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samedi 26 septembre 2020

LES SOINS MÉDICAUX À CAMBO-LES-BAINS EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1866 (première partie)


LES SOINS MÉDICAUX À CAMBO EN 1866.


La commune de Cambo-les-Bains compte 1 470 habitants en 1866.

ETABLISSEMENT DE BAINS CAMBO-LES-BAINS
DESSIN DE FEILLET



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Courrier de Saône-et-Loire, dans son édition du 31 

juillet 1866 :



"Autour du golfe de Bizcaye



Cambo




On sort de Bayonne par la porte d’Espagne, et, dès qu’on a dépassé les ruines du château de Marracq, qui servit de résidence à Napoléon 1er, on entre dans le pays basque par une route accidentée de longues montées et de brusque courbes. Le soleil avait déjà disparu noyé dans le golfe ; les étoiles commençaient à pâlir devant la clarté blanchissante de la lune qui se levait dans le crépuscule. Quelques travailleurs fatigués regagnaient leurs demeures à pas lents, l’outil sur l'épaule. Les oiseaux avaient dit leurs dernières chansons et dormaient sous le couvert des arbres ; seul, le merle, ce chanteur attardé qui ferme le jour, jetait son petit cri ironique et clair. De loin en loin, dans les creux, une lueur miroitante perçait l’obscurité ; c’était la Nive, qui, après avoir fait grand tapage dans les gorges resserrées des montagnes, s’épandait tranquille dans la plaine silencieuse. En avant, dans la campagne, pas un bruit. Je dis : en avant, parce que nous traînions avec nous, comme un long ruban de bruit formé par le roulement de notre attelage ; mais ce bruit, toujours le même, ne contrariait pas trop l’harmonie de la nuit. 




A demi endormi, j'étais plongé dans cet état qui n'est ni le sommeil ni la vie, et où flottent dans l'âme des pensées vagues. Le bien-être physique, réagissant sur le moral, le côté noir de la réalité sommeille, le cœur reposé s’enivre de souvenirs heureux, de douces réminiscences, et l'esprit, charme de cette duperie du rêve et de l’extase, dort dans un coin. 




Je fus interrompu dans mon voyage au pays du bleu par un glouglou. Je tournai la tête et je vis Bayonne (c’est le nom de notre serviteur), qui, la tète renversée sur le dos et les bras arc-boutés à une bouteille, s’entonnait de cognac. Cela ressemblait à une gargouille qui se vide dans un égout. En s’approchant, on pouvait voir la pomme d'Adam du drôle monter et descendre comme le piston d'une machine a vapeur ; je songeai que le rire vient du coeur, et silencieusement, je me pris à rire. 


pays basque autrefois voyage
PROMENADE A CHEVAL 1861
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous traversons Ustaritz endormi, et nous arrivons à Cambo, fort avant dans la nuit. Nous descendons à l'hôtel des Etrangers, abîmés de sommeil et morts de faim ; nous soupons et nous nous mettons au lit avec l’entrain d’une charge de cavalerie. Le lendemain, nous étions debout avec l'aube, échelonnés sur les parapets du haut Cambo, et les yeux dirigés du côté de l’aurore. Nous attendions le grand roi qui devait nous présenter le pays. Sa majesté y mit assez d’empressement ; elle n’avait pas encore paru au-dessus de l’horizon que les montagnes se coloraient déjà d’un rose tendre ; puis les rayons se redressant, frappèrent les tètes des plateaux inférieurs et finirent par descendre dans la plaine qui en fut tout-à-coup illuminée. Nous avions sous nos pieds la Nive montagnarde, aux eaux rapides et ravageuses, et une petite plaine ovale, entourée d’une ceinture de collines, et si régulièrement partagée et divisée, qu'elle donne l’idée de ces mouchoirs quadrillés si connus que vendent les colporteurs. Tout le reste du pays est vallonné et s’épanouit sous la plus fraîche végétation. 




A la distance d’une lieue et demie, au sud et à l’ouest, les Pyrénées proprement dites commencent avec le Mondarrain et l’Oursonia pour avant-garde.




On recueille de cette vue, outre la beauté du paysage, un sentiment de satisfaction ; on sent que, sur cette terre et sous ce ciel, l’habitant a trouvé le bien-être. La misère, si elle existe, est si difficile à deviner qu’on ne sait où la chercher. On ne la trouve pas dans les maisons si blanches et si propres, ni sur les routes où aucun porte-haillons ne tire sur les passants sa prière lamentable. 


pays basque autrefois voyage
CAMBO VERS 1846
PAYS BASQUE D'ANTAN


J’aime le peuple né sur ce sol. Il a un caractère, des mœurs bien à lui, une des plus anciennes langues du monde, qui ne tient ni de l’espagnol ni du gascon, qui s’est conservé originale et pure, même à la bordure des langues voisines, malgré la nécessité des transactions, sans rien prendre aux habitants de la plaine et sans rien leur donner. Le paysan basque est comme sa langue, il n’est pas plus français qu’espagnol, il est basque. Son moindre souci est de prendre sa part de la gloire des deux empires qui, de chaque côté de la frontière, l’ont peu à peu absorbé. C’est l’Highlander du continent, le premier marcheur de la terre sans contredit. Tout le monde sait que les marchandes de sardines font, tous les jours, chargées, le trajet de St-Jean-de-Luz à Bayonne, et retournent. Total : quarante kilomètres. 




