Libellés

dimanche 19 juin 2022

NOUVELLES ANECDOTES DE VINGT ANS D'INTIMITÉ AVEC EDMOND ROSTAND AU PAYS BASQUE (troisième partie)

 

VINGT ANS D'INTIMITÉ AVEC ROSTAND.


Paul Faure a été l'ami et le confident d'Edmond Rostand pendant des décennies.



pays basque autrefois cambo rostand
LE PEINTRE PASCAU, FAURE ET ROSTAND ET MADAME ROSTAND  EN 1902
PAYS BASQUE D'ANTAN
COLLECTION MUSEE BASQUE BAYONNE


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Les Annales Politiques et Littéraires, le 1er août 1927, 

sous la plume de Paul Faure :



"Vingt ans d'intimité avec Edmond Rostand.



L'Arrivée à Cambo. — Les soirées du Dr Grancher. — La gloire à vingt-neuf ans. — Edmond Rostand et Louis De Robert. — Etchegorria. — Sarah Bernhardt à Wagram.



VI

Je m'étais si bien fait à ces journées avec Rostand que je ne pouvais concevoir que le cours en fût interrompu. Je les voyais se continuant pendant des années. Mais je suis allé passer huit jours à Saint-Jean-de-Luz ; à mon retour, Cambo, que j'avais quitté dans du soleil, est sous la pluie, une de ces pluies comme il n'y en a qu'ici, un de ces mauvais temps basques qui assombrissent tout. Le paysage n'existe plus, écrasé sous le couvercle que lui font les nuages bas. La pluie tombe en paquets qui semblent lancés par des seaux. On dirait que les arbres sont secoués par des mains affolées. La belle allée de nos promenades n'est que boue, que débâcle de feuilles mortes. Le vent est tel que c'est à peine si l'horloge du clocher arrive à le percer de sa voix furieuse. Les gens restent blottis dans leurs maisons. Le pays est désert, méconnaissable.



J'ai trouvé Rostand dans sa salle à manger, en train de regarder à travers la vitre, sur laquelle il pianote.



Tout en parlant, il ne cesse de tourmenter sa moustache, il a un drôle d'air. Au bout d'un moment, s'évadant soudain de la conversation, il me dit :

— A propos, vous ai-je annoncé que nous quittons Cambo dans quinze jours ?



Le drôle d'air, c'était l'ennui d'avoir à m'annoncer la mauvaise nouvelle. J'ai remarqué que lorsque Rostand est obligé de dire une chose désagréable, il est agacé, il regarde de côté. On dirait qu'il prend son élan pour parler.

— Eh oui ! me dit-il, nous partons. J'ai pris cette décision, non pas, comme vous pourriez le croire, à la légère, mais, au contraire, après y avoir réfléchi. Rester à Cambo quand tout me rappelle à Paris, ce ne serait pas raisonnable. Et puis, ici, il pleut trop. Je viens de louer une propriété dans les environs de Paris.



Accablé, je ne trouve rien à dire. Fini l'agréable rêve que j'avais fait de Rostand prenant goût au pays basque !

— Rassurez-vous, dit-il, me voyant désolé, je reviendrai. Pourquoi voulez-vous que je ne revienne pas ?



Pourquoi ? Exactement je n'en sais rien, mais je crois que Rostand ne reviendra pas. Tout doit le retenir à Paris. Et puis, comme tous les nerveux, il est à la merci d'une impression ; quelques jours de ce temps sinistre auront suffi pour lui faire prendre à tout jamais Cambo en grippe. Etchegorria sent déjà le départ. Dans le vestibule s'entassent des malles. Tous les objets ont été emballés. Sans les fleurs, dont il y a toujours une profusion, Etchegorria aurait repris son caractère impersonnel.




pays basque autrefois labourd rostand
ETCHEGORRIA CAMBO 1902
PAYS BASQUE D'ANTAN



Etchegorria, si calme d'habitude, est, aujourd'hui, vacarme de bas en haut. On cloue les caisses, la sonnerie du téléphone n'arrête pas. Maurice et Jean, excités à la pensée d'aller à Paris, font un tapage infernal ; ils crient, sautent, courent, bondissent. Rostand, lui, rôde, les mains au dos, dans ce remue-ménage qu'il ne paraît même pas remarquer. Il va et vient tranquillement, le regard en dedans. Très souvent, plus tard, je lui verrai, dans le monde, en pleine foule, cet air isolé qui, chez lui, est l'indice d'une plongée dans le travail.

