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mercredi 3 juillet 2019

SUR LA ROUTE DE RONCEVAUX EN NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1902


RONCEVAUX EN NAVARRE EN 1902.


Roncevaux a été depuis longtemps une étape importante pour tous les pèlerins sur le chemin de Saint-Jacques.


RONCEVAUX NAVARRE 1905
PAYS BASQUE D'ANTAN

Voici ce que raconte La Petite Gironde, dans son édition du 25 août 1902 :



"Le journal d'un chauffeur.

Sur la route de Roncevaux.

A la Frontière. — Carabineros. — La Cadeña : Pagar! pagar!. — L'Hospitalité espagnole. 

De notre envoyé spécial. 


De la montagne, 22 août.


Saint-Jean-Pied-de-Port serait une perle pour le tourisme chauffeur si elle pouvait être pittoresque sans avoir des rues d'une pente que les moteurs considèrent en général comme une plaisanterie douteuse. Pour sortir de Saint-Jean et gagner la route de la frontière, il faut s’élever sur de larges pavés à une inclinaison de 13 à 11 % ; pour nous, ce fut un jeu ; la vapeur ne connaît pas d'obstacle ; mais quand tous les habitants de la rue virent notre Serpoilette démarrer en plein arrêt, ils n’en purent croire leurs yeux. Barbereau, qui connaît sa voiture, riait sous cape, content de son exploit. 


AUTOMOBILE SERPOLLET 1902

Et, pour changer, nous continuons à gravir la montagne, par ses routes en serpentins. Le coup d'oeil est charmant de cette verdure robuste, qui semble toujours jeune et s'offre à nous ; ce qui l’est beaucoup moins, c’est le débouché dans Arnéguy, où est la douane française. Il y a là un dangereux et unique couloir, qu'il faut aborder avec une extrême circonspection. 



ARNEGUY
PAYS BASQUE D'ANTAN



La douane : halte ! Nous recevons notre feuille de sortie et nous passons un tout petit pont jeté sur la Leyrie, et sur lequel est planté en son milieu la plaque bleue internationale : à gauche, France ; à droite, España. A cent mètres, sur un terrible raidillon, ce sont les premiers carabineros qui nous attendent, devant une petite bicoque qui leur sert de corps de garde, et porte au fronton l’écusson royal d’Espagne, peint par un peintre héraldique au style primitif. La veste de toile bleu pâle haut montante, la culotte noire au large brandebourg rouge, le képi au pompon de cuivre et de forme rejetée en avant, recouvert de toile blanche ; le petit "coupe-cigare" au côté, ils ont fort bon air los carabineros




Nous montons une centaine de mètres après avoir jeté un regard en arrière aux petites maisons blanches en paquet dans le contre-bas, et qui sont pour nous la dernière indication matérielle du pays, et nous arrivons à la Aduana Nacional. Un monsieur très bien, sanglé dans un costume bleu, casquetté de même, et copieusement galonné d'or, vient à nous : "C’est votre officier ?"demandons-nous à un carabinero qui, lui aussi, porte quelques galons d’or à sa manche (cinq). En style bref, le fils d'Ibérie répond : "administrador." Tous sont très gentils pour nous à cette douane — et s’excusent des formalités auxquelles ils nous soumettent ! 



DOUANE VALCARLOS NAVARRE 1903
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ici, c'est Val Carlos, le pendant d’Arnéguy en France, et le maire — pardon, l’alcalde, — qui se trouve là, et parle le français avec pureté, nous apprend des choses fort intéressantes. Ainsi, notamment, les habitants d’Ondarrola, un des quartiers d’Arnéguy, en France par conséquent, se font tous baptiser, marier religieusement et enterrer à Val Carlos, en Espagne, dont ils sont moins éloignés que d’Arnéguy. Cela parait curieux. Ce qui ne l’est pas moins dans une autre note, ce sont les appointements des carabineros. Voilà des gens qui débutent à 45 pesetas par mois, et l'homme aux cinq galons en gagne 85 avec peine ! Et il a fait cinq campagnes parmi lesquelles la guerre carliste et cette épouvantable expédition de Cuba ! L'administrateur, lui, est entré dans le service par la grande porte, mais il est obligé de se claustrer dans cette résidence, où il est déjà depuis deux ans. Ce n'est pas très, très drôle, surtout l'hiver, quand il y a des pieds de neige. Il en a pris son parti très philosophiquement : "Il le faut, me dit-il, c'est obligatoire". 


ONDARROLA VALCARLOS NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN



La contrebande de France en Espagne se pratique-t-elle beaucoup, vos hommes font-ils souvent des prises ? 



Avec un sourire, il nous répond :  


"Monsieur, il y a un douanier ; le meilleur de tous : c'est le change !" 




Le mot est typique et vrai. 




