LES TRAINS AU PAYS BASQUE SUD EN 1864.
Dès 1845, les institutions Biscayennes promeuvent la construction d'une ligne de chemin de fer Madrid-Irun, passant par Bilbao.
INAUGURATION LIGNE CHEMIN DE FER |
Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des débats politiques et littéraires, dans son édition
du 9 septembre 1864 :
"Saint-Sébastien. - Vitoria. - Burgos. - Madrid et Tolède.
(Premier article.)
On commence en France à être un peu blasé sur les inaugurations de chemins de fer. À une description rapide des pays traversés, à une énumération monotone des difficultés vaincues par les ingénieurs, telles que ponts en pierre ou en fer, remblais, tunnels, viaducs, succède presque toujours le récit pompeux d'un banquet présidé par M. ***, auquel ont assisté les hautes notabilités de l'administration, de la finance, de l'industrie, etc. Puis vient l'analyse des toasts, félicitant tour à tour les actionnaires qui ont généreusement apporté à l'entreprise le concours dé leurs capitaux, dans le but très louable d'en tirer de gros intérêts; la Compagnie, qui a bien voulu recevoir et mettre en œuvre ces capitaux d'une manière tout à fait désintéressée ; l'administration, qui ne s'est pas opposée à l'exécution d'un projet devant enrichir le pays et doubler ses revenus ; les ingénieurs, qui ont habilement surmonté d'insurmontables obstacles ; le pays enfin, dont les produits vont trouver un écoulement si facile qu'il faudra faire venir de bien loin et à grands frais les objets de première nécessité que les habitans trouvaient naguère chez eux à des prix modestes : voilà en résumé la matière des nombreux comptes-rendus dont les journaux regorgent depuis quelques années, grâce à l'immense extension de notre réseau de chemins de fer. Heureux le chroniqueur, quand il s'agit, comme aujourd'hui, non plus de l'ouverture d'une voie ferrée française secondaire, mais de la ligne la plus importante de l'Espagne, celle qui relie Paris à Madrid. Il décrira également les sites plus ou moins variés de la route, il n'oubliera ni les viaducs ni les tunnels, il parlera du banquet, il ne dira rien ou presque rien de nouveau ; mais comme tout cela se passe en Espagne, notre voisine, si intéressante par l'originalité de ses mœurs et si riche en cités antiques, en vénérables monumens, en musées incomparables, en femmes ravissantes, on le lira peut-être avec moins d'ennui.
Depuis quelques années déjà, le chemin de fer du Nord de l'Espagne est exploité sur la plus grande partie de son parcours ; chaque section terminée a été immédiatement livrée à la circulation, et il ne restait plus d'inachevé, au commencement de cette année que 44 kilomètres. Les trains venant de France s'arrêtaient à la station de Beasaïn, et là des voitures appartenant à la Compagnie prenaient les voyageurs et les bagages et les transportaient en quelques heures à la station d'Olazagutia, d'où ils repartaient, directement pour Madrid et pour le sud de l'Espagne. Maintenant on va de Paris à Madrid en trente-six heures et l'on ne change de train qu'à lrun.
Le tronçon de Beasaïn à Olazagutia comprend la partie la plus difficile et la plus coûteuse de l'entreprise, la traversée des Pyrénées espagnoles. Il a fallu combler de profondes vallées, jeter des ponts hardis sur de fougueux torrens, percer d'épaisses montagnes, entasser Pélion sur Ossa ! Le voyageur est saisi d'effroi quand il se voit suspendu au-dessus d'abîmes affreux ou entraîné sous des voûtes obscures se succédant pour ainsi dire sans interruption. Sur les 44 kilomètres inaugurés le 15 août, de Beasaïn à Olazagutia, il y a 10 kilomètres de tunnels, le quart du tronçon, et, parmi les 23 tunnels traversés, il y en a un de 1 200 mètres et un autre de 3 kilomètres.
INAUGURATION CHEMIN DE FER DU NORD 15 AOÛT 1864 |
On descend dans des tranchées de 25 mètres de profondeur, on s'élève sur des remblais de 36 mètres de hauteur ; l'ensemble des travaux de terrassement donne un cube supérieur à 2 millions 1/2 de mètres cubes, qui, répartis sur la longueur totale de la traversée des Pyrénées, déduction faite des tunnels et viaducs, soit sur environ 30 kilomètres, représentent plus de 80 000 mètres cubes de terrassemens par kilomètre.
REMBLAI ENTRE BEASAIN ET ZUMARRAGA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ces travaux gigantesques, dont aucune ligne en France ne peut donner l'idée, ont été exécutés à forfait, sur le tracé des ingénieurs de la Compagnie du Nord de l'Espagne, par MM. Ernest Gouin et C°, constructeurs à Paris, ils ont été commencés au mois de septembre 1862, et complètement achevés en loyale et rigoureuse exécution du cahier des charges au 15 juillet 1864.
ERNEST GOÜIN |
MM. Gouin et C° ont dû occuper une véritable armée d'ouvriers, 10 à 12 000 hommes environ ; il a fallu, pour loger et nourrir tant de monde, bâtir des villages dans les montagnes, rassembler des subsistances et des provisions dans des magasins énormes, construire des hôpitaux pour les blessés, organiser un service médical. Et quelle consommation de houille, de bois, d'outils, de chariots ! Voici du reste quelques chiffres :
12 000 tonnes de houille venues d'Angleterre,
12 000 mètres cubes de bois venues de France,
2 000 tonnes de fer pour les viaducs,
1 000 tonnes de fer pour les outils,
20 000 pelles et pioches,
460 000 planches,
3 000 brouettes,
300 000 kilog. de poudre de mine,
Et 3 kilomètres de mèches pour allumer les mines.
OUVRIERS TRAVAILLANT AU CHEMIN DE FER DU NORD |
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