— Je souhaite, me dit Mme Rostand, que, pendant nos dernières journées de Cambo, vous entraîniez mon mari, le plus possible, hors de la maison.

— Il est vrai, dit-il, que j'ai en horreur les préparatifs de voyage.



Tout contribuait à rendre désagréables à Rostand ses derniers jours de Cambo : la pluie qui tombait sans répit, et le supplice de l'insomnie, que lui infligeait un chien aboyeur.



L'histoire de ce chien est, d'ailleurs comique.



Rostand — qui, depuis son arrivée à Cambo, se félicitait de ce silence à la campagne grâce auquel il avait pu retrouver le sommeil — fut tenu éveillé toute une nuit par l'aboiement d'un chien. Le lendemain, la fatigue, cette fatigue de l'insomnie qui est la pire de toutes, l'avait brisé ; il parla d'aller coucher à l'hôtel. On l'en dissuada. Le chien n'était sans doute qu'un chien de passage.



La nuit suivante, de nouveau, l'aboiement reprit et se continua sans arrêt jusqu'à l'aube. Rostand était exaspéré. Le bruit d'une grande ville, si violent qu'il soit, est égal, il enveloppe, il finit par bercer. Mais un bruit isolé dans la nuit, aboiement de chien, grignotement de souris, eau s'égouttant d'un toit, mais ce bruit-là qui tranche sur le silence est intolérable. On fit une enquête pour savoir à qui pouvait bien appartenir le chien. On interrogea sans succès les voisins. Les nuits d'après, l'aboiement continuait de plus belle. C'est alors que quelqu'un donna l'idée à Rostand de recourir à un homme très malin, connu dans le pays sous le sobriquet de Faïtou. C'était un de ces types comme il n'y en a plus guère que dans les villages. Marchand de confetti pendant les fêtes locales, joueur d'accordéon, fabricant de cercueils "système américain" (c'est ce qu'il mettait sur l'enseigne de sa boutique, près de la gare), agent électoral, ébéniste, diseur de bonne aventure, il était tout cela à la fois.



Ce Faïtou vint. On lui promit vingt francs par nuit pour découvrir le chien et le faire taire. Il accepta d'enthousiasme. La première nuit, aucun résultat. La deuxième, pas davantage. La troisième, il sembla que le chien aboyait un peu moins. La quatrième, plus de doute, presque plus d'aboiements. Enfin, la cinquième nuit et les nuits suivantes, silence complet.



Rostand remercia l'homme à qui, désormais, il devait de pouvoir dormir, et tout retomba dans le calme.



Mais, peu après, voilà qu'une fois de plus, dans la nuit, l'aboiement éclate. Il continue la nuit d'après. C'est bien le même aboiement, mais peut-être sur une note plus haute, et avec quelque chose d'enroué, comme si le chien, à force de hurler, commençait à devenir aphone. Alors, le valet de chambre se décide à aller voir. Il sort. Pas de lune. L'aboiement vient de l'allée de tilleuls qui sépare Etchegorria de la petite route d'Espelette. L'homme se couche à plat ventre et rampe. L'aboiement se rapproche. Et pas de bruit de chaîne, le chien n'est donc pas à l'attache. L'homme rampe, rampe, puis, brusquement, s'arrête, figé par l'épouvante. Le chien qu'il a devant lui, qu'il distingue nettement, a plus d'un mètre de haut : il est plus grand qu'un ours, et, par un miracle d'équilibre, il tient sur deux pattes. L'homme ramasse son courage, se dresse, et saute sur l'animal, qui s'empresse de se nommer : Faïtou.



Rostand, que cette histoire amusa énormément, fit venir le bonhomme. Confus et tortillant son béret, Faïtou s'expliqua. Les deux premières nuits, il s'était bien gardé de faire taire le chien pour ne pas couper court sitôt à sa fructueuse faction. Mais comme il était forcé d'obtenir un résultat, il procéda graduellement, il amadoua l'animal en le caressant de temps à autre et, la cinquième nuit, il lui administra une boulette de strychnine. Mais le Faïtou, qui trouvait que les vingt francs par nuit étaient aisément gagnés, se prit à regretter le profitable aboiement. Le chien était mort ; lui, Faïtou, aboierait à sa place.



