LA REINE D'ESPAGNE AU PAYS BASQUE EN 1868.
La Révolution de 1868 (La Gloriosa ou La Septembrina) détrône la reine d'Espagne Isabelle II et la contraint à l'exil en France.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, dans son
édition du 5 octobre 1868 :
"Nouveaux détails sur le départ de Saint-Sébastien et l’arrivée en France.
On écrit de Saint-Sébastien au Temps :
Saint-Sébastien, 29 sept., 10 h., soir.
Pendant toute la journée du 29, la reine s’était enfermée, refusant de voir personne. Elle attendait avec anxiété des nouvelles de Madrid et de Novaliches. Vers midi, au moment où des dépêches venaient d’arriver, il se produisit dans la maison Mathen un mouvement inaccoutumé. Ce n’était pas la victoire, mais c’était évidemment un retour d’espérance. Les courtisans affluaient de nouveau à la porte du salon royal.
MARQUIS DE NOVALICHES 1854 |
Voici ce qui s’était passé. La reine avait appris par le télégraphe que sa cause était sans espoir, que Novaliches rentrait vaincu et blessé à Madrid. En lisant ces dépêches, elle eut comme une illumination, son visage était transfiguré, et tout le monde crut à une victoire.
La reine quitta le salon, se retira dans une chambre qui donne sur la cour, et elle écrivit...
A qui pouvait elle écrire ? Concha était hésitant ; Novaliches, vaincu, Pezuela, impuissant ; Serrano, hostile. Elle écrivait au duc de la Victoire...
REINE D'ESPAGNE ISABEL II |
"C’est toi qui as sauvé la dynastie, c’est toi qui la sauveras encore cette fois. Pour moi, je ne veux plus rien, je ne suis plus rien. Mais voilà le prince des Asturies que je jette dans tes bras, que je te confie. Ce que tu as fais pour moi, tu le feras pour lui..."
La lettre était expansive, touchante. La reine triomphait. Il fallait maintenant décider le prince des Asturies à se rendre à Logroño. On le conduisit auprès de sa mère ; elle lui dit la résolution que les circonstances lui imposaient. Mais le petit prince, qui ne sait pas encore ce que c’est que le trône, et ne voyait que sa mère qu’il ne voulait pas quitter, se prit à fondre eu larmes. Il se précipita dans les bras d’Isabelle...
Ce fut un nouveau coup de théâtre. La reine, émue, brisée, déchira convulsivement la lettre qu'elle tenait encore à la main : agitée, pâle, elle entraîna son fils, comme si elle eût voulu le protéger elle-même contre une séparation...
Ainsi est tombée la dernière chance de la dynastie d'Isabelle II.
L'Evénement raconte ainsi les incidents qui ont précédé le départ de la reine d’Espagne :
Il parait que le ministre, en venant confirmer à la reine les désastreuses nouvelles de la défaite de son unique général, grièvement blessé, et de la défection entière de sa dernière armée, lui avait appris que Madrid s’était prononcé (c’est le mot) ; le peuple avait assailli les troupes royales, qui, refusant d’obéir à leurs chefs, s’étaient livrées aux excès les plus graves.
Isabelle voulait partir sur le champ pour Madrid avec le prince des Asturies. Le fameux mot : Il est trop tard ! fut le cri général.
REINE D'ESPAGNE ISABEL II |
— La reine n’est pas en sûreté ici, continua le ministre.
— Partons pour Pampelune ! s'écria l'intendant général.
Et, après de longues hésitations, il fut décidé que la cour irait se réfugier dans cette ville forte, assez rapprochée des frontières de France.
Une proclamation à son peuple fut rédigée par Isabelle.
On m’a affirmé qu'elle contenait l’abdication de la reine en faveur du prince des Asturies. Elle nommait le comte de Girgenti régent du royaume.
Trois fois les efforts tentés pour décider la reine à partir immédiatement ont échoué. Cependant, à onze heures du soir, un exprès a été envoyé à Biarritz pour prévenir l'ambassadeur d'Espagne, qui ne savait rien.
M. Mon s’est rendu auprès de l’Empereur malgré l'heure avancée, et un attaché d'ambassade est venu pendant la nuit avertir officiellement la reine quelle serait reçue dans la vile de France qu'il lui plairait de désigner, avec les honneurs dus aux souverains.
L’ambassadeur indiquait Bordeaux, et les mesures prises pour y recevoir la reine.
REINE D'ESPAGNE ISABEL II |
C'est au milieu de la nuit qu’Isabelle, écoutant le conseil de celui qui l'engageait à se réfugier provisoirement en France, donna l’ordre du départ pour le lendemain à la première heure.
Mais quand on lui demanda où la cour devait se rendre : — A la frontière d’Espagne ! répondit la reine. J’attendrai là que la folle effervescence de mon armée et la trahison de mes généraux soient passées...
La reine pensait toujours à se rendre à Pampelune. Il lui coûtait trop de dire qu’elle abandonnait son royaume !...
Cependant, une dépêche lui apprit que Madrid allait déclarer sa déchéance, et que la flotte de Topete voguait vers Saint-Sébastien (dépêche jaune, la dernière !)
"La reine pourrait risquer sa vie, la mère ne doit pas exposer les jours de son prince ; partons pour Hendaye." Et, plongée dans une amère douleur, la reine passa la nuit debout.
En quelques heures, les bagages, les malles sont disposées. A cinq heures du matin, les omnibus du chemin de fer stationnent devant la maison Maten et indiquent l’imminence du départ d’Isabelle. Les derniers moments furent déchirants. Cependant, devant la foule assemblée, la reine reprit, un visage impassible.
La gare est occupée par douze gendarmes. Les plus grandes dames de la noblesse espagnole sont là ; leur visage indique plutôt la terreur que le chagrin ; j’y vois sur quelques colis : Pampelune ; sur d'autres : Hendaye.
REINE D'ESPAGNE ISABEL II |
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