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lundi 14 septembre 2020

AUX GROTTES D'ISTURITZ EN BASSE-NAVARRE AU PAYS BASQUE EN 1928


LES GROTTES D'ISTURITZ EN 1928.


Les grottes d'Isturitz et d'Otsozelhaia forment une série de grottes naturelles avec habitat préhistorique situées sur le site naturel de la colline de Gaztelu, dans la vallée de l'Arberoue, en Basse-Navarre.


pays basque autrefois grottes
VUE PANORAMIQUE DES GROTTES D'ISTURITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, dans son 

édition du 14 août 1928, sous la plume de Francis Jammes :



"Aux grottes d'Isturitz



Jean Pavie.



Un sculpteur qui descend des hommes des cavernes.




Toute d’amour et de grandeur, l’œuvre d’un Jean Pavie propose une fois de plus, à notre esprit déconcerté, l'énigme de la préhistoire. 




Il y a quelques semaines, l'abbé Henri Breuil, l’une des gloires de cette science, m’emmenait à douze kilomètres d'ici, aux grottes, encore mal connues, d’Isturitz. 



prehistorien france
ABBE HENRI BREUIL

Quelques œillets frisés, quelques plantes grasses tapissaient la roche où est taillé le sentier ; mais dès l’entrée de la caverne, toute végétation cessa. Le seul vestige de vie fut le vol enchevêtré, cabalistique, des chauves-souris, que nos flambeaux effaraient. 




Nous foulions un ossuaire formé de débris d’ours, de bisons, de rennes, d'oiseaux, tellement compact que l’on a essayé de l’exploiter comme une mine d’engrais. 




Je ne crois point que ces squelettes ne soient que les restes d’un charnier qu’une peuplade chasseresse aurait formé dans ce lieu où elle se mettait à l’abri et se nourrissait ; mais, plutôt, que le déluge montant, toute la faune régionale s’est réfugiée dans cet abri qui s’ouvre au flanc de la montagne, et quelle y a péri noyée. 




Quant aux hommes, ils ont laissé là des traces de leur passage, non seulement dans les innombrables échantillons de silex, de corne, d’ivoire travaillés, mais en des ouvrages de ronde bosse qui témoignent de l’art primitif le plus pur. 


pays basque autrefois grottes
RONDE BOSSE ISTURITZ BASSE-NAVARRE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Par "primitif", je n’entends pas qualifier un sauvage qui sculpterait d'instinct et, comme si, sans précurseurs, il fût d’emblée, et par une sorte d’inspiration, parvenu à la maîtrise de son métier. Cette conception n’a jamais eu cours que dans la cervelle de quelques personnes d'autant moins primitives qu’elles étaient primaires. 




Ne croyons pas plus à la science infuse de l’auteur de la complainte du Juif errant qu’à l'ignorance de Monticelli. Leur suprême habileté fut celle des grands maîtres qui ne laissent point paraître leur culture. 




Les sculpteurs d’Isturitz, je prends Isturitz en le généralisant, étaient donc des "primitifs" au sens le plus élevé, auxquels l’on pourrait opposer, hélas ! bien qu'ils soient venus deux cent mille ans après, nos Basques actuels qui, dans leurs cimetières, ou même leurs demeures, taillent des fétiches si informes, que ceux des îles Salomon n'inspirent pas plus d'épouvante. 



pays basque autrefois grottes
GRAVURE PARIETALE GROTTES D'ISTURITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

C’est donc que les hommes de l’âge de pierre, ces troglodytes, possédaient une science de l’art complètement ignorée de nos paysans actuels, et je vais plus loin, que sont bien incapables d’admirer les pontifes mêmes qui, aujourd'hui, méconnaissent ou marchandent la splendeur d’un Jean Pavie. 




Sans doute, ces purs primitifs, dont le temps, ce grand illusionniste, éloigne, si je peux dire, l’horizon, ou le rapproche au contraire de nous, à la manière du discours évangélique sur la fin du monde, furent obligés de sculpter leurs Parthénons sous terre, et à la lueur des grossiers foyers. De ceux-ci, nous trouvons les débris calcinés sur le sol et, au long de la forêt des stalagmites, les larges léchures faites par la fumée. 




