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jeudi 30 juillet 2020

LA PÊCHE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN 1946


LA PÊCHE EN LABOURD EN 1946.


Depuis les années 1930, des différends importants opposent les usiniers et les marins pêcheurs de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure.

pays basque autrefois pêche port
PORT DE ST JEAN DE LUZ 1946
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Regards, dans son édition du 7 juin 1946, sous la 

plume de Jacques Méry :



"A Saint-Jean-de-Luz.



Le trust de la sardine sabote la production.




"Ce n'est pas Christophe Colomb qui a découvert l'Amérique mais un marin de Saint-Jean-de-Luz", m'affirme ce vieil ami. Il en est sûr : "Aucune race de marins ne peut défier celle des Basques."




Pourtant, ici le passé se retrouve. Ces ruelles de Ciboure qui sentent l'aventure, ces maisons pittoresques que l'eau reflète, évoquent Saint-Jean-de-Luz, port des grands départs pour l'inconnu, cité des chasseurs de baleines, des corsaires.



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MARIN A ST JEAN DE LUZ EN 1946
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je viens de faire la connaissance d'un vieux marin, il ne peut plus naviguer. Pour m'expliquer ses maux de tête, ses troubles de la vue, il dit : "J'ai la pieuvre dans le crâne, elle passe sa patte au-dessus de l'oeil. " Pour le vertige : "J'ai le tourbillon."


— Que faites-vous maintenant ?

— Je regarde la mer.



Il serait sûrement naïf de croire que ce n'est pas la situation géographique de Saint-Jean-de-Luz, mais la passion de la mer qui a perpétué dans ce port une communauté de marins. Mais cet amour de l'océan n'est certes pas une invention littéraire.




Ces pêcheurs ont les noms, la langue, les chants de leurs ancêtres les corsaires.




Quel roman à écrire ! Et quelle couleur pour un roman. La mer, la montagne, les vieilles pierres.


pays basque autrefois litteraturre
LE PAYS BASQUE FRANCAIS DE JEAN D'ELBEE 1946
PAYS BASQUE D'ANTAN

Un autre drame doit être conté. Le voici.




Bataille de la mer : bataille pour la vie. Usiniers contre marins, classe contre classe. Saint-Jean-de-Luz offre un exemple typique, symbolique, des contradictions et des faiblesses inhérentes au régime actuel du capitalisme.




Produire peu pour vendre cher. Tel est l'intérêt des usiniers qui préparent les conserves. Leur politique consiste donc à réduire aux désirs de leurs affaires le rendement du port. Pêcher les plus grandes quantités possibles c'est au contraire l'intérêt des marins. Leur syndicat lutte donc pour le maintien du principe des apports libres de poisson.




La politique des usiniers a des conséquences désastreuses.




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LE PORT DE ST JEAN DE LUZ EN 1940
PAYS BASQUE D'ANTAN

Ainsi, avant la guerre, les pêcheurs ont connu la misère parce que les usiniers refusaient de prendre en charge tout le poisson qui abondait au large.




Pour faire baisser les cours pratiqués à Saint-Jean-de-Luz, les usiniers importaient des conserves du Portugal.



Le 8 avril dernier, alors que la France est sous-alimentée, les usiniers tentaient d'interdire à chaque bateau de porter des pêches de sardines supérieures à un poids de 3 000 kilos lorsque cette sardine est de faible dimension. "Ce poisson ne se conserve pas !", s'excusent les usiniers et les gros mareyeurs.




En effet, des tonnes de sardines ont péri le mois dernier. Cette sardine était consommable traitée ou livrée immédiatement.




Mais les industriels de la conserve n'ont pas de moyens techniques permettant une exploitation convenable du port. Ils limitent les arrivages de poisson non pas aux besoins du pays mais aux possibilités d'absorption de leurs usines. Et ces possibilités sont limitées à des bénéfices suffisants. Pour conserver ces bénéfices, les usiniers sont dans l'obligation de préserver leur monopole, dans l'obligation de s'opposer à l'extension économique du port. (Ils ont pris d'ailleurs la précaution d'acheter les emplacements susceptibles de servir à l'installation de nouvelles industries.)



pays basque autrefois port
PORT ST JEAN DE LUZ 1946
PAYS BASQUE D'ANTAN



Huit usines à Saint-Jean-de-Luz. Possibilités de travail pour vingt !




Réalise-t-on la prospérité nouvelle, l'activité que représenterait pour le Sud-Ouest de la France l'ouverture de vingt usines à Saint-Jean-de-Luz ?




C'est très exactement ce que souhaitent les marins. Un ancien déporté, le secrétaire du syndicat des pêcheurs, nous a déclaré : "Autrefois, les usiniers régnaient en maîtres absolus dans le port. Ils sont désormais contraints de tenir compte de la force de notre syndicat ; grâce à l'action des syndiqués, à leur union, tous les marins jouissent à présent de conditions de vie bien meilleures."




La bourgeoisie de Saint-Jean-de-Luz a l'habitude d'accuser les marins de tous les défauts humains. Ils sont, dit-elle, bruyants, dépensiers ; ils se livrent à la contrebande. Il se peut. Les usiniers peuvent être aussi sympathiques. Mais il n'empêche que la cause de ces marins est juste ; leur intérêt de classe est celui de la France. L'intérêt privé des usiniers contrarie l'intérêt national. On le constate une fois de plus.




Les pêcheurs font leur métier. Encore faudrait-il que les services du ravitaillement s'acquittent de leur tâche.




Cinq millions de boîtes de sardines s'entassent depuis des mois dans les usines de Saint-Jean-de-Luz. Cinq millions de conserves périssables, tandis que dans la ville même ont été distribuées des sardines portugaises. Et ces sardines, préparées à l'huile, n'étaient pas périssables. Cinq millions de conserves françaises inutilisées, tandis que les Parisiens ont reçu des conserves norvégiennes.




M. Longchambon ignorait la présence de ce stock à Saint-Jean-de-Luz. Prévenu par les dirigeants du syndicat, il a fait ordonner une première distribution. Combien de boîtes parmi les cinq millions sont déjà impropres à la consommation ?



ministre france 1946
HENRI LONGCHAMBON MINISTRE DU RAVITAILLEMENT 1946

Vingt et une heures. La nuit tombe. Les montagnes sont entrées dans l'ombre. L'un après l'autre les bateaux reviennent au port. Sur les quais, les camions attendent leur chargement de poisson. Les femmes attendent aussi leur mari ; la mer est bouleversée. Un bateau accoste, l'équipage est heureux.



Il reprendra le large cette nuit même."








Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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