En recommandant Faïtou à Rostand, on avait oublié de le prévenir qu'il était aussi célèbre dans le pays par son art d'imiter le chant des oiseaux et les cris d'animaux de toutes sortes que par ses confetti, son accordéon et ses cercueils américains.



J'avais craint que l'affreux temps ne gâtât pour jamais à Rostand le souvenir de Cambo : par bonheur, les deux ou trois derniers jours qu'il passa à Etchegorria furent admirables.



Brusquement, temps délicieux. Ici, d'ailleurs, on a souvent la surprise, s'étant couché en hiver, de se réveiller au printemps. Hier soir, pluie torrentielle, vent sinistre. Ce matin, on pousse ses volets : et ce qu'on voit est tellement radieux qu'on ne peut s'empêcher de rester accoudé aux fenêtres. Dans Etchegorria, les cloueurs de caisses, les ficeleurs de malles ont des gestes plus mous. Ils ne se hâtent plus. On dirait qu'ils s'attendent à recevoir l'ordre de s'arrêter parce qu'il fait trop beau pour partir.

— Vous avez l'air, dis-je à Rostand, de ruminer quelque chose.

— Et vous ne vous trompez pas, me répond-il en riant. Je viens de recevoir une lettre d'un Anglais, M. Bodley, qui m'annonce sa visite pour jeudi trois heures. C'est un homme de grande valeur, mais qui m'agace un peu par ses façons cérémonieuses, par sa manie de l'étiquette. Il ne me déplairait pas de lui faire un accueil qui le surprît. N'étant jamais venu chez moi, il sera plus cérémonieux encore qu'à son habitude.



Jeudi est arrivé.

— Je devine, me dit Mme Rostand, que mon mari prépare une farce. J'ai peur qu'il n'aille trop loin.



Nous nous installons dans le jardin, Mme Rostand, ses fils et moi. On a disposé des fauteuils d'osier à quelques pas de trois grosses meules de foin : et la table à thé est prête. Mais les enfants de Rostand ont un air cachottier. Nul doute, ils sont dans la confidence. A mesure qu'approche l'heure, ils tiennent de moins en moins en place. Jean, surtout, n'en peut plus ; le voilà qui se roule à terre, se détend, fait des cabrioles. Mais des grelots tintent, un équipage avance, décrit une courbe parfaite, s'arrête. Un personnage solennel en descend. Cinquante ans, grand, mince, rasé, chauve, vêtu correctement mais sans recherche ; il s'approche de Mme Rostand, s'incline, lui baise la main, puis s'incline devant moi. A Maurice et à son frère, pas de ces petites tapes sur les joues par lesquelles on fait bonjour aux enfants, mais un mouvement de tête. A peine assis, il parle, il s'exprime avec une aisance, une perfection telles qu'on se dit qu'il a dû apprendre par coeur ce qu'il débite. Il nous raconte qu'il est venu tout exprès de Bordeaux, où il séjourne en ce moment, pour saluer le maître. Il ajoute un hommage à Mme Rostand, un éloge du pays basque, de son climat et de ses paysages. Le tout, sans une hésitation, sans une rature, sans un effort. Paroles, voix, gestes, regard, façon de se tenir sur le bord du fauteuil, c'est, en politesse, en correction, en bon ton, ce qui se fait de mieux : cela glace. M. Bodley est, paraît-il, lié avec presque tous les souverains, particulièrement avec le roi Edouard VII. Je le crois sans peine. Il doit être suprêmement mal à l'aise dans la familiarité et le débraillé. Mais chez les rois il doit se sentir chez lui. On se le représente glissant sur les parquets de Buckingham-Palace et faisant le triple plongeon du salut de cour. 



Mme Rostand, qui possède comme personne l'art de s'adapter à son interlocuteur, quel qu'il soit, semble, cette fois, assez désemparée. Evidemment, l'idée de la mystification que prépare son mari l'inquiète un peu. Avec cet Anglais solennel, empesé, formaliste, l'effet pourrait être désastreux.



Je me dispose à me lever pour aller à la recherche de Rostand et lui expliquer qu'il va se trouver devant un personnage échappé de la cour de Charles-Quint, lorsque le jeune Jean se met à pousser de tels éclats de rire, que sa mère est obligée de l'excuser.



0 stupeur ! Une des trois meules s'ébranle, puis avance en se dandinant lourdement. Hérisson colossal, elle vient droit à nous, puis, arrivée à deux pas de nos fauteuils, se rabat en arrière, et Rostand apparaît, ruisselant de foin. Le curieux de l'histoire est que l'Anglais n'eut pas l'air plus étonné de voir Rostand éclore de cette meule que s'il l'avait vu sortir de son salon. Pas un tressaillement sur sa figure, rien qui décelât sa surprise, le souci des convenances veillait en lui. Le reste de la visite nous fut un supplice, nous étouffions d'une envie de rire, que rendait plus intolérable encore la correction de l'Anglais.



La veille du départ de Rostand, comme j'étais allé le voir vers midi, Mme Rostand me dit qu'il venait de sortir, et que je le retrouverais dans l'allée.



Je le rencontre devant Assantza. C'est une maison qu'il admire beaucoup, la plus jolie du pays : une grande maison carrée, toute simple, mais qu'on ne se lasse pas de regarder, tant elle a de poésie avec sa façade pâle, avec ses volets dont la teinte vague est due à l'effacement de couleurs qui furent, sans doute, du vert et du blanc, avec son allée qui la fait lointaine et mystérieuse.



pays basque autrefois hôtel labourd
HÔTEL ASSANTZA CAMBO
PAYS BASQUE D'ANTAN



Rostand est devant le portail, vêtu d'un pardessus sombre dont il a, malgré la chaleur, relevé le col d'astrakan jusqu'aux oreilles, et coiffé d'un grand chapeau noir dont il a rabattu le bord jusqu'à son nez ; de son visage, on ne voit que la moustache. Dans ce vêtement noir et strict, il a l'air d'être dans un étui. Il fait les cent pas, la tête baissée, la main droite nerveuse sur la canne. Il finit par parler.

— Quand je suis venu à Cambo, je pensais à une pièce dont je commence à entrevoir les grandes lignes.



Et comme je lui demande des détails :

— Pas maintenant, c'est trop tôt. Je ne crois pas, d'ailleurs, qu'on me comprenne. Ma foi, tant pis !

— Et cette pièce, en avez-vous le titre ?

Chantecler.



VII 1901-1902.



La notoriété de Rostand est telle qu'il ne se passe pas de jour où la presse ne parle de lui. Il vient d'être élu à l'Académie française, au fauteuil de Henri de Bornier. Il sera le plus jeune académicien. Aucun des grands poètes du siècle dernier n'est entré à son âge sous la coupole. Lamartine fut admis à quarante ans, Victor Hugo à trente-neuf, Alfred de Vigny à quarante-neuf, Musset à quarante-deux, Leconte de Lisle à soixante-dix. Rostand n'a que trente-trois ans.



Son élection ne faisait aucun doute. Avec Cyrano et L'Aiglon, il a été, en quelque sorte, porté à l'Académie par l'acclamation du public. Bien entendu, je m'en réjouis, mais je m'attriste de penser que ce nouveau rayon ajouté à sa gloire ne pourra que lui faire aimer davantage Paris et oublier le pays basque.



Quoi de plus agréable qu'une crainte qui ne se réalise pas ? J'avais presque renoncé à l'espoir de voir Rostand revenir à Cambo, lorsqu'un matin on me remet une dépêche par laquelle il m'annonce son arrivée à Etchegorria.



Le temps est magnifique : août dans toute sa splendeur. Les habitants de Cambo, qui ont pu apprécier les effets bienfaisants du séjour de Rostand chez eux, ont voulu célébrer son élection à l'Académie et témoigner leur joie de son retour par une réception solennelle.



Arcs de verdure, jonchées de fleurs, salves. Rostand, pris à l'improviste, est très touché, et ses enfants ne se tiennent plus de joie quand ils voient de beaux cavaliers basques encadrer de leur escorte pittoresque et piaffante le landau qui les mène à Etchegorria.



Ceux qui viennent de recevoir une marque d'honneur ont l'air, quand on les félicite, de n'y attacher aucune importance, surtout quand ils ont tout fait pour l'obtenir. Et plus leur situation est considérable, plus ils affectent une attitude désinvolte. Rostand, lui, avoue franchement son plaisir de cette élection. On dirait la satisfaction modeste et gentille de l'élève bien doué qui a reçu sa récompense.