C'est que nos ancêtres d'alors, si avancé que fût leur art, se sentaient impuissants à se défendre d'une faune qui les eût surpris au dehors durant leur repos ou leur sommeil. 




Mais, dans ces cryptes qu'illuminaient seules les torches graisseuses ou résineuses que le tonnerre avait allumées, sinon la pierre à feu, et qu’ils entretenaient à la manière des Vestales, ils ont œuvré avec autant de conscience qu’en mit plus tard Phidias à dégager, au grand soleil de son ciseau, les frises des panathénées. 




Avec une égale conscience, dis-je : mais avec l’amour en plus, car, il faut bien l’avouer, l'Antique, tel que nous l’entendons, tel qu’il s'exprime, par exemple, dans la Métope de Sélinonte, où Diane fait lacérer Actéon par des chiens, n’en possède pas. Et la meute qui, superbe d’ailleurs, monte à l’assaut du héros, s’arc-boute sur les cuisses en équilibre, ronge la corne du cerf qui commence de le métamorphoser, est aussi loin qu'il est possible des gracieux animaux de la grotte. 



pays basque autrefois grottes
BAGUETTES SCULPTEES ISTURITZ
PAYS BASQUE D'ANTAN

Il serait bien impossible, à coup sûr, d’imaginer quelle vie intérieure, disons mystique, eut l’habitant d’une caverne, perdu dans la nuit du temps. Mais les œuvres qu’il a laissées, comme animalier, sont empreintes d'une grâce, et souvent d’une tendresse que l'orgueilleux paganisme même, et surtout à l’apogée de sa gloire, a dédaignées par ce qu’il n’était plus capable de les connaître. 




La douleur, qui est la noblesse de l’homme, était un sujet d’opprobre à Sparte ; l’on connaît l’histoire du renard et de l’enfant dérobeur, et ce que valaient la famille et le culte de Vénus. Cette conception de la vie ne pouvait point ne pas retentir sur tout ce qui était soumis au citoyen, que saint Paul nous montre en quête "de quelque chose de nouveau" qui pût le distraire sans contrarier son scepticisme. 




Un chien ressemble à son maître. La bourrique de Silène n'est point l'âne de saint Joseph ; mais l’âne de saint Joseph n’est que l'ancêtre de la bête merveilleuse, bonne et humble, qu’exposa, à Londres. Pavie, pour la grande admiration de Mistress Sutro, qui la comprit et l’acheta. 




Bien plus, remontant au delà des âges, j’en retrouve l'archétype au paradis terrestre. 




De l'Eden, l'homme des grottes n’avait point perdu totalement le sens, car vivant ramassé sur lui-même, dans la souffrance et la crainte et l'humiliation que lui causaient les forces naturelles, et dans l’amour d’un foyer resserré, il avait ressenti la sollicitude de la famille et de la pitié.




Mais qui dira ce que l’homme régénéré qu’est Jean Pavie, dont la fibre patriarcale a trop vibré comme une harpe douloureuse, a mis de religion, d’anxiété, de tendresse, de paternité et de maternité, de charité, en un mot, dans ces bêtes qui sont les compagnes de notre exil !




Des œuvres nouvelles ne font que me confirmer dans ces premiers jugements. Par elles, je me sens transporté sur le plus vert et le plus pacifique des pâturages. Dieu y parle. On voit bouger la belle barbe blanche que l'on lui prête. 




Voici des chevaux de race qui s’ébrouent, hennissent, pétaradent, se détendent comme des arcs, et franchissent des haies de roses ; un corbeau médite sur le Schopenhauer ; un baudet pomponné attend la petite fille de Watteau ; un pélican semble le mage solennel des mers, il porte la besace du pèlerin ; une femme tranquille est assise ; une biche, à la fois inquiète, patiente et mystérieuse, abandonne sa mamelle à son faon capricant, indocile et frénétique ; un faisan revêt la livrée du premier soleil se levant sur la forêt d'automne. Que sais-je ? 




J’ai bien mal exprimé ce que j’avais à dire au sujet d'une admiration qui ne se sépare pas d’une aussi sincère amitié. Pour traduire et louer Jean Pavie, il eût fallu avoir recours à lui-même, c’est-à-dire se servir de cet art dont un peintre aussi noble, Charles Lacoste, me disait : "Un tel art, que Dieu lui permet de porter une ombre sur la terre."



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