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lundi 24 août 2020

L'ASSASSINAT DU MARQUIS DE CAUSSADE ET DE SA FEMME À LA FRONTIÈRE AU PAYS BASQUE EN JUIN 1945 (deuxième et dernière partie)


L'ASSASSINAT DU MARQUIS DE CAUSSADE EN 1945.


Les passages de frontière ont, dans l'Histoire, été parfois problématiques et parfois dramatiques.


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MARQUIS DE CAUSSADE 1945

Voici ce que rapporta à propos de ce crime mystérieux le journal Qui ?, dans son édition du 27 

juin 1949, sous la plume de L. Vergez et E. Hervier :



"...Le marquis et sa femme, perdus dans ce décor chaotique, sont incapables de s’apercevoir de l’inquiétante ronde qu’ils mènent. Peuvent-ils se douter que leur guide agit ainsi dans le dessein de les exténuer ! La marquise de Caussade avance péniblement, soutenue par son mari qui, de fatigue, bute contre les pierres et trébuche sur les racines.




— Encore cinq cents mètres, lance Aizpurua. Nous ferons une pause près du ravin des Lancettes. Après, ce sera le col...




Il est 4 heures du matin. La marquise se laisse tomber sur le sol, exténuée. Près d’elle s’assied son mari qui la réconforte, en lui faisant entrevoir, avec la frontière toute proche, la fin de leurs soucis. Elle est tendrement appuyée contre lui, ses grands cheveux dénoués. A dix mètres derrière eux, les deux guides discutent dans leur dialecte.




Aizpurua s’avance alors lentement, puis il brandit le gourdin et, de toutes ses forces, l’abat sur les deux têtes accolées. La marquise pousse un hurlement de douleur. Son mari, assommé, roule en avant quelques mètres plus bas. sauvagement, Aizpurua achève son ignoble tâche.




La marquise râle doucement. Il l’achève en lui fracassant littéralement le crâne. Puis, saisi d’une folie meurtrière, il se rue sur de Caussade. Un seul coup de son gourdin aurait suffi pour faire éclater la boîte crânienne, mais l’assassin s'acharne ; il brise les vertèbres, jusqu’à séparer la tête du tronc.

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RAVIN DES LANCETTES 1945



Elizondo qui, impassible, avait assisté à la scène, vient rejoindre son compagnon et l’aide à dépouiller les cadavres. Mais les deux criminels dédaignent de détacher du cou de la morte un collier de perles à fermoir d’or et de platine (ils ignoraient qu’il valait à lui seul 25 millions). Ils ne découvrent pas le diamant que Carita d’Ortega avait cousu dans sa gaine (on devait le retrouver plus tard, en exhumant le cadavre, sur les indications d’une fille du premier lit, Mlle Sarita d’Ortega). Ils oublient même le briquet en or qu’Eliott a dans la poche de son gilet.




Dans la valise des fuyards, il y a des papiers et... le trésor qu’ils escomptaient. Ils brûlent les papiers, ainsi que la valise et une partie des vêtements de leurs victimes. Ils balancent les corps dans le ravin. Puis, avant de se séparer, se partagent le magot : 3 950 dollars chacun, c’est-à-dire, au taux du change de l’époque, 1 200 000 francs.




Rentré à Urrugne, Elizondo enferme sa part dans une vieille boîte de phosphatine qu’il va cacher dans le grenier. Aizpurua le quitte en disant qu’il regagne Saint-Jean-de-Luz. Quelques jours plus tard, il repassera la frontière, mais cette fois, dans l’intention de se mettre lui-même à l’abri.




Elizondo bénéficie d'un faux témoignage.




L’enquête, commencée au lendemain de la découverte des cadavres dans le ravin des Lancettes, piétina un an et demi. Si, il y a six mois, la gendarmerie arrêta Elizondo, ce fut pour une simple affaire de contrebande. Mais, au cours de la perquisition opérée à son domicile pour récupérer le tabac et l’alcool qu’il passait en fraude, on mit la main sur la boîte de phosphatine et sur son contenu.

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FRANCISCO ELIZONDO



— A qui appartient cet argent ? — A un de mes amis, Florentino Goicoechea, qui habite Ciboure.