Etchegorria semble rayonner du retour de son hôte. Le soleil y entre à flots. Je reconnais dans le vestibule les caisses et les malles que j'avais vues clouées pour le départ ; et les domestiques qui les ouvrent, les mêmes qui les fermaient il y a quelques mois avec des gestes d'ennui, les défont, maintenant, avec une célérité, une joie épanouie en paroles et en chansons, qui exprime clairement combien ils sont heureux de se retrouver ici.



Je viens d'aller voir Rostand dans sa chambre aux trois fenêtres ouvertes sur l'ardente lumière du jardin, tout grésillant du bruit des cigales.



Souriant, de belle humeur, il est étendu, habillé, sur son lit. Il n'est pas malade, mais simplement fatigué par le voyage.



Je lui dis qu'à la nouvelle de son retour au pays basque, je n'ai pu, malgré ma joie, m'empêcher de craindre qu'il ne fût retombé malade.

— Mais non, ma pneumonie est une vieille histoire. Et ma santé n'a rien à voir avec ma venue.

— Alors, c'est qu'aux environs de Paris vous ne pouvez pas travailler, et que vous pensez être plus tranquille ici pour écrire votre discours de réception et cette pièce dont vous m'avez parlé : Chantecler ?

— Ce n'est pas cela non plus. Croyez bien qu'il est aussi facile de s'isoler dans les environs de Paris qu'ici : le tout est de tenir sa porte fermée. Mon discours, ce Chantecler dont je n'ai pas encore écrit un vers, j'aurais aussi bien pu y travailler là-bas. Pourquoi je suis revenu au pays basque ? Je n'en sais trop rien moi-même. Cependant, à la réflexion... Figurez-vous que, là-bas, il m'est arrivé d'éprouver quelque chose de vague et, en même temps, de tenace et de lancinant, qui ressemblait à de la nostalgie. C'est là pour moi du nouveau. Je ne m'étais jamais attaché aux endroits. Pourquoi donc le pays basque, où je n'ai vécu que peu de mois, m'a-t-il donné cette envie sourde d'y revenir, alors que d'autres pays, où j'ai passé des années, m'ont laissé indifférent ? La maladie m'aurait-elle modifié en me rendant plus sensible aux influences extérieures ?



Paroles imprévues ! Elles rassurent ma crainte de voir Rostand sans goût pour le pays basque. Mieux que cela : il me semble qu'il vient d'en parler avec cette voix que je connais à ceux qui en sont devenus les amateurs passionnés. Comment cela m'étonnerait-il ? J'ai vu tant de gens se traîner d'ennui à leur premier séjour dans ce pays, y bâiller du matin au soir, le quitter avec un soupir de soulagement ; puis, une fois loin, s'y sentir ramenés par une force irrésistible !

— Je me suis peut-être trop avancé, me dit Rostand, en prétendant que l'on peut, quand on veut, s'enfermer chez soi. Ainsi, tenez, ce matin, je reçois une lettre de Galdemar, le rédacteur du Gaulois, qui m'annonce son arrivée. Il m'est envoyé par son journal. L'ennuyeux, ce n'est pas Galdemar, qui est très sympathique, mais ce qu'il vient probablement me demander. Pour qu'il fasse le voyage de Paris, la chose doit être importante. Or, j'allais travailler, j'allais, dès demain, me mettre à Chantecler. Maintenant, c'est impossible, je devrais dans deux jours m'interrompre.

— Eh bien ! vous vous interromprez ; et, Galdemar parti, vous reprendrez votre travail.

— Non. Il y a des tas de gens qui peuvent se mettre à un travail, le laisser pour le reprendre, et ainsi de suite, comme on reprend une conversation téléphonique qui vient d'être coupée ; moi, je ne peux pas, je n'ai jamais pu. Ce qu'il y a de plus inquiétant dans la visite de Galdemar, c'est que, si on se met à venir de Paris me relancer ici, ma vie ne sera plus possible, et je regretterai de ne pas être allé au Caire, car vous savez que Grancher m'avait conseillé l'Egypte ou Cambo. On y aurait regardé à deux fois avant de s'embarquer.



Rostand, avec son pessimisme, exagère et déforme les grands et les petits ennuis. Dès maintenant, il voit sa solitude envahie par les journalistes."



A suivre...




  


Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

Plus de 5 400 autres articles vous attendent dans mon blog :

https://paysbasqueavant.blogspot.com/


N'hésitez pas à vous abonner à mon blog, à la page Facebook et à la chaîne YouTube, c'est gratuit !!!

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire