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mercredi 20 mai 2020

LE DIFFÉREND ENTRE PÊCHEURS ET USINIERS À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN AOÛT 1929 (première partie)


LE DIFFÉREND ENTRE PÊCHEURS ET USINIERS À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1929.


Dans les années 1930, l'industrie de la conserve de poissons traverse une grave crise en France, et en particulier au Pays Basque.


SOUVENIR DE ST JEAN DE LUZ 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta la Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays Basque, dans son édition du 

24 août 1929, sous la plume d'A. Lagrolet :




Le différend entre pêcheurs et usiniers de St-Jean-de-Luz.




Chacun reste sur ses positions - La thèse des usiniers.




Le différend qui séparait usiniers et marins pêcheurs se prolonge et n’est pas près de se dissiper. 




Des bruits divers ont circulé dans le public au sujet de ce conflit. En réalité ce n’est qu’une opposition d’intérêts résultant de circonstances économiques fâcheuses. 




D’une part, nous trouvons un acheteur : l’usinier, d’autre part nous trouvons un vendeur : le marin pêcheur. 




L'usinier est industriel et commerçant ; il achète pour revendre, et revendre avec bénéfice : c’est son but, et c’est ce qu’il a promis à ses actionnaires. 




Le marin, lui, donne son temps et sa peine à la pêche du poisson, qu’il vend aux usiniers et qu’il vend pour vivre et faire vivre les siens. 




En temps normal, les intérêts des usiniers et des marins sont tellement liés que les conflits entre eux sont toujours assurés de recevoir une solution. 




Actuellement la situation est anormale en ce sens que le coût de la vie augmente, ce qui amène les marins à demander une augmentation du prix de leur pêche. Par contre la vente des produits de l’usine subit du fait des circonstances une baisse de prix telle que les usiniers sont amenés à diminuer le barème des prix qu’ils attribuent à la pêche. Donc d’une part, le marin réclame une hausse de prix, d’autre part, l'usinier répond : "Non seulement je ne peux pas augmenter les prix, mais je dois même les baisser parce que sans cela mon exploitation serait déficitaire et amènerait la fermeture des usines."




 Voilà, présentée dans toute sa rigueur et sa sécheresse le motif du conflit actuel. 




Il n’est pas dans notre pensée d’entrer dans les détails du différend, qui n’est pas affaire de sentiment, mais qui se résume en une question de chiffres. 




Le chiffre est brutal : il se discute entre hommes, crayon à la main. Tout autre mode de discussion ne répond à aucune réalité. 




Nous nous bornerons donc pour le moment à donner quelques arguments et quelques chiffres des usiniers. Nos colonnes sont ouvertes aux marins pour les arguments ou les chiffres qu’ils croiront devoir opposer à ceux des usiniers. 




Situation générale locale : Depuis le mois d’avril, sur neuf usines qui travaillaient à Saint-Jean-de-Luz, cinq ont fermé leurs portes, estimant que leur exploitation serait improductive ou déficitaire. 




Quatre usines seules ont continué la fabrication et au prix d’un effort considérable ont continué à enlever le poisson. 




Résultat : 70 000 caisses de sardines en stock invendu, alors que le poisson étant très abondant en Bretagne une baisse considérable était à prévoir. Elle s’est produite en effet, et représente 20 p. 100 d’écart entre 1928 et 1929. 




Sa répercussion sur la conserve est telle que la caisse de 100 boîtes de quart 22 m/m, qui se vendait en juillet 1928 230 francs environ, se vend couramment aujourd'hui 180 francs. La même proportion de baisse s’accuse dans tous les autres formats. 




C'est pourquoi les quatre usines qui avaient consenti à maintenir les anciens prix jusqu'à fin juillet, firent savoir qu’après cette date elles demandaient une baisse de 25 francs par 100 kilos. Ce nouveau prix représentait à peu près le prix pratiqué en Vendée, alors cependant que le Congrès des Syndicats à Nantes a reconnu qu'il y avait lieu d’établir une différence de 50 francs entre les prix de la Vendée et ceux de Saint-Jean-de-Luz.




Le 23 juillet les marins firent savoir qu’ils ne pouvaient pas accepter les nouveaux prix et demandaient le maintien des prix de 1928 jusqu’à la fin octobre. Les usiniers répondent qu’ils ne peuvent accéder à cette demande qui équivaudrait pour eux à un véritable suicide.




Voilà où en est la question sardine. 




Sur cette question vient se greffer celle du thon. 




Les pêcheurs, au cours de la réunion du 23 juillet, demandèrent qu’on leur garantisse le prix minimum de 6 francs. A ce moment-là le thon se payait, à Douarnenez, 3 fr. 80 à 4 fr. 35, et le thon d’Espagne revenait à Saint-Jean-de-Luz 5 fr. à 5 fr. 25, droits et transports compris. A ce même moment aussi le prix de vente du thon à l’huile avait baissé de 3 fr. par kilo, soit 13 fr. 50 le kilo, contre 16 fr. 50 antérieurement. 




Dans ces conditions les usiniers ont déclaré ne pouvoir garantir le prix de 6 francs demandé, mais être disposés à prendre le thon à l’enchère comme par le passé. Et voilà où en est la question du thon. 




Comme on le voit le conflit est des plus épineux. D’une part les marins demandent, ce qui est leur droit, une augmentation de prix du poisson. 




D’autre part les usiniers répondent, ce qