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vendredi 24 juillet 2020

L'ASSASSINAT DU MARQUIS DE CAUSSADE ET DE SA FEMME À LA FRONTIÈRE AU PAYS BASQUE EN JUIN 1945 (première partie)


L'ASSASSINAT DU MARQUIS DE CAUSSADE EN 1945.


Les passages de frontière ont, dans l'Histoire, été parfois problématiques et parfois dramatiques.


pays basque autrefois crime
MARQUIS DE CAUSSADE 1945



Voici ce que rapporta à propos d'un crime mystérieux à la frontière le journal Qui ?, dans son 

édition du 27 juin 1949, sous la plume de L. Vergez et E. Hervier :



"Les aveux à la police de Francisco Elizondo, le passeur d'Urrugne (Basses-Pyrénées) révèle ce que fut la fin de l'aventure du roi de l'armagnac, le marquis de Caussade, assassiné avec sa femme, en 1945, alors qu'il s'enfuyait en Espagne, mais ne mettent pas le point final à cette affaire.




Au mois de juillet 1947, un cambriolage commis dans l'ancien hôtel du marquis de Caussade, à Condom, attirait l'attention du public sur l'étrange figure du roi de l'armagnac dont le cadavre, ainsi que celui de sa femme, avait été retrouvé, quelques mois pins tôt, dans les Pyrénées, non loin de la frontière espagnole. Détective, dans son n° 60, du 14 août 1947, avait apporté de sensationnelles révélations sur la carrière de cet aventurier et sur les circonstances de sa mort. Notre journal, non seulement avait indiqué la filière des passeurs qui, de Paris à Saint-Jean-de-Luz, permettait aux collaborateurs de s'enfuir en Espagne, mais il avait même cité le nom de l'un des assassins du marquis.


L'enquête de la police, qui vient d’aboutir après deux ans, confirme nos déclarations et prouve, une fois de plus, que Détective est le journal de la vérité, le premier et le mieux informé de tous.



Pau (de notre correspondant particulier). 




Août 1944. Une tempête justicière souffle sur le pays libéré et Condom, riche bourgade du Gers, n’échappe pas à la tornade. Ceux qui ont collaboré, peu ou prou, sont traqués. Pauvres ou riches, ils doivent payer ; et même les lourdes portes de chêne cloutées des demeures seigneuriales, si nombreuses en ce coin de France, ne peuvent résister à la poussée de la vindicte populaire.

GERS OCCUPATION ALLEMANDE CRIME
CONDOM GERS 1945

Dans l’une des demeures les plus somptueuses de la ville, l’hôtel du marquis de Caussade, derrière les fenêtres qui donnent sur la promenade de Condom — alors avenue Maréchal-Pétain — un couple regarde déferler dans les rues le flot des maquisards.




Le marquis de Caussade — descendant de La Fayette, par son père, Raoul — quinquagénaire au port altier, qui dissimule sous une couche de fard ocre son visage brûlé au cours de combats aériens, durant la guerre de 1914, crispe les poings. Pour lui, la Libération risque de saper brutalement l’entreprise qu’il avait mise sur pied, bien avant les dernières hostilités et qui, durant l’occupation, était devenue particulièrement prospère. Qui n’a connu l’armagnac du marquis de Caussade, fournisseur de la Cour d’Angleterre ? Détective, dans son n° 60, du 14 août 1947, a conté l'existence mouvementée de ce petit-fils du chef de gare de Sète, de son vrai nom Eliott Salter qui, après bien des avatars, finit par épouser une Sud-Américaine, sœur des fabricants de la Gomina Argentina, la belle Carita, veuve d’Ortega, et par devenir le roi de l’armagnac.




Mais depuis, les temps ont changé. La tournure prise par les événements, en ce mois d’août 1944, l’inquiète. Outre les scandaleux et illicites profits qu’il a tirés de son commerce avec l’ennemi, on peut lui reprocher d’avoir appartenu à la Légion des combattants, puis au S. O. L., puis à la Milice. Plus par désir de parade que par conviction, et pour peu de temps, car, sur les conseils de son ami, le général Baston, il n’a pas tardé à donner sa démission. Mais le mal était fait.




Le 20 août, alors qu’à l’instauré du Candide de Voltaire, il s’adonnait aux joies du jardinage, on vient l’arrêter pour intelligences avec l’ennemi. On l’enferme à la prison de Condom, puis au camp de Seilhan. Brève détention, car sur les instances du général Baston, on le relâche quelques jours plus tard. Mais son sort n’en demeure pas moins précaire : il reste toujours sous la menace d’une nouvelle arrestation. Il pourrait alors s’enfuir facilement, car l'ambassade d’Argentine elle-même lui propose de lui faire gagner en avion le pays natal des Ortega. Il refuse. Mais lorsqu’il apprend que l’Etat a décidé de confisquer les biens des collaborateurs, il se décide à partir par ses propres moyens. C’est alors l’affolement. Le 12 février 1945, il vend à M. Gaubert, oncle d’une certaine Mme Stupfer, elle-même secrétaire du général Baston, pour la somme de 300 000 francs son affaire d’armagnac, qui lui a rapporté des millions.