Mais il faut repartir, car il se fait tard. Nous échangeons saluts et poignées de mains, nous quittant les meilleurs amis du monde. Nous traversons Val Carlos, qui s’est acquis un renom fameux par sa procession annuelle des Croix du 14 mai, et nous sommes en pleine montagne sauvage. Comme il faut rendre à l’Espagne ce qui appartient à l’Espagne, disons à sa louange que l'empierrement de ses routes, pour cette partie du moins, est aussi soigné que chez nous. 

PONT SUR LA ROUTE DE RONCEVAUX
PAYS BASQUE D'ANTAN



Mais que de porcs sur la route ! Ils pullulent ! Ah ! non ! trop de porcs ! trop de porcs ! Ils ont une peur folle de l'automobile, ils galopent à tort et à travers quand ils la voient et ne savent où se fourrer. Les bœufs ne sont pas toujours aussi fuyards, et à un moment, nous avons cru que nous allions nous offrir avec un récalcitrant une corrida d’un nouveau genre, où nous aurions joué le rôle improvisé du matador. Tout alla bien cependant, grâce à un retour du bœuf à des sentiments moins belliqueux, et grâce aussi à l'arrêt de notre auto. 




Après tout, j’aime autant ça ! 




Et nous repartîmes, mais pour trouver peu loin de là une surprise. D'une maison du bord de la route sortit en entendant arriver l’auto toute une marmaille en poussant des cris variés et aigus. Deux hommes se précipitèrent sur la route, et instantanément tendirent une solide chaîne de fer pour nous empêcher de passer. Bizarre ! 




L'explication ne fut pas longue, car ces gens d'une voix unanime dirent un seul mot : Pagar ! pagar ! qu'ils accompagnèrent d’un geste éloquent qui consiste à mettre la main au gousset à l'en retirer et à frotter le pouce contre l'index. 




Et il fallut "pagar" 70 centimos. L'homme qui avait empoché nous remercia, se fit un plaisir de rabattre la chaîne eu nous signifiant que la voie était libre — il le pouvait ! — et rentra dans son repaire où nous le vîmes se mettre à ressemeler une paire de souliers. 




Nous venions de faire connaissance avec la cadeña. 




C'est un des moyens que certaines provinces autonomes d'Espagne emploient pour se procurer des ressources. On fait comme on peut ! 




Beaucoup plus désintéressés furent les braves gens que nous rencontrâmes près d'un petit torrent descendant eu cascade bruyante du flanc de la montagne. Nous nous étions arrêtés pour faire de l’eau que nous allions puiser avec des bidons et notre seau de toile. Ces montagnards, qui avaient l'air de pauvres diables et festoyaient à cinq ou six avec quelques vagues choses frites dans une huile qui empuantissait les alentours d'une abominable odeur de "rance", plantèrent là leur repas et accoururent avec des vieilles boîtes à conserve, une marmite bancale et — un comble ! — avec leur poêle pour nous aider a prendre notre eau. On ne saurait être plus complaisant et quelques pesetas qui les remercièrent de leur empressement, nous valaient des salutations qui n'en finissaient plus et — Dieu me pardonne !— le cri de Viva la Francia !



 

Le soleil avait disparu derrière la montagne, et seul le frottement de nos pneus troublait le grand silence. Nous allions en flâneurs, sans hâte. De temps en temps, quand le panorama nous séduisait, nous nous arrêtions. A cinq kilomètres de Roncevaux, un coin nous captiva, fouillis délicieux de vallonnements qui commençait à s'embuer des brumes du soir. Nous restions là, oublieux de l'heure et oublieux aussi de Pampelune. Une habitation était là, accotée au ravin, et les propriétaires en sortirent, venant à nous. En termes que nous devinions des plus affables, ils nous offraient l'hospitalité. Ils le faisaient en espagnol, nous répondions on français  Hum ! il était bien difficile d’aller longtemps sur ce terrain. Par bonheur, un Français était la, et nous sentions alors tout le plaisir, tonte la joie même que l'on éprouve de retrouver un compatriote — un Gascon par-dessus le marché— en pays étranger. Alors ce fut parfait. Il nous servit de truchement, et les instances qu'il nous transmit des Espagnols étaient si pressantes, que nous nous y rendîmes. 




Nous étions chez M. Robles Nestar, propriétaire et directeur d'une exploitation d'ocre et de terre de Sienne. 




En pleine montagne sauvage, loin de toute grande ville, M. Robles Nestar, en établissant une installation industrielle admirablement comprise, a réalisé un tour de force. C'est, il est vrai, un ingénieur de Madrid qui siégea même aux Cortés pendant vingt ans comme député de Castille. Il s'est adjoint connue administrateur M. Salvat, notre compatriote. 




La noblesse et la largesse courtoise du peuple espagnol ne sont pas une légende, nous avons pu le constater aux Mines de la Lejaña, et nous ne saurions dire combien nous avons été touchés de l’accueil si cordial qui nous y a été fait. 




Et Pampelune ? Eh bien ! nous ne l'avons pas vue ; mais comment je regretter, en vérité ?"


(Source : WIKIPEDIA)


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