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dimanche 21 juillet 2019

LA REINE D'ESPAGNE AU PAYS BASQUE EN OCTOBRE 1868


LA REINE D'ESPAGNE AU PAYS BASQUE EN 1868.


La Révolution de 1868 (La Gloriosa ou La Septembrina) détrône la reine d'Espagne Isabelle II et la contraint à l'exil en France.

REINE D'ESPAGNE ISABEL II

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Mémorial de la Loire et de la Haute-Loire, dans son 

édition du 5 octobre 1868 :



"Nouveaux détails sur le départ de Saint-Sébastien et l’arrivée en France. 



On écrit de Saint-Sébastien au Temps


Saint-Sébastien, 29 sept., 10 h., soir. 



Pendant toute la journée du 29, la reine s’était enfermée, refusant de voir personne. Elle attendait avec anxiété des nouvelles de Madrid et de Novaliches. Vers midi, au moment où des dépêches venaient d’arriver, il se produisit dans la maison Mathen un mouvement inaccoutumé. Ce n’était pas la victoire, mais c’était évidemment un retour d’espérance. Les courtisans affluaient de nouveau à la porte du salon royal. 



MARQUIS DE NOVALICHES 1854



Voici ce qui s’était passé. La reine avait appris par le télégraphe que sa cause était sans espoir, que Novaliches rentrait vaincu et blessé à Madrid. En lisant ces dépêches, elle eut comme une illumination, son visage était transfiguré, et tout le monde crut à une victoire. 




La reine quitta le salon, se retira dans une chambre qui donne sur la cour, et elle écrivit... 




A qui pouvait elle écrire ? Concha était hésitant ; Novaliches, vaincu, Pezuela, impuissant ; Serrano, hostile. Elle écrivait au duc de la Victoire...



REINE D'ESPAGNE ISABEL II

"C’est toi qui as sauvé la dynastie, c’est toi qui la sauveras encore cette fois. Pour moi, je ne veux plus rien, je ne suis plus rien. Mais voilà le prince des Asturies que je jette dans tes bras, que je te confie. Ce que tu as fais pour moi, tu le feras pour lui..." 




La lettre était expansive, touchante. La reine triomphait. Il fallait maintenant décider le prince des Asturies à se rendre à Logroño. On le conduisit auprès de sa mère ; elle lui dit la résolution que les circonstances lui imposaient. Mais le petit prince, qui ne sait pas encore ce que c’est que le trône, et ne voyait que sa mère qu’il ne voulait pas quitter, se prit à fondre eu larmes. Il se précipita dans les bras d’Isabelle... 




Ce fut un nouveau coup de théâtre. La reine, émue, brisée, déchira convulsivement la lettre qu'elle tenait encore à la main : agitée, pâle, elle entraîna son fils, comme si elle eût voulu le protéger elle-même contre une séparation... 




Ainsi est tombée la dernière chance de la dynastie d'Isabelle II.




L'Evénement raconte ainsi les incidents qui ont précédé le départ de la reine d’Espagne : 


Il parait que le ministre, en venant confirmer à la reine les désastreuses nouvelles de la défaite de son unique général, grièvement blessé, et de la défection entière de sa dernière armée, lui avait appris que Madrid s’était prononcé (c’est le mot) ; le peuple avait assailli les troupes royales, qui, refusant d’obéir à leurs chefs, s’étaient livrées aux excès les plus graves. 




Isabelle voulait partir sur le champ pour Madrid avec le prince des Asturies. Le fameux mot : Il est trop tard ! fut le cri général. 




REINE D'ESPAGNE ISABEL II

— La reine n’est pas en sûreté ici, continua le ministre.


— Partons pour Pampelune ! s'écria l'intendant général. 


Et, après de longues hésitations, il fut décidé que la cour irait se réfugier dans cette ville forte, assez rapprochée des frontières de France. 




Une proclamation à son peuple fut rédigée par Isabelle. 




On m’a affirmé qu'elle contenait l’abdication de la reine en faveur du prince des Asturies. Elle nommait le comte de Girgenti régent du royaume.




Trois fois les efforts tentés pour décider la reine à partir immédiatement ont échoué. Cependant, à onze heures du soir, un exprès a été envoyé à Biarritz pour prévenir l'ambassadeur d'Espagne, qui ne savait rien. 




M. Mon s’est rendu auprès de l’Empereur malgré l'heure avancée, et un attaché d'ambassade est venu pendant la nuit avertir officiellement la reine quelle serait reçue dans la vile de France qu'il lui plairait de désigner, avec les honneurs dus aux souverains. 