Interrogé, Goicoechea confirme la déclaration du contrebandier. Comme il s’agit d’un ancien résistant qui, dans la clandestinité, servit de passeur aux aviateurs alliés, les enquêteurs admettent sans trop de peine que les dollars sont la rémunération de ses services. Bien plus, s’appuyant sur cet argument, Florentino réussit à faire rendre, sous la forme de bons du Trésor et de la Reconstruction, les dollars que la Douane avait saisis.




Un des auteurs du crime du ravin des Lancettes avait failli être pris : le mensonge de Florentino avait fait dévier la marche du destin.




Ce n’était que partie remise. Au début de juin, l’affaire devait se conclure rapidement, grâce à l’initiative et au flair de l’adjudant Alfred Villenave, chef de la brigade de Saint-Jean-de-Luz. Celui-ci venait de prendre possession de son poste ; il avait rouvert le dossier. Intéressé, il examina soigneusement les pièces et découvrit quelques lacunes qu’il décida de combler. Il s’attaqua d’abord à Elizondo qu’il amena, après un interrogatoire de dix heures, à cet aveu :


— Les 3 950 dollars découverts dans la boîte de phosphatine m’appartenaient ; j’avais demandé à Florentino, que je savais avoir fait de la Résistance, de dire qu’ils étaient à lui.




Cet aveu allait entraîner, grâce à la persévérance et à l’habileté de l’adjudant Villenave, la confession du crime.

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ADJUDANT VILLENAVE



Elizondo voit son beau rêve de richesse s’écrouler. Il a d’ailleurs profité de quelques années de répit avant le châtiment. Fort de sa richesse, l’ancien domestique s’est marié, l’an dernier, avec la fille d’un fermier aisé et gérait depuis, en maître, une propriété de plusieurs hectares. Aujourd’hui, détenu à la maison d’arrêt de Bayonne, il attend le verdict de la Cour d’assises pour un crime auquel il prétend ne pas avoir participé effectivement, mais dont le profit qu’il en a tiré et la passivité avec laquelle il l’a laissé commettre sont suffisants pour l’envoyer au bagne pour de longues années.




Aizpurua, réfugié en Espagne, vient d’être condamné à mort par contumace par la Cour d’assises des Basses-Pyrénées.




Mais le dossier ne doit pas être clos parce qu’on a découvert les assassins d’Eliott Salter et de Carita d’Ortega. Les derniers jours du roi de l’armagnac, ainsi que nous l’avons révélé voici près de deux ans, présentent tant de détails troublants qu’il est nécessaire de pousser l’enquête afin d’établir s’il y a eu relation entre les événements qui se passèrent à Condom et précipitèrent la fuite de de Caussade, le crime du ravin des Lancettes et le cambriolage, commis en juillet 1947, dans l’hôtel particulier de l’avenue du Maréchal-Pétain devenue avenue du Général-de-Gaulle).




Il serait peut-être utile de savoir à la suite de quelles pressions, après avoir cédé, dans des conditions bizarres, son affaire d'armagnac, de Caussade s'est enfui soudain, alors qu'il avait toujours déclaré qu'il n'en ferait rien ?




II serait peut-être utile de savoir dans quelles conditions Carita d'Ortega écrivit une lettre que sa fille, Sarita, reçut le 19 avril 1945 et qui contenait ces lignes :  "Ma chère enfant, je suis terriblement lasse, mais nous voici au bout de nos peines, dans cinq minutes, nous serons de l'autre côté."




Cette lettre a été postée après le crime. Par qui ? Il serait peut-être utile de savoir qui a cambriolé, deux ans après la disparition du marquis et de sa femme, le coffre-fort muré sous l'escalier de l'office, dans l'hôtel de Condom, et qui contenait l'argenterie de la Pompadour, derniers vestiges de la fortune de celui qui fut un grand aventurier, et autour de laquelle une lutte âpre et sourde s'est livrée ?

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COFFRE-FORT DU MARQUIS DE CAUSSADE A CONDOM
GERS D'ANTAN



Toutes ces questions, nous les avons posées, le 14 août 1947.




Nous les reposons aujourd’hui."



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