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samedi 6 juillet 2019

"CHANTECLER" À CAMBO EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1910 (première partie)


"CHANTECLER" À CAMBO.


Chantecler est une pièce de théâtre en quatre actes d'Edmond Rostand créée en 1910.

CHANTECLER D'EDMOND ROSTAND



Voici ce que rapporta La Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, dans son édition 

du 6 février 1910 :


"Au Berceau de "Chantecler".


Chantecler va triompher enfin à la "Porte Saint-Martin" et, malgré l'émotion causée par les désastres récents, occupe toute la Presse et toute la foule des intellectuels. 


En attendant que nous ayons l'occasion d'entendre et d'applaudir, ou de lire tout au moins, la nouvelle de Rostand, nous nous proposons aujourd'hui  d'évoquer les échos de Cambo. 



GUITRY LE COQ CHANTECLER

Autour d'Arnaga.

C'est à Cambo, en effet, et dans la campagne basque, qu'est éclose l'idée créatrice de l'oeuvre, qu'elle a été couvée, qu'elle a, un beau jour, brisé sa coquille, qu'elle a grandi, près de la frontière pyrénéenne plus encore que si elle eut été espagnole et que, d'un envol glorieux et étourdissant, elle a pris son essor vers le Boulevard avant de planer sur l'Univers. 



Le Berceau de Chantecler, c'est la résidence du poète, "Arnaga", qui, tel un promontoire, s'avance en éperon sur une vallée poétiquement belle, où la Nive serpente entre deux lignes de coteaux liants et verdoyants jusqu'au continent avec l'Adour, en plein centre de Bayonne. 



Dans ce paysage, la Nature semble avoir tout disposé pour charmer et reposer la vue. Sur la rivière glissent des barques effilées, qui rappellent, en plus léger, les antiques galères : les autos, courant sur la route blanche qui va de Biarritz au cœur du Pays Basque, semblent jouer à cache-cache en se dérobant de-ci de-là sous les frondaisons des bocages, tandis que, sur les méandres de la voie ferrée, le regard peut suivre longuement le train qui fuit ou se rapproche, et ce qui reste de lui — comme de Cyrano — quand il a disparu : son panache ! 


HARMENT LE DINDON CHANTECLER

A la limite de l'horizon s’étage le bourg d'Ustaritz, nom basque qui signifie "le pays des grands chênes", chênes sous lesquels les Anciens du pays tenaient leur "bilzaar", c’est-à-dire leur forum ; Ustaritz qui fut, durant trois siècles, un chef-lieu de baillage sous l'administration des sénéchaux de l’Angleterre et qui soutint des luttes sanglantes avec les gouverneurs de Bayonne. La ville n a rien gardé de son passé ; elle s’enorgueillit, de ce qu’on nomme "les maisons américaines", bâtisses élevées avec plus de prétention que de goût par ceux qui purent revenir au pays, rapportant en belle monnaie les sourires que la fortune eut pour eux sur la terre d’Amérique. 



Plus près, le village de Larressore semble porter l’ennui de son séminaire endormi depuis que la main du pouvoir s’est appesantie sur les menses. C'est une volière désertée de ses oiseaux et qui semble fleurer leur départ : Sunt Lacrymae... 



Puis, Halsou et Jatxou s’accordant comme deux rimes, l’une en haut, l'autre en bas de la colline. Ce qu’on voit surtout de Jatxou, c'est son église qui s’élève à pic sur le versant, mais dont l’audacieux clocher est dominé par un chêne plus superbe encore.


DORIVAL LE GRAND DUC CHANTECLER

Au Midi, se profilent les dernières Pyrénées, dont les zigzags descendent graduellement pour se mirer et se baigner dans l'océan. Souvent la brume les estompe et les éloigne, mais elles se rapprochent et révèlent leurs moindres détails quand les vents d'autan balaient l'espace, et, d'autres fois, quand le soleil couchant se joue dans les nuages, elles s’illuminent au caprice de ses feux et s’irradient de tonalités fantastiques. 



Tel est le panorama que domine le plateau où le poète a bâti son aire. 



Si Arnaga avait une tour, elle n’aurait pas beaucoup à s'élever pour découvrir, à l'occident, la grande bleue, dont les bords argentés dessinent les rivages de Hendaye, de Saint-Jean-de-Luz, de Guéthary et de Biarritz, la station aux plages multiples et aux cotes pittoresques, si souvent parcourues par la Limousine aux 40 Pégases. 



Mais Arnaga, qui a de si excellentes autos, n’a pas de tour, et les quelque vingt kilomètres qui la séparent de la rôle, empêchent la rumeur de l’Océan et le bruit des foules saisonnières d'y venir troubler la rêverie et le calme du poète, quand il lui plaît de s’isoler. 



DERAISY LA POULE BLANCHE CHANTECLER

La maison du Poète.


Arnaga est une grande maison de style basque, architecture composite, réunissant des traditions régionales dont beaucoup auraient disparu sans l'initiative de Rostand. Maintenant, de ces "maisons basques", on en fait partout. 



L'architecte Tournaire dût être quelque peu surpris et embarrassé quand Rostand, ayant choisi son emplacement et acquis ses terres au soleil, le manda à Cambo pour y bâtir une "chaumière" en harmonie avec le cadre. Tournaire pouvait posséder les secrets des architectures grecque, romaine, gothique, arabe, etc..., voire du modern’ style, mais l'architecture basque le laissait rêveur. Dans le train qui le conduisit à Cambo, il parcourut la "Maison Basque" de feu O'Shea, un des seuls documents qui existe sur la matière et il y apprit que les moindres bâtisses, au pays des Nives, s'ennoblissaient d'une personnalité spéciale où disparaît, pour ainsi dire, la personnalité même du propriétaire de céans. Les maisons basques couvrent de leur litre, en même temps que de leur toit, les hôtes qu'elles abritent, et c’est ainsi que l’auteur de Cyrano est devenu pour ses voisins "le Monsieur d’Arnaga", Arnagaco-Jauna



GALIPAUX LE MERLE CHANTECLER


Tout autre que Tournaire eut probablement jeté la truelle devant l'embarras du problème. Mais, au débotté, son idée était faite. Si l'architecture basque n'existait pas, eh bien, on l'inventerait ou la créerait. Il demanda au secrétaire du poète, doublé d'un photographe habile, de se munir de châssis et de plaques, et tous deux parcoururent le pays basque au hasard des chemins. Le moindre coin intéressant de maison, le détail original ou inédit, un toit penché, une galerie sur cour intérieure, une tonnelle rustique, le plein cintre d’une porte, tout ce qui les frappa dans leur promenade à la découverte fut soumis à l'objectif. Ainboa, Saint-Pée, Espelette, Sare... furent fouillés ainsi et, quand les explorateurs revinrent, ils rapportèrent une ample provision de clichés dont les épreuves passèrent sous les yeux du maître. On discuta, on sélectionna et, le tri fait, Tournaire n'eut plus qu’à dessiner une grande, une immense maison où trouvèrent place tous les détails qui avaient plu ; le style basque a d’ailleurs ceci de bon, que la symétrie, n’y a pas voix au chapitre, que la loi de la commodité et celle même du Caprice disposent d’une liberté absolue. 



Ainsi Rostand a pu avoir le grand toit qui ressemble aux ailes inégalement étendues d’un oiseau ou aux bords immenses du couvre-chef de Carbon de Casteljaloux. Les fenêtres sont basses aux étages pour donner moins de prise aux rafales que le castel défie et pour cacher jalousement l’intimité de la vie. De ci, de là, des balcons apparaissent, inopinés, en des endroits où rien ne semblait les indiquer. Dans le patio, qui forme cour inférieure, devant, la terrasse, les miroirs d’eau et l’exèdre, le regard ressent l’impression d’un nouveau jardin des Hespérides, où les statues des poètes, dieux de la Pensée, rêvent sous les lauriers."



A suivre...






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