AU PAYS DE "RAMUNTCHO" EN 1900.
"Ramuntcho" est un roman français de Pierre Loti. Publié pour la première fois en 1897, il a connu une vingtaine de rééditions françaises jusqu'en 1994. C'est un des ouvrages les plus connus de Pierre Loti, et un de ses principaux succès d'édition.
ASCAIN 1900 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Temps, dans son édition du 23 septembre 1900,
sous la plume de Gaston Deschamps :
"Au pays de Ramuntcho".
Ascain. (Basses-Pyrénées), 18 septembre.
En pédalant sur la route de Saint-Jean-de-Luz à Ascain — pour accomplir dévotement un pèlerinage littéraire au village, déjà célèbre, où fut écrit Ramuntcho — je songeais, à part moi : Heureux Loti ! Conquérant des esprits et des cœurs, plus assuré de son empire que les envahisseurs qui comptent sottement sur l’efficacité de la violence ! La Biscaye est devenue son domaine. On a oublié les rois, plus ou moins bardés de fer, dont ce pays a senti la main lourde. Qui est-ce qui se souvient de Caribert, duc d’Aquitaine, seigneur du Labourd, de la Soule et de la Basse-Navarre ? Qui se soucie de Thibaud 1er, de Gaston VI le Bon et de Sanche le Montagnard ? Qui pense à Alphonse le Batailleur ou à Guillaume le Troubadour ? Les Pyrénées ont oublié Charlemagne lui-même, et Roland et Olivier, tandis que, sur les bords de la Nivelle et de la Bidassoa, les contrebandiers, les joueurs de pelote, les chanteurs de belatsa et les danseurs de fandango racontent la gloire de Loti et de Ramuntcho !
Comme elle est jolie, cette route d’Ascain ! Elle se déroule, en détours flexibles, entre deux haies d’aubépine, le long des sinuosités d’une rivière claire. Elle s’attarde à loisir dans la fraîcheur des vallées vertes, au pied des collines où les chênes et les châtaigniers, sans cesse rajeunis par la brise de mer, entremêlent joyeusement leurs feuillages. Parfois elle traverse, sur une passerelle de pierre, un mince cours d’eau, bordé de tamaris. Au delà des pelouses inclinées et des fougeraies, parmi l’épanouissement des bouquets d’arbres, la gaieté des maisons blanches et des toits rouges semble sourire au soleil matinal. La chênaie des bois de Fagossou est un asile favorable au rêve. On voudrait s’arrêter à tous les tournants, errer aux alentours de ce chemin, afin d’en savourer silencieusement toutes les délices. Ici, les éventails des fougères se déploient en gerbes de verdure autour d’une touffe d’ajoncs constellés de fleurs d’or. Là, une avenue de platanes s’aligne superbement, comme une colonnade blanche, sous une voûte de verdures transparentes. Plus loin, un sentier mystérieux pénètre sous bois et invite le passant à se désaltérer au cristal d’une source. La lumière d’un ciel radieux répand une joie de paradis sur ce pays divin. Dans les champs, les hampes du maïs se parent de feuilles aiguës et lustrées qui brillent comme des glaives. Le sorbier accroche aux buissons ses grappes écarlates. Sur l’horizon, par delà les lignes molles des premières pentes, la Rhune dessine en plein azur les formes larges de son triangle irrégulier. On dirait qu’elle prête le flanc au soleil, comme pour se chauffer voluptueusement dans la clarté tiède. Cette montagne domine le pays basque. On la voit de partout, tantôt sombre sous les nuages gris, tantôt bleue et rayonnante dans la splendeur des beaux jours. La première merveille qu’on m’a montrée ici, dès le soir de mon arrivée, c’était la Rhune baignée de clartés lunaires, la Rhune très lointaine, flottante et presque immatérielle, au-dessus du golfe endormi. Lorsque je quitterai, à regret, le pays de Ramuntcho, je verrai la Rhune, dernier jalon de la terre française du côté de l’Espagne, me dire adieu...
Victor Hugo, qui a traversé Saint-Jean-de Luz le 29 juillet 1843, n’a pas vu la Rhune.
Loti a vengé la Rhune de cet injuste dédain. La Gizune, cette grande montagne, dont l’ombre, quasiment maternelle, protégea les amours de Ramuntcho et de Gracieuse, n’est autre que la Rhune, légèrement débaptisée...
LA RHUNE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Nous voici au bourg d’Ascain, sur la place. Dans tout village basque, il y a deux monuments, très voisins l’un de l’autre, et qui attirent d’emblée l’attention du voyageur. C’est d’abord l’église. C’est ensuite le mur, ou plutôt le "fronton" contre lequel on joue à la pelote.
Le peuple basque est religieux. Le clergé, dans cette Bretagne du Sud, est très puissant, très respecté. Escualdun Fededun, dit un proverbe local. Cela signifie : "Basques et croyants, c’est tout un". Lors de l’inauguration des fêtes de la tradition basque, le 15 août 1897, M. l’abbé Elissague, curé-doyen de Saint-Jean-de-Luz, ne manqua pas de prêcher sur ce texte. La paroisse de Saint-Jean-de-Luz, ancien fief du chapitre de Bayonne — ainsi qu'en témoigne la crosse d’argent, posée en pal, qui rehausse ses armoiries — est célèbre, dans toute la contrée, pour la beauté de ses offices. Mais les plus modestes églises du pays de Labourd, autour d’Ascain et de Sare, se vantent d’égaler le chef-lieu par la sincère piété des fidèles qu’elles assemblent, chaque dimanche, avant le jeu de pelote. Le clocher d’Ascain, carré, trapu, a l’air d’un donjon. La nef est précédée d’une sorte de narthex, dont la voûte est peinte en rouge. L’intérieur semblerait triste, s’il n’était illuminé par les orfèvreries de l’autel. Le luxe des églises basques se réfugie, tout entier, dans les magnificences qui environnent le tabernacle. C’est là que reluit l’auréole des saints et des saintes, et que resplendit, en floraisons mystiques, la palme des martyrs. La lampe du sanctuaire éveille des clartés douces sur les reliefs de ce vieil or devant qui les siècles, succédant aux siècles, ont fait défiler tant d’âmes obstinément vouées au culte du passé. Et, quand la cloche sonne allègrement, pour annoncer aux vallées et aux montagnes l’aurore d’une fête, les cierges allumés embrasent l’autel et font briller d’un éclat flamboyant le métal et les pierreries du retable, comme si la porte du chœur était l’entrée du paradis.
INTERIEUR EGLISE ASCAIN PAYS BASQUE D'ANTAN |
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