L’ambassadeur indiquait Bordeaux, et les mesures prises pour y recevoir la reine. 



REINE D'ESPAGNE ISABEL II

C'est au milieu de la nuit qu’Isabelle, écoutant le conseil de celui qui l'engageait à se réfugier provisoirement en France, donna l’ordre du départ pour le lendemain à la première heure




Mais quand on lui demanda où la cour devait se rendre : — A la frontière d’Espagne ! répondit la reine. J’attendrai là que la folle effervescence de mon armée et la trahison de mes généraux soient passées... 




La reine pensait toujours à se rendre à Pampelune. Il lui coûtait trop de dire qu’elle abandonnait son royaume !... 




Cependant, une dépêche lui apprit que Madrid allait déclarer sa déchéance, et que la flotte de Topete voguait vers Saint-Sébastien (dépêche jaune, la dernière !) 




"La reine pourrait risquer sa vie, la mère ne doit pas exposer les jours de son prince ; partons pour Hendaye." Et, plongée dans une amère douleur, la reine passa la nuit debout. 




En quelques heures, les bagages, les malles sont disposées. A cinq heures du matin, les omnibus du chemin de fer stationnent devant la maison Maten et indiquent l’imminence du départ d’Isabelle. Les derniers moments furent déchirants. Cependant, devant la foule assemblée, la reine reprit, un visage impassible. 




La gare est occupée par douze gendarmes. Les plus grandes dames de la noblesse espagnole sont là ; leur visage indique plutôt la terreur que le chagrin ; j’y vois sur quelques colis : Pampelune ; sur d'autres : Hendaye



REINE D'ESPAGNE ISABEL II

Le marquis de Heredia, le marquis de Loja, tous les grands dignitaires sont là. 




Les wagons de la reine, abrités par des couvertures blanches, stationnent sur la voie. 




On forme un tram qui doit précéder celui de Sa Majesté. Nous suivons tous ces personnages au nombre de 26, et nous faisons route pour Hendaye."




"Rien que nous ayons déjà donné des détails sur le départ de Saint-Sébastien de la famille exilée, nous empruntons encore ceux qu’on va lire à une lettre adressée à la Gironde, mais en faisant quelques coupures, le langage du correspondant n'étant pas toujours convenable : 


"Saint-Sébastien, 30 septembre.



Je viens d’assister à un spectacle émouvant ; après avoir vu, pendant treize jours, comment une royauté agonise, je viens de voir comment elle meurt. 




A minuit, je me promenais avec un ami, sur la plage déserte, devant l’humble maison qui a été la dernière demeure de cette reine à laquelle appartenaient des palais splendides, de somptueux châteaux, les jardins les plus vastes et les parcs les plus ombreux : le Pardo, le Retiro, la Casa de Campo, la Floride, l'Escurial, Aranjuez, San-Ildefonso, etc., etc. 




Nous savions que là, derrière ces fenêtres sombres, dans cette maison bâtie pour être une fonda espagnole, et que l’infant don Sébastien avait — non pas fait construire, comme je vous l’avais écrit, mais louée seulement — au fond d’une longue salle qui va devenir une salle d’auberge, Isabelle de Bourbon, détrônée par son peuple et par son armée qui fraternisent, agitait la question de son départ et allait en fixer l'heure. La veillée funèbre a duré jusqu'au jour ; je m’étais retiré quand j’ai appris que le train d'exil se mettrait en marche à dix heures du matin. 




Je prenais, vers neuf heures et demie, mon poste d'observation à la gare, près d'un pilier qui touchait presque au wagon royal. Deux compagnies du génie forment la haie, — une compagnie de hallebardiers, qui escorta les exilés jusqu’à la frontière, se range près des wagons qui lui sont destinés.




Dans un autre wagon, prennent place les serviteurs qui n’ont pas été congédiés ; des curieux se pressent des deux côtés de la porte encore ornée des guirlandes qu'on avait tressées pour les trois faux départs dont je vous ai fait le récit. Ces pauvres guirlandes sont flétries. Plus de directeur, plus d’inspecteurs en grande tenue, plus de courtisans chamarrés de broderies et de croix !




Dix heures sonnent ; la locomotive, tournée cette fois du côté de la France, siffle en lançant des tourbillons de fumée ; l’aiguille de la pendule de la station marque dix heures cinq minutes. Au dehors, le roulement d’un tambour ; un officier donne aux soldats un ordre ; ils présentent les armes ; tous les cous se tendent : La voilà ! 




