’amoncelait sur toutes les hauteurs ; on avait réclamé des secours de tous côtés. Les douaniers de la Barre étaient venus avec leur canon porte-amarre et leurs fusils porte-amarre, et s’étaient mis en position . On voyait de plus en plus distinctement les hommes d’équipage, qui faisaient avec leurs bras des signaux désespérés. Il semble qu’un bon canon bien manœuvré eut pu leur envoyer un bout de corde libératrice. Mais quand on se servit de celui qui était là, on avait eu l'impéritie d’assujettir l’amarre avec de la corde, et naturellement quand la poudre prit feu, la corde brûla, l'amarre partit ridiculement inutile, sans rien emporter avec elle. Deux fois même chose se reproduisit, enfin on se décida à chercher du fil de fer, un troisième coup fut tiré mais n'atteignit pas la "Surprise". C'était à refaire. On enroula le filin, on arma la pièce et... on attendit une demi-heure pour renouveler la tentative. Et cependant le navire étant à quelques mètres des rochers, les minutes étaient des siècles pour les matelots debout sur le pont, affolés par le danger, suppliant par gestes. La foule, douloureusement impatientée, murmurait, réclamant plus de promptitude. Et ce fut avec stupéfaction qu elle entendit cette réponse : "C’est notre dernière charge, nous la gardons connue suprême espoir". 






LE ROCHER DE LA SURPRISE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Quatre charges de canon, voilà donc toutes les munitions qu’on avait apportées ! Première et impardonnable faute ; et de ces gargousses, deux ont été perdues par impéritie. Et la quatrième, ce suprême espoir, on la conservera jusqu'au moment où le bateau sera sur le point de se briser. Elle n’était pas lancée depuis deux minutes que "la Surprise" sombrait. Donc, même si elle avait porté juste, on n’aurait pas eu le temps d’établir un va et vient sauveur. N’aurait-il pas fallu, au surplus, que la pièce fut pointée par un officier habile et de sang-froid ? C'est ce qui ne semble pas avoir été fait. Le vent étant l’ennemi, il fallait lui livrer le moins possible de filin et ne pas faire accomplir au projectile une trajectoire exagérée et dangereuse.

 

Le coup avait porté non loin de l’embarcation. La corde passait à un mètre environ. Un matelot se jeta à la mer pour la saisir, la manqua et dut être écrasé sur les rochers. A ce moment "la Surprise", soulevée par une énorme vague, se levait sur sa quille, retombait, était soulevée de nouveau et cette fois, touchant le roc, s’ouvrait à peu près par le milieu comme un éventail, En un clin d’œil la carcasse était réduite en miettes ; un instant on vit osciller les mats puis, plus rien que des débris furieusement enlevés par les vagues. On avait vu les hommes de l’équipage s’embrasser sur le pont avant de disparaître. Ce fut un moment d’angoisse solennelle. Toutes les têtes se découvrirent. Des cris et des pleurs étaient arrachés aux plus stoïques par l’horreur du spectacle. 



LA CROIX COMMEMORATIVE BIARRITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Au bout d’un moment on distingua tout près de la passerelle, un jeune homme presque nu se débattant avec énergie ; une bouée lui fut lancée, arriva presque jusqu’à lui, mais il la manqua et disparut pour toujours. 




Plus loin deux hommes luttaient, cramponnés l’un à une épave, l’autre à un tronçon de mat. Ou donc étaient les secours à ce moment ? Les douaniers avaient des fusils porte-amarre, dont ils ne surent pas se servir, chose incroyable et honteuse ! Des bouées alors ! un morceau de bois quelconque tenu par une corde. On va en inonder la baie où les malheureux se débattent contre la mort ? Qu’on en jette vingt, cinquante ! Vous tous qui pleurez devant cette horrible agonie, et qui croyez ce rudimentaire secours tout près ; vous, spectateurs impuissants et vous, pauvres martyrs destinés à périr, c’est en vain que vous espérez. Des bouées ! il n’y en a point, si, je me trompe, la munificence du poste de secours en a procuré trois, dont une a sa corde pourrie. Les deux survivants, sur leurs épaves arrivent auprès de la roche qui s’avance obliquement près de la passerelle. Des hommes intrépides sont échelonnés là, tendent une bouée. L’un d'eux, M. Comat, atteint presque de la main, un des naufragés. Mais une vague reprend la victime, la bouée reste inutile près du rocher. Sans plus rien trouver où se prendre, les malheureux sont jetés de côté et d’autre, et après un quart d’heure de lutte désespérée, disparaissent à leur tour. 




L’horrible drame était terminé. 




La foule émue, bouleversée indignée, s’écroula lentement, commentant les détails du sinistre et jugeant sévèrement l’organisation du service de secours (?).




"C’est un assassinat !" disaient beaucoup. Et de fait, la manière d’agir des chefs du service n’était pas à l’abri de tout reproche. 




Certes, le cœur n’a manqué à aucun ni la bonne volonté. Mais cela ne suffit pas quand on assume de si lourdes responsabilités, quand on commande, quand du commandement dépend la vie ou la mort de plusieurs existences, il faut encore la science et le sang-froid. Ces qualités ont manqué aux chefs, semble-t-il, et en cela ils n’ont pas fait honneur à leur grade. 




Les victimes sont au nombre de cinq : 

Esnot, maître au cabotage de Boulogne ; 

Le Péru, matelot, inscrit à Lannion ; 

Couhard, Etienne, inscrit à Saint-Nazaire ; 

Calvez, Joseph, inscrit à Paimpol ; 

Et un mousse. 




La mer n'a rendu qu'un seul cadavre, celui de Calvez, jeune homme de 19 ans, qu’on a trouvé dans une crevasse de rochers, à la Vierge. 




Le capitaine est marié depuis environ six mois et laisse à Boulogne une jeune femme enceinte.




On a trouvé parmi les épaves sa photographie, qui a été remise à M. le Maire de Biarritz. 




En présence du malheur qui est advenu, en présence de l’impéritie déplorable et de l’imprévoyance coupable qui se sont manifestées, un double et impérieux devoir s’impose : réparer et préparer. 




Réparer un peu, en répandant le baume de la charité sur les familles chez lesquelles le deuil est entré ; 




Préparer la discipline et le matériel nécessaires pour conjurer semblables désastres dans l’avenir."







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