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dimanche 13 septembre 2020

AU "PAYS DE RAMUNTCHO" EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1900 (deuxième partie)


AU PAYS DE "RAMUNTCHO" EN 1900.


"Ramuntcho" est un roman français de Pierre Loti. Publié pour la première fois en 1897, il a connu une vingtaine de rééditions françaises jusqu'en 1994. C'est un des ouvrages les plus connus de Pierre Loti, et un de ses principaux succès d'édition.


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ASCAIN 1900
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Temps, dans son édition du 23 septembre 1900, 

sous la plume de Gaston Deschamps :



"Au pays de Ramuntcho". 



...Qu’est-ce donc que cette pelote, tant aimée sur les deux versants des Pyrénées, sur les deux rives de la Bidassoa, — aussi, chère aux Français de la Soule et du Labourd qu’aux Espagnols de la Navarre et du Guipuzcoa ? 




La "pelote" est une petite balle de corde serrée, recouverte d’une enveloppe en peau de mouton. Cela est presque aussi dur qu’une bille de billard. Si l’on recevait la pelote entre les deux yeux, on risquerait d’apercevoir plus de trente-six étoiles. Le choc de la pelote est si rude, lorsqu’elle rebondit après avoir frappé le mur, que les joueurs qui saisissent la balle au bond en ont les mains, meurtries et gonflées. Aussi, les "joueurs à la main", les eskuhustas sont relativement rares. Les pelotaris se servent ordinairement d’une armature d’osier, appelée chistera. La chistera se fixe au poignet par des lanières de cuir. Cet appareil, façonné en tresses de brindilles souples, par un célèbre vannier d’Ascain, sert à recevoir, la balle et à la renvoyer. La chistera, en des mains inertes, ne serait qu’un panier de forme bizarre. Lorsqu’elle est maniée par le petit Arroué ou par le grand Ayestaran, c’est une foudroyante raquette. 




Aujourd’hui, la place d’Ascain, sous les platanes, entre l’église et le fronton de pelote, est déserte. Un ciel, invraisemblablement bleu et pur avive la blancheur des maisons et colore de nuances délicates les verdures et les rochers de la Rhune. On est bien ici. Tout ce qu'on voit, tout ce qu’on devine est agréable, plaisant, coquet. Sur une façade blanche, dont le double étage aux six fenêtres est égayé de contrevents, verts, je lis ces mots : Hôtel de la Rhune. Je me souviens qu’une des plus jolies baigneuses de Saint-Jean-de-Luz m’a dit : "Surtout, n’oubliez pas d’aller voir, à l’hôtel de la Rhune, la chambre où Loti a écrit Ramuntcho.


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HÔTEL DE LA RHUNE ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN

J’obéis à ce conseil. J’entre. Et je suis ravi d’abord de ne point rencontrer, dans cet hôtel, les garçons glabres et indiscrètement obséquieux auxquels se heurte habituellement le voyageur intimidé. Point, non plus, de ces servantes d’auberge, dont les doigts rougis racontent des vaisselles mal essuyées. La maîtresse, du logis est plus ou (si l’on veut) autre chose qu’une patronne. C'est vraiment la dame de céans. C’est une fine Basquaise, au profil net, aux cheveux sombres, aux yeux noirs, aux longs sourcils. Elle a gardé, jusqu’aux extrêmes limites de la jeunesse, un air juvénile, une allure dégagée, avenante. Je reconnais, en elle, les traits de sa race : la vivacité du regard, la finesse des attaches, l’élégance de la taille, la mobilité du visage, souvent éclairé par un gracieux sourire. 




— Madame, lui dis-je, me serait-il possible de voir la chambre de Loti



— La chambre de M. Loti ? Mais oui... Elle est occupée en ce moment par un Anglais. Mais ça ne fait rien. Je vais vous la montrer pendant qu’il déjeune... 




Sur les pas de mon aimable interlocutrice, je monte les degrés d’un escalier soigneusement ciré. La dame ouvre une porte. Et me voici dans. une chambre proprette, où tout est reluisant, depuis le parquet bien frotté, jusqu’au plafond bien blanchi. Les murs sont recouverts d’un papier peint que fleuronnent des ornements exempts de prétention. Dans des cadres accrochés au mur, on voit le Trocadéro, les Diamants de la couronne et une Mauresque de Constantine. Le portrait de Loti est exposé à une place d’honneur. L’auteur de Ramuntcho est habillé en Arabe. Les plis de son burnous blanc sont savamment arrangés et mettent en valeur l’expression de son visage ardemment maigre, où brillent, d’un éclat étrange, deux grands yeux extasiés... 


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PIERRE LOTI

— M. Loti, me dit l’hôtesse, nous a envoyé un autre portrait, avant de partir pour la Chine. 




Et l’on me fait voir un autre Loti, costumé en capitaine de frégate, le buste serré dans un habit d’uniforme à double rang de boutons dorés, le menton relevé par un col brodé d'or, les épaules élargies par les torsades de la "graine d’épinard ", la poitrine constellée par le grand-cordon d’un ordre étranger, la main sur le pommeau ciselé d’un sabre à fourreau de cuir verni... Dans un coin de cette photographie, une dédicace : A mon ami J.-P. Otharré, Pierre Loti. 




— Est-ce que M. Pierre Loti est resté longtemps chez vous ? 


— Oh ! il allait, il venait. Mon mari possède une petite voiture. Alors ils s’en allaient tous les deux, dans le pays. M. Loti voulait connaître des joueurs de pelote, des contrebandiers... 




Une des fenêtres de Loti s'ouvre sur un jardinet en fleurs, au bout duquel se dresse la tour carrée de l’église. 



— M. Loti, me dit la dame, s’accoudait souvent à cette fenêtre, pour entendre la musique de l’église. Il en parle dans son livre. 




Effectivement je me rappelai certaines pages, délicieusement musicales, où l’auteur de Ramuntcho s’est souvenu des rumeurs d’allégresse et des dolentes mélodies que prolongeait, à travers les mélancolies de l’automne, là vieille église d’Ascain. C’était le chœur enfantin des petits garçons, à pleine voix, animé d’une fougue un peu sauvage. C’était le cantique très doux des petites filles, soutenu par l’accompagnement grêle de l’harmonium. Et puis, de temps en temps, le sublime dialogue de la messe s’exaltait en répons qui s’élevaient, avec un bruit d’orage, du haut des tribunes où était massée, selon l’usage antique, l'assemblée des hommes. On eût dit alors, en écoutant la vieille chanson qui, si longtemps a bercé le cœur de l’humanité, on eût dit qu’une seule âme, l’âme des ancêtres, faisait vibrer les boiseries sonores, l'or étincelant du tabernacle, la voûte de pierres grises, toute l’église, remuée, secouée, tressaillante, jusqu’aux dalles séculaires qui recouvraient les ossements des morts. 



A suivre...



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