Le pays basque touche à la mer par Bayonne, St-Jean-de-Luz et St-Sébastien. Au temps des découvertes, ses marins étaient les plus audacieux du globe. Le premier qui fit le tour du monde, c’est un basque : Sébastien del Cano. Une telle gloire suffit à l’immortalité d’un peuple. Ils avaient alors des ports aujourd’hui ensablés. Port du Passage, où sont tes flottes ? St-Jean-de-Luz, tes douze mille habitants ? où, Bayonne, tes navires de 1 500 tonneaux ? N’y a t-il point de la haine dans l’action de cette mer qui réserve à ce golfe ses plus grandes fureurs et bat la côte basque d’une force impitoyable ? Et ne serait-ce point une vengeance contre les marins basques, pour avoir les premiers attaqué et tué son enfant le plus doux et le plus aimé, l’orgueil de ses plaines : la baleine




Certes, les paysans basques n’échappent pas aux lois de leur condition. Ainsi, chaque fois que nous débouchions sur une métairie, les femmes et les hommes interrompaient leur travail, leurs yeux grands ouverts nous suivaient jusqu’au détour du chemin. C’est que le paysan ne comprend par qu’on se déplace sans un motif d’affaires. Enfermé dans le cercle de ses intérêts, il ne voit que le vide de la promenade. Pour lui, tout commence et finit par une question d’argent. On ne l’a jamais vu marcher sans but sur une route poussé par la rêverie. Il ne rêve pas, lui. S’il sort, le dimanche, après les vêpres, c’est pour revoir le champ qu’il a quitté la veille et observer le travail de la nuit. Au fond, il se combine admirablement avec la nature et accomplit, d’accord avec elle, la fonction providentielle par excellence: la production. 




A leur avantage sur les autres pays, les paysans basques sont polis et affables, et l’absence de toute pauvreté quêteuse, témoigne en faveur de leur esprit hospitalier et généreux. 




Nous devions une visite à l’établissement de bains. J’avoue qu’il est d’une simplicité de construction vraiment patriarcale, et que l’on trouverait difficilement, en le contemplant, un mot pour rire. On dirait qu’il sent la responsabilité du travail de ses eaux et sa charge d’obtenir les guérisons. Je comprends son souci. Chaque malade lui apporte trois maladies à guérir. Mettons des numéros : 1° la maladie première et déterminante, 2° la maladie médicinale ou l’empoisonnement par les remèdes des facultés, 3° enfin la maladie du désespoir, car le malheureux, avant d’aller chercher si loin la guérison, l’a attendue longtemps dans sa chambre ou dans son lit. 




Voici en effet ce qui se passe : à Paris, le docteur mandé fait tirer la langue au malade et lui dit que cela ne sera rien. Il écrit une consultation et recommande de la faire porter chez un tel qui tient un bel assortiment de guérisons, ce morceau de papier devant indiquer dans quel bocal se trouve la chose. Celui-ci la donne dans un liquide ou dans une poudre, l’estime trente sous, les reçoit, et s’empresse ailleurs. Le malade prend, des mains de sa bonne, la fiole ou la pilule ; il regarde longuement l’objet vénérable ; il se dit qu’il y a là dedans un principe de résurrection qui échappe à tous les sens et il avale. Aussitôt commence dans les cavernes humaines une lutte obscure contre la mort. L’issue ne saurait être douteuse pour lui, le remède doit rendre la vigueur à son corps et l’énergie à son âme. Plein de confiance, il attend, il attendra longtemps. Cependant la guérison ne vient pas. Le médecin s’est trompé, il fait prendre à son client la guérison d’un autre, de son voisin, de son ennemi peut-être, d’une femme, d’un cheval, de n’importe qui, de quelqu’un, c’est sûr, puisqu’elle est vendue comme guérison, mais la sienne, malheureusement, en aucune façon. Il faut recommencer. Le médecin écrit une nouvelle consultation, le pharmacien change de bocal, le patient change son mauvais état contre un pire, et cela se renouvelle et dure des mois et des années, jusqu’à ce que l’un soit au bout de son latin, l’autre au fond de ses bocaux, et le sujet de sa patience. Alors le docteur fait avancer l'ultima ratio des princes de la science. Il faut aller aux eaux, dit-il. Soit, répond l’autre, du ton d’un endormi auquel on ordonnerait un travail de nuit, et il s’achemine vers le lieu de sa guérison, le corps ruiné par les remèdes et l’âme énervée par le doute et le désespoir. C’est ainsi qu’il fait son entrée dans une ville d’eaux. 




Il pourra guérir à Cambo. Ce bâtiment maussade a reçu bien des désespérés qu’il a renvoyés soulagés et guéris, oui, guéris ! Cette douce contrée, si heureuse, aide à faire ces miracles. La santé revient dans les promenades, sous les beaux ombrages et le long du torrent bien vivant qui chante sans cesse. On doit s’incliner devant la modestie des eaux de Cambo. Leur bienfaisance n’a peut-être pas d’égale, et pourtant leur réputation ne dépasse pas l’horizon qu’on voit du haut du Mondarrain. Elle fait digérer ceux qui ne le peuvent plus. Qui connaît des eaux plus merveilleuses ? Elles guérissent la gastrite, entendez-vous ! A défaut de la trompette de la renommée, je voudrais avoir un porte-voix qui résonnât jusqu’aux confins du monde, afin de crier dans toutes les directions la vertu des eaux de Cambo."




A suivre...

 





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