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lundi 6 juillet 2020

SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1881 (première partie)


SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1881.


La ville de Saint-Jean-de-Luz comprend, en 1881, 4 451 habitants et est administrée par le Maire Républicain Martin Guilbeau.


pays basque autrefois 1900
ST JEAN DE LUZ EN 1865
PHOTO DE LADISLAS KONARZEWSKI

Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Vie Moderne, le 8 octobre 1881 :



"Chronique - La Vie Mondaine - Saint-Jean-de-Luz.




La saison des bains de mer est close, sauf à Biarritz et à Saint-Jean-de-Luz, où elle se prolonge jusqu'au 15 octobre, par une faveur exceptionnelle du climat.




Je ne veux pas achever ma course sans vous parler de Saint-Jean-de-Luz, une des plus jolies plages de l’Océan.




Nous sommes ici en plein pays basque, au pied des Pyrénées, tout au fond du golfe de Gascogne, à deux pas de l’Espagne, à deux pas de Biarritz, dans un site admirable, où rien n’est heurté, où l'œil même n’arrive aux hautes cimes de l’horizon que par des pentes douces et graduées, où l'Océan sommeille dans une vaste baie, où tout contraste en un mot avec l’aspect imposant et sauvage de la côte à Biarritz.




Tout est antithèse et surprise dans ce pays merveilleux. 




C'est du sommet de la Rhune qu'il faut voir ce long panorama des Pyrénées arrivant en ligne droite jusqu’au golfe de Gascogne et là s'arrêtant brusquement, le contournant et fuyant en Espagne, comme un long serpent détourné de sa route.




Là-bas, à près de mille mètres au-dessous, le vaste cirque formé par les cotes, la grande plaine bleue et les mille anfractuosités du rivage, l’embouchure de l’Adour, les rochers de Biarritz, la rade de Saint-Jean-de-Luz, les méandres de la Bidassoa, qui sépare l’Espagne de la France, la baie de Fontarabie, le port naturel du Passage, caché par des montagnes qui ne lui laissent qu’une étroite et tortueuse entrée, la conche de Saint-Sébastien, son vieux château, et tout au loin, la cote prenant un caractère âpre et sauvage, terminée à l’horizon par les roches à pic du cap Matchitchaco,— un nom sauvage aussi, qui ferait croire qu’on casse des noisettes avec ses dents.




Si vous connaissez un spectacle plus beau, est-ce sur la corniche des Alpes maritimes, je consens à me pendre, comme Crillon ne l’a pas fait quand on avait vaincu sans lui.




Qui sait si quelque jour Nice et Monaco ne partageront pas avec cette partie de nos côtes le privilège de la saison d’hiver ? Cela arrivera peut-être plus tôt qu’on ne le croirait là-bas.




Quel peuple étrange que ce peuple basque, venu on ne sait d’où, parlant une langue qui ne se rattache à aucune autre, on dirait un de ces blocs erratiques qu’on rencontre parfois dans les montagnes sans pouvoir s’expliquer par quelle révolution terrestre ils sont venus se poser sur un terrain dont la composition est totalement étrangère à la leur.




Le Basque est resté ce qu’il était il y a mille ans, il y a deux mille ans ; inconscient de ses origines et de sa mission, il accomplit sa loi, méthodiquement, froidement, n'ayant d'autre ambition que de rester lui-même. Aucun peuple n’est plus démocrate ni plus paisible, aucun n'est plus irritable en ce qui concerne ses croyances ou ses vieilles traditions.




Allez à Biarritz ou à Saint-Jean de Luz, vous verrez le bouvier, le béret sur la tête et la pipe à la bouche, passer indifférent au milieu des élégances cosmopolites, sans un regard d'envie ou de curiosité. Que lui importe tout cela? Il s'estime supérieur à tout autre, il est chez lui, sur son sol, et tous ces étrangers ne sont que ses tributaires.



pays basque autrefois 1900
LE BOUVIER ET SON ATTELAGE
PAYS BASQUE D'ANTAN

C'est là le fond de sa pensée, soyez-en sûr ; il ne le dira pas, mais on le devine à la longue, et je m’incline pour ma part devant ces grands égoïstes dont l'orgueil est plus grand que toutes les ambitions humaines.