En effet, le père Claret ouvre la marche et monte, le premier, dans un wagon-terrasse ; la reine le suit, ses yeux sont rouges et presque sans regard s; le roi, l’infant don Sébastien et sa femme montent à leur tour. Le jeune prince des Asturies vient après eux ; cet enfant est profondément triste et comprend sa position. Mais les trois petites infantes rient et s’amusent ; elles paraissent charmées de faire un voyage. Le marquis de San Gregorio, médecin de la reine ; le marquis de Roncali et deux autres dignitaires vont se ranger derrière la reine. On se sent ému, malgré soi, en voyant se consommer cet acte. 




La reine et le roi sont debout, résignés ; leurs yeux interrogent la foute muette et qui les regarde, comme s'ils en attendaient un mouvement pour retenir la famille royale d’Espagne. Quelques visages s’attendrissent. Le roi semble essuyer une larme ; la reine se trouble et se rapproche du P. Claret, assis près de la balustrade ; il prend la main de la reine en disant : "Animo, hija mia, animo ! Courage, ma fille, courage !" Le chef du mouvement donne le signal du départ, et, au milieu d’un silence sépulcral, la locomotive s’élance, emportant le funèbre convoi de la reine découronnée. A ce moment, la musique du génie fait entendre, pour la dernière fois, à la reine déchue, l'air de la marche royale."




On nous communique, dit l'Opinion nationale, une lettre particulière, en date de Biarritz, 30 septembre. Nous en garantissons la parfaite authenticité. 




"Biarritz, 30 septembre. 



Après cent soixante-huit ans écoulés depuis l’adoption de Philippe duc d’Anjou par Charles II, aujourd'hui 30 septembre 1868, à deux heures après midi, la dynastie des Bourbons d’Espagne est morte sous mes yeux, en gare de Biarritz, entre les bras de l’Empereur. Témoin oculaire, avec quelques bien rares privilégiés, de cette fatale entrevue, je crois vous faire plaisir en vous en donnant les détails circonstanciés et véridiques. 




C’est ce matin vers huit heures que, malgré l’avis de son entourage, la reine a décidé sa fuite et donné des ordres en conséquence. M. Roncali, ministre d’Etat, l'a emporté sur ceux qui prêchaient encore la résistance dans le conseil de la reine. 




Une dépêche adressée à M. Mon, ambassadeur d’Espagne, et reçue à huit heures et demie à Biarritz, a donné l’avis de la débâcle ; aussitôt M. Mon est parti pour Hendaye, avec le général de Castelnau, aide de camp de l'Empereur, pour aller au-devant de la reine. Je ne vous dirai pas toutes les hésitations, toutes les résolutions, tous les ordres et tous les contre-ordres qui ont rempli la matinée, et dont le fil du chemin de fer, entre Biarritz et Hendaye, était le messager ; ce serait trop long et ne servirait à rien, maintenant que le fait est accompli. Durant ce temps, le consul d’Espagne à Bayonne faisait arrêter, à Pau, les logements nécessaires pour la reine et pour toute sa suite. 




Le bruit de toutes ces démarches se répandit bientôt à Biarritz, et toutes les voitures furent mises en réquisition par les curieux, qui voulaient courir à la gare, éloignée de trois kilomètres du centre de la ville.




La version la plus accréditée, je dirai plus, la plus vraie, était que la reine allait faire une entrée à Biarritz et faire une visite à la villa. On croyait qu’elle venait implorer des secours : on ne croyait pas encore à la fuite. 




Le train qui portait la reine devait arriver en gare de Biarritz vers une heure, je me rendis un peu en avant à la station, et, voyant à mon arrivée toutes les salles pleines de monde, je fus me réfugier dans le bureau du chef de gare, où se trouvaient déjà quelques personnes et entre autres la marquise de Javalquinto, la comtesse de Cartagena, le consul d'Espagne et sa famille et quelques Français. 




Bien nous en a pris, car peu d’instants après, par ordre de l’impératrice, la gare était évacuée, et tout le monde refoulé dans la cour extérieure de la gare ; on n’a respecté que le bureau où nous nous trouvions. 




Il est une heure et demie La reine est en gare de Saint-Jean-de-Luz. L’Empereur et l’Impératrice arrivent en gare de Biarritz. L’Impératrice vient causer avec la marquise de Javalquinto ; l’Empereur se promène seul sur le quai de la gare, tête baissée et réfléchissant profondément. Tout à coup il fait adresser à la reine une dépêche pour lui demander si elle compte se rendre directement à Pau, ou si elle compte s’arrêter à Biarritz. 




