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dimanche 7 juillet 2019

UN APRÈS L'ARMISTICE DE LA PREMIÈRE GUERRE MONDIALE À BIARRITZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN NOVEMBRE 1919 (deuxième partie)


BIARRITZ EN NOVEMBRE 1919.


Plus de 500 biarrots sont tombés au combat lors de la Première Guerre mondiale.


pais vasco antes
BASQUES ESPAGNOLS BIARRITZ 1919
PAYS BASQUE D'ANTAN


Je vous ai déjà parlé de l'armistice 1919 dans un article précédent.


Voici ce que rapporta la Gazette de Biarritz-Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 12 novembre 1919 :




"...Après la pose de la plaque commémorative portant les noms et les photographies des instituteurs Manauthon, Claracq-Laborde et Arhanegoïty, et qui est placée dans la cour de l’école, sur la façade de la 1ère classe, M. le docteur Gallard a prononcé le discours suivant : 





"Mes chers Enfants, 



Les trois instituteurs dont le nom est gravé dans ce marbre, ont mérité de rester vivants dans votre mémoire, dans votre cœur. Mais qu'ai-je besoin de vous recommander de ne pas oublier ? Comment pourriez-vous perdre le souvenir des circonstances tragiques dans lesquelles vous ont quittés ces maîtres dévoués que vous ne deviez plus revoir ? 




Rappelez-vous ! C'était au mois de juillet 1914 ; le travail scolaire vernit de prendre fin et vous vous disposiez à jouir d'un repos bien gagné. L'esprit tout rempli de riantes images que suscitait en vous la perspective des vacances prochaines, vous ne sentiez pas la lourde atmosphère d'orage qui pesait à ce moment sur votre pays. Vos maîtres, eux, la sentaient, et quand ils vous ont quittés, suivant d'un long regard ému les essaims bourdonnants et joyeux des classes se dispersant dans la rue, vous n'avez pas vu, enfants, sur leur visage, la crispation des énergies contenues, des sanglots refoulés. Ils pensaient que, peut-être, ils ne vous reverraient plus, et que ce jour qui terminait l’année scolaire pourrait bien être leur dernier jour de classe. 


Et, tout d'un coup, la terrible nouvelle éclata, la catastrophe qu'on prévoyait, sans vouloir y croire, se produisit. 


Un soir, vous avez entendu le tocsin sonner l’alarme, le tambour battre dans les rues, vous avez vu des groupes se former, qui criaient ; la guerre est déclarée ! 


C'était la guerre, en effet. Le lendemain, vos pères partaient vers la frontière menacée, laissant vos mamans et vous-mêmes dans les larmes; vos maîtres aussi étaient du nombre, allant prendre leur place à côté de leurs camarades de combat. Et, aux premiers jours de la campagne, en défendant pied à pied le sol de la Patrie souillée par les hordes du Kaiser, les trois héros que nous glorifions aujourd’hui, tombaient au Champ d'honneur, face à l'ennemi. 


Gravez leurs noms dans votre mémoire, comme ils le sont dans ce marbre : 

Manauthon, Léon, sergent au 249e R. I., 20 septembre 1914 ; 

Claracq-Laborde, Louis, sergent au 249e R. I., 20 septembre 1914 ; 

Arhanégoïty, Pierre, sergent au 249e R. I., 26 septembre 1914. 


Consolons-nous. La mort n'est pas pour eux ce grand gouffre du néant dont parle le philosophe, cet infini où s'engloutissent les existences humaines ; elle est le commencement d'une vie nouvelle, toute spirituelle, qu’ils vous transmettent et que vous avez pour devoir d’entretenir. Pour bien remplir ce devoir, il ne suffit pas de conserver pieusement leur souvenir, il faut agir. Agir, en vous inspirant des principes qu’ils vous ont donnés, de l'exemple qu'ils vous ont montré ; agir, pour acquérir et manifester les hautes vertus qu’ils vous ont enseignées, agir, enfin, pour défendre et garder le patrimoine sacré qu’ils vous ont conservé au prix de leur sang. 



