LA RÉUNION DU PAYS BASQUE ET DU BÉARN EN 1790.
Le département des Basses-Pyrénées a été créé le 4 mars 1790, en application de la loi du 22 décembre 1789.
CARTE DES BASSES-PYRENEES |
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin de l'Assemblée Nationale du 12 janvier 1790 :
"Contestations sur la réunion du Pays des Basques au Béarn.
Le Pays de la Soule et le Pays de Labour témoignent une grande répugnance à se réunir au Béarn. La différence des langues est le principal motif qu'ils présentent ; mais les pays de Labour et de Soule n'ont que 140 lieues de superficie, le Béarn 200. Ces contrées ont le même diocèse, les mêmes coutumes, la même cour supérieure.
Le Comité n'a pas cru que la différence du langage fût un motif suffisant pour oublier les convenances et s'écarter de l'exécution de vos décrets.
M. Garat l'aîné.
GARAT DOMINIQUE "L'AÎNE" |
Je réclame contre l’avis du Comité. Ma réclamation n'intéresse que des peuples pauvres et peu nombreux : mais n’ont-ils pas, par-là même, des droits plus sacrés à votre justice éclairée? La différence des langues est un obstacle insurmontable. L’assemblage qu'on vous propose est physiquement et moralement impossible. Réunissez des hommes, dont les uns parlent une langue, les autres une autre, que voulez-vous qu’ils se disent ? Ils finiront par se séparer comme les hommes de la tour de Babel. Ces obstacles ne sont pas levés par les légères et très-légères raisons du Comité. Les Béarnois et les Basques ont le même Evêque ; mais de tous les Administrateurs, ceux qui voient le moins en détail sont les Evêques. Le même Parlement : c'étoit un vice de l'ancien ordre judiciaire ; et vous ne le consacrerez pas. Je ne sais si, quand un peuple a conservé pendant des siècles un caractère excellent et des mœurs patriarcales, il peut être bon et en morale et en politique de le mêler avec des peuples policés.
Beaucoup de Basques entendent le François et le Béarnois. Ces peuples s'unissent par des rapports journaliers de commerce. La différence de l'idiome peut être présentée comme une considération, mains non comme un moyen. Elle est au contraire une raison politique de réunir les deux peuples.
M. Garat le jeune.
GARAT JOSEPH-DOMINIQUE "LE JEUNE" |
Je ne vous présenterois pas d’observations, s’il étoit possible de suivre l’avis du Comité ; mais je dois vous en offrir, quand il y a une impossibilité absolue ; quand on veut faire le malheur de cent et quelque mille individus. Un des Membres du Comité de Constitution, M. Target, a parcouru ce pays et il vous dira si l'on y parle une autre langue que celle des Basques.
M. Target.
Les Basques ne m’entendoient pas, je n’entendois pas les Basques ; mais je ne puis en conclure que les Basques et les Béamois ne s’entendent pas entr’eux.
M. Garat le jeune y continue :
C’est une vérité connue dans les pays gascons et François, voisins de cette contrée, qu’il est impossible d’apprendre le Basque, si l’on n’a habité très-jeune avec les habitas de cette Province. Aussi, dit-on proverbialement, que le diable est venu chez les Basques pour apprendre leur langue, et qu'il n’a pu en venir à bout...
Ce proverbe vient de vous faire rire. Cependant, il renferme une vérité profonde. Les proverbes sont la sagesse des hommes. Aucunes langues ne présentent entre elles autant de difficultés que le Basque et le Béarnois.
L'Italien, l'Allemand et l'Anglois ont leur source commune dans le Latin et dans les langues du Nord. Le Basque est la véritable langue altique... Les Basques n'ont pas de métayers, pas de valets, ils cultivent eux-mêmes. S'ils alloient ailleurs faire leurs affaires, ils ruineroient leurs affaires. Le vingtième de leur pays est cultivé ; le reste n'est pas cultivable ; ils sont très forts et ne pourroient vivre ailleurs... A peine trouvera-t-on dans cette Contrée, des familles assez aisées pour fournir des éligibles à l'Assemblée Nationale. Le Béarn, par cette réunion, nommera tous les représentans, le pays des Basques n'en aura jamais.
M. de Rochebrune, député du Béarn.
Les Basques ont une très grande facilité naturelle pour l'étude des langues ; beaucoup d'entre eux savent le Béarnois et le François, et c'est surtout en Béarn qu'ils vendent leurs laines... Le Béarn n'a ni demandé ni désiré que les Basques lui fussent réunis ; l'intention que lui suppose le prédominant n'est donc pas juste...
M... Député du pays des Basques.
Tout ce que vous ont dit MM. Garat, mes collègues est très-juste : l’impossibilité résultante de la différence d'idiome est évidente. Voulez-vous en juger ? Ordonnez des conférences entre les Députés Basques et Béarnois, qu’ils parlent chacun leur langue, qui rédigera le procès-verbal de ces conférences ?...
M. l'Evêque d’Oléron.
Le pays de Soule, dont j’ai l'honneur d'être le Député, ne craint pas d'être réuni au Béarn. La différence des langues n'est pas une raison, parce que la plupart des habitans de l'un et l'autre contrée s'entendent réciproquement. Je le certifie. On a fait présumer que les Evêques connoissent peu le peuple de leur diocèse, qu’ils n'entendent pas le basque ; je ne l’entends point, en effet, mais je n’en ai pas moins des communications avec les basques : il est une langue que tout le monde entend, c’est celle de la charité.
L’Assemblée, en suivant l'avis du Comité, décrète la réunion du pays des Basques et du Béarn.
CARTE DES BASSES PYRENEES |
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