L’acte est enregistré à Condom, le 22 février 1945. Vente fictive ? Arrangement entre le général Baston et le marquis de Caussade, afin de sauvegarder la fortune de ce dernier ? C’est un point qui n’a jamais été éclairci.




L’ancien distillateur s’est retiré dans une propriété qu’il possède à Balageat, près de Carcassonne. Puis il va rejoindre sa femme à Paris, Celle-ci a fait connaissance d’une certaine Mme Porte, demeurant boulevard Malesherbes, qui lui indique l’adresse d’un passeur de la région de Saint-Jean-de-Luz, un nommé Inchausti. Celui-ci est susceptible de faire franchir au couple la frontière franco-espagnole.




Le marquis et la marquise font leurs valises et, le 10 avril, débarquent en compagnie de Mme Porte sur la côte basque. Inchausti (qui s’est associé avec un nommé Ruiz) les accompagne jusqu’à Biriatou et les confie à un autre passeur, du nom d’Aizpurua. Il voit disparaître la petite caravane au détour du chemin. C’est le 16 avril 1945.

pays basque autrefois crime
JOSE-ANTONIO AIZPURUA

Le 23 juin suivant, un berger découvre dans le ravin des Lancettes, au lieu dit Biscarzu, à deux heures de marche de Biriatou, deux corps à demi putréfiés dans lesquels on identifie le roi de l'armagnac et son épouse. 




La marche vers la mort.




Aizpurua n’était pas seul à accompagner les fuyards. Un domestique agricole, Francisco Elizondo, l'accompagnait. C’était un jeune homme de vingt-neuf ans, sec et nigaud comme un sarment brûlé. Au demeurant fort sympathique avec son chaud regard et son sourire étincelant. Contrebandier, il connaissait à fond tous les sentiers de la montagne.




Elizondo vient enfin d’être arrêté. C’est par ses aveux qu’on a pu établir ce que fut la tragique randonnée du marquis de Caussade et de sa compagne.




Rendez-vous avait été pris, pour 23 heures, dans un champ, près du carrefour d’Olhette, à quelques centaines de mètres d’Urrugne. Aizpurua était allé dans la soirée prendre livraison des mains d’Inchausti des époux de Caussade. A la nuit tombante, tous trois étaient arrivés au village et s’étaient restaurés en attendant le départ pour l’étape finale. 




A l’heure fixée, Elizondo était au rendez-vous. Caché dans l’ombre d’une haie, il attend impatiemment son complice et les passagers. Il échafaude déjà des rêves dorés, car il sait les clients très fortunés ; son complice Aizpurua ne lui a-t-il pas dit en le contactant :


— Ce sont des millionnaires. Il y a un coup à faire.




D’un chemin de terre surgit enfin la petite caravane : Aizpurua marche en tête. La marquise de Caussade avance péniblement. Elle est vêtue d’un tailleur sport écossais rouge et chaussée de souliers bas. Le marquis, qui ferme la marche, porte une veste en cuir doublée de peau de mouton et un chapeau mou, bleu foncé, à larges bords. Il tient à la main une valise légère ; sur les conseils du passeur, il n’emporte que l’essentiel : le magot.




En quelques mots, Aizpurua présente son compagnon et indique les services qu’il est susceptible de leur rendre. Puis la petite troupe s’ébranle en direction de la montagne. Maintenant, c’est Elizondo qui a pris la tête. Il marche rapidement, trop rapidement au gré des fuyards qui lui demandent de ralentir l’allure. Les deux passeurs sont armés de lourds gourdins, dont ils se servent en guise de canne. Cependant, la confiance règne ; le marquis et la marquise de Caussade plaisantent avec leurs guides, et, plus particulièrement, avec Elizondo, dont le visage ouvert leur plaît.




Au loin, les Pyrénées étincellent de toutes leurs falaises éclairées par la lune ; derrière la caravane, la masse du village, que révèlent quelques lampes encore allumées, s’enfonce dans le trou d’ombre que forme la vallée.




On abandonne le sentier à 500 mètres des filtres d’Urrugne pour s’engager sur le versant du col des Joncs, brèche taillée dans un pic rocheux.




A la vérité, la frontière n’est qu’à deux heures environ de marche. Et il y a près de quatre heures que les fuyards ont quitté Urrugne. C’est qu’Elizondo emprunte un étrange itinéraire. Lui qui connaît comme sa poche ce coin, de montagne, il tourne parfois le dos au but, se dirigeant vers quelque pic lointain pour revenir ensuite, par de profonds ravins, à moins de 2 kilomètres du point de départ."



A suivre...



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