La question, par sa forme, disait la réponse, qui ne se fit pas attendre ; la reine répond qu’elle va directement à Pau. 




Le départ de Saint- Jean-de-Luz est signalé, et bientôt après le train spécial entrait eu gare de Biarritz. La reine était seule sur le balcon du wagon-salon, le roi sur la porte du salon ; Marfori se tenait derrière la reine, fastueux et portant sur son costume noir le grand cordon de Charles III. Au moment où l’Empereur s’avançait pour tendre la main à la reine, passait le train express de Paris en Espagne, que l’on avait gardé jusqu’alors aux aiguilles, et de ce train partirent les cris les plus insultants pour la reine, des clameurs intenses où l'on entendait surtout ce mot : Fuera ! (dehors ! ) 




A ces cris, l’Empereur fit un mouvement en arrière, un mouvement de surprise aussitôt dominé, et des larmes jaillirent des yeux de la reine, qui descendit, ainsi que le roi et ses enfants, les hauts personnages de sa suite, le padre Claret et l’inévitable Marfori. 




Après avoir serré la main de l’Empereur et embrasse l’Impératrice, ils entrèrent tous quatre, l’Empereur et l’Impératrice, la reine et le roi, dans la salle d’attente des premières classes, dont les portes restèrent ouvertes ; personne autre n’entra. Sur le devant de la porte étaient rangés les hauts dignitaires des deux pays et puis nous derrière, suivant d’un œil anxieux la physionomie des souverains, mais ne pouvant rien deviner, rien entendre. Personne n’a entendu ce qui s’est dit là. 




L’entrevue a duré vingt minutes ; enfin, la reine fait un mouvement vers la porte, ils avançaient ; à ce moment un général espagnol s’écrie à mon côté : "No nos queda mas que marchar" (nous n’avons plus qu’à marcher). Ce mot trahissait toutes les espérances nourries jusque-là, déçues en ce moment. 




Les adieux furent courts, silencieux, lugubres. L'Empereur était impassible, l’Impératrice contenait à peine ses larmes, le Prince impérial était étonné. La reine essayait, mais en vain, de sou rire ; le petit roi se donnait du mouvement pour cacher ses impressions, l’entourage était consterné. La reine remonte, puis le roi, le prince des Asturies, que l'Empereur a embrassé, les enfants royaux. 




A ce moment la reine, seule sur la galerie du wagon-salon avec le comte de Ezpeleta, s’écrie en espagnol : "No hé dado un abrazo à la Imperatriz" (je n’ai pas donné un baiser à l'Impératrice), et fait un mouvement comme pour descendre ; mais l’Impératrice devance ce mouvement et monte sur la galerie en disant : Subo à recibirlo (je monte le recevoir). Elle tend sa joue à la reine qui l’embrasse et redescend aussitôt, de sorte que la reine qui se préparait à l’embrasser sur l'autre joue n’a trouvé que le vide. 




Le général de Castelnau, un chambellan et un officier d'ordonnance qui étaient venus avec la reine depuis Hendaye, prennent aussitôt congé du roi et de la reine qui leur dit en français : "Merci, messieurs." Ce sont là les derniers mots qui ont été prononcés, et ces messieurs redescendent prendre place autour de l’Empereur. 




C’est à ce moment que j’ai vu le plus triste spectacle que l’eu puisse imaginer, et dont je garderai le souvenir ineffaçable. L’Empereur est debout et découvert sur le quai de la gare à deux pas du wagon ; l’Impératrice est à sa droite les yeux gonflés de larmes, et à la droite de l’Impératrice se tient le Prince impérial, ému et étonné de tout ce qu'il voit en ce moment. Dans le salon royal se tiennent debout le roi et sa suite ; la reine est sur la galerie, que Charles le piqueur vient de fermer au verrou ; devant elle et brisé, courbé en deux sous cette immense douleur, est affaissé le comte de Ezpeleta. On ferme les portières des wagons du train royal. Quatre minutes se passent ainsi dans le plus profond silence, les uns regardant les autres d'un air lugubre et consterné. 




Je n'ai jamais vu un enterrement où la douleur des assistants ait été plus profonde ; c’était le convoi funèbre d’une monarchie deux fois séculaire qui venait d’exhaler dans la gare de Biarritz son dernier soupir. Le signal est donné, le train se met en mouvement ; tout le monde s'incline et c’est fini."



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