Hélas ! pouvez-vous me dire s’il y a quelque chose de meilleur ou de plus vrai que les illusions que nous pouvons nous faire ?




C’est cette foi-là qui sauve le monde ; il est vrai de dire que ce n'est pas celle qui transporte les montagnes.




Il y a du Romain dans l'orgueil du Basque ; il y a du Spartiate dans sa manière de vivre ; il y a du Musulman dans son tempérament, sa froideur et son immobilité de race.




Une partie de Saint-Jean de Luz a été, il y a longtemps de cela, engloutie par la tempête. Mais, rassurez-vous, la ville se cache maintenant derrière une énorme digue et semble défier la mer qui, en effet, perd chaque jour du terrain. La rade est spacieuse et pittoresque, entourée de collines et resserrée à son entrée par deux jetées énormes sur lesquelles la vague passe en cascades écumantes.




A gauche, le fort du Socoa avec son vieux donjon crénelé ; à droite, les falaises de Sainte-Barbe et le sémaphore ; au centre, l’embouchure de la Nivelle, à qui l’on a fait l’honneur d'un port absolument désert ; de l’autre côté, Ciboure dont je parlerai tout à l’heure. Au delà, du côté de l’Espagne, le Jaizquibel qui domine Fontarabie, les Trois-Couronnes qui dressent leur crête semblable à une dent gigantesque, la Rhune aux pentes douces et couvertes de bruyères et de genêts, puis la grande chaîne se perdant à l’est dans les vapeurs bleuâtres.




En arrière de Saint-Jean de Luz, la jolie vallée de la Nivelle, bordée de collines sur lesquelles apparaissent çà et là, dans les bois touffus, de jolies habitations ; plus loin, Ascain et la route de Cambo.



pays basque autrefois 1900
ASCAIN
PAYS BASQUE D'ANTAN



Ici tout est calme et endormi dans un rêve de bonheur ; on y oublie l’heure qui passe, et le grand froufrou du monde ; pas n’est besoin d’autre plaisir que celui de se laisser vivre.




En vérité, il me faut un effort pour prendre la plume, et je vous transcris ma première pensée : tout le charme qu’on éprouverait à ne rien écrire. C’est ainsi probablement que les peuples heureux n’ont pas d’histoire. — En ce moment, même sous ma fenêtre, j’entends une guitare et son accompagnement inévitable, un tambour de basque ; quelle langueur dans ce rythme bizarre et heurté ! On s’abandonne à lui, on se sent doucement bercé dans un assoupissement de chanoine au chapitre.




Aïe ! J’ai parlé trop tôt : qu'est cela ? Une voix nasillarde, égrillarde et braillarde qui chante une cantilène de chat dans les gouttières !




Par pitié, bonnes gens de l’Aragon, allez-vous-en : voici cinquante maravédis. Adios, adios !


pays basque 1900 musiciens danseur
MUSICIENS ET DANSEUSE D'ARAGON
PAYS BASQUE D'ANTAN


Les misérables ! ils m'appellent caballero, et la femme qui joue du tambour de basque chante à son tour le second couplet. C'est le grincement du chandelier sur le marbre !




Assez, assez ! de grâce : trois cents maravédis pour ne plus vous entendre.




Enfin ! ils sont partis. Dans le lointain, j'entends encore la guitare qui fredonne et la voix qui racle, contrairement aux usages en pareil cas.




Vous croyez peut-être que tous les Basques ont un tambour de basque, comme les Espagnols ont tous des castagnettes. Eh bien, la similitude est en effet la même, et je vais faire tomber une de vos illusions : les Basques n’ont pas plus de tambours de basque que les Espagnols n’ont de castagnettes. Voilà pourtant comme on écrit l’histoire ! J’ai vu des tambours de basque à Rome, à Naples, à Madrid, à Séville, voire à Paris entre les mains de Mme Sarah Bernhardt ; j'en ai vu un peu partout, sauf dans le pays basque."



A suivre...





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