Ce que ces Instituteurs héroïques vous ont enseigné c’est, avant tout, l’amour de la Patrie. On avait dit, avant la guerre, que les Instituteurs manquaient de patriotisme et, sans même se demander si ce jugement n'était pas une abominable calomnie, on les injuriait dans certains milieux. Dans d’autres, au contraire, on les félicitait de leur soi-disant anti-patriotisme, félicitations plus offensantes que les injures précédentes. Les premiers, ceux qui injuriaient, en les voyant à l’œuvre, sont vite revenus à résipiscence. Quant aux autres, savez-vous ce qu'ils disent maintenant ? Ils disent (je cite textuellement) : "Les éducateurs qui n’ont pas su façonner l’esprit des jeunes générations, sont responsables de la faillite intellectuelle du pays. Nous l’avons vu, dès les premiers jours de la mobilisation, où toute la masse ouvrière partait en criant. : à Berlin !" 

pays basque 1914 1918
EGLISE RUSSE ET CARLTON HÔTEL BIARRITZ 1919
PAYS BASQUE D'ANTAN


Cette faillite n’est-elle pas une belle victoire pour l'Ecole Nationale laïque ? 



Je vous en fais juge vous-mêmes. Aujourd’hui l’instituteur s’est placé au-dessus de toutes les atteintes ; il jouit d’un prestige universel, non seulement parce qu'il a versé généreusement son sang sur les champs de bataille, mais aussi parce que l’honneur lui revient d'avoir formé les générations qui ont conquis à la France la première place dans le monde. Une parole qui n’est pas suspecte, celle du Président de la République, en a suffisamment témoigné. "Combien de fois, a dit M. Clémenceau, lorsque je visitais les Armées, un général eu un colonel ne m’a-t-il pas présenté un jeune lieutenant, ou un jeune sous-officier, en me disant : Voici un de nos meilleurs officiers ; voici un de nos meilleurs sergents; dans la vie civile, il est instituteur."

 

Si les instituteurs ont combattu avec cette vaillance, qui provoque l’admiration du premier citoyen de la République, c’est que, en même temps que la terre des ancêtres, ils défendaient les principes de civilisation et de progrès social auxquels ils sont fermement attachés, les principes mêmes de la Révolution française de 1789. C'est pour vous les transmettre, intangibles et sacrés, qu'ils ont donné leur sang et leur vie. 



Ecoutez le conseil qu'ils vous envoient du fonds de leur tombe. Ils vous disent : Travaillez à avoir les hautes vertus morales et civiques qui font le citoyen. Pour que la Patrie soit plus grande, haussez vos âmes vers un idéal toujours plus élevé. Ne séparez jamais, dans votre amour, la France de la République, car leurs destinées sont indissolublement unies. 



Si la France perdait sa foi républicaine, elle mourrait infailliblement, car elle n’aurait plus de mission à remplir dans le monde. 



Enfants, devant ce marbre qui perpétuera le souvenir de trois instituteurs morts pour la France, venez méditer quelquefois ; arrêtez-vous devant lui, en rentrant dans vos classes, pendant votre vie d'écolier, mais revenez-y aussi plus tard, quand vous serez devenus des hommes, pour vous souvenir des grandes leçons du devoir.  



Et maintenant, mes amis, Maîtres et Elèves, tournez-vous avec moi vers ces parents qui ont si simplement consenti le sublime sacrifice, et disons-leur un grand merci ; adressons-leur le témoignage ému de notre reconnaissance pour le don généreux de la chair de leur chair, de leurs plus tendres affections, de leurs plus beaux espoirs. Quand vous passerez près de leurs demeures, entrez leur prendre la main, vous leur apporterez un peu du cher disparu, vous qui l'avez connu, et ce sera une consolation dans leur glorieuse douleur."

pays basque premiere guerre mondiale
ROCHER DE LA VIERGE BIARRITZ 1919
PAYS BASQUE D'ANTAN


M. Labroquère, inspecteur d’Académie, prit à son tour la parole en ces termes : 

"...Après avoir sacrifié leur vie à la Patrie, Manauthon, Claracq-Laborcle, Arhanégoïty continueront encore à la servir après leur mort : ils seront toujours les Instituteurs de cette école.


Nous voici réunis, le Conseil municipal de Biarritz, les parents de vos élèves, vos collègues, les enfants de l'Ecole, votre Inspecteur primaire, tous communient dans un même sentiment d'admiration, de reconnaissance affectueuse et de grande pitié pour vous ! 



Vous étiez de ces Instituteurs qui honorent leur fonction. Je vous revois encore :


Vous, Manauthon, vous étiez, disent tous ceux qui vous ont connu, la bonté même. M. le Directeur de l’Ecole normale de Lescar qui vous aimait bien, m’écrit : "Cette bonté, il l'avait conservée dans sa classe, et si ses élèves pouvaient se souvenir d'une époque où ils vivaient surtout dans une naïve inconscience, ils diraient dans quelle atmosphère aimable et tendre Manauthon savait les élever." Et M. Etcliart ajoute : "Son amitié rayonnait, désintéressée : il était heureux de toutes les joies des autres." Quels bons élèves aurait formés cette bonté rayonnante ; quel affectueux souvenir gardent de vous tous ceux qui vous ont connu ! 



Comme Manauthon, vous étiez vous aussi, Claracq-Laborde, un maître d'élite. Enjoué, aimable, votre fine intelligence trouvait toujours le mot juste, la répartie spirituelle et je sais que dans vos réunions du matin avec vos collègues de l’Ecole, c’était toujours un vrai plaisir pour eux que de vous entendre, tant vous mettiez de bonne grâce à soutenir des opinions qui étaient fermes déjà et dénotaient un bon sens et une réflexion peu ordinaires. Et je crois vous entendre encore en conférence pédagogique, discutant avec une clarté, une compétence qui nous faisaient penser : Heureux, les élèves qui auront un tel maître ! Quelle perte pour nos Ecoles que celle de si belles intelligences ! 


pays basque 1900
EGLISE RUSSE ET CARLTON HÔTEL BIARRITZ 1919
PAYS BASQUE D'ANTAN

J’ai connu Arhanégoïty quand il était bien jeune encore. Je le revis élève de l'Ecole de son père, instituteur dans un petit village du pays basque ; digne instituteur qui, au prix de privations et d'une vie toute de labeur, a réussi à élever si bien une famille de six enfants dont quatre sont entrés dans d'enseignement. Hélas ! des trois garçons, aucun ne reste ; et le chagrin, a tué le pauvre père ! Comme son père, Arhanégoïty était tout dévouement ; il aimait sa fonction ; il se plaisait au milieu des enfants, si nombreux fussent-ils, et jamais il ne se plaignait que l’on attendit trop de son zèle. Ses débuts promettaient une carrière brillante ; lui aussi, il aurait bien servi l'enseignement. 



Nous ne devions plus vous revoir, héros obscurs de la grande épopée ! vous tombiez des premiers sur le champ de bataille ! Vous n’avez pas vu la Victoire, vous à qui nous la devons ! Quelle joie emplirait vos coeurs de savoir que votre sacrifice n’a pas été vain, que la France a triomphé, qu’elle va se relever de ses ruines. Mais ce relèvement ne se fera pas sans efforts et nous entendons vos conseils que nous suivrons pieusement. Vous nous dites : "Si vous voulez être dignes de nous, si vous voulez que la France se relève, faites effort pour la sauver vous aussi dans la mesure de vos forces, par le travail et par l’union. Travaillez énergiquement ; la patrie vous le demande par la voix de ceux qui sont morts pour elle"... 



Sous la direction de M. Rosenfeld, les enfants des écoles ont ensuite chanté divers morceaux de circonstance, accompagnés par un groupe de musiciens du Casino. La cérémonie a alors pris fin vers 4 h, 15, et la foule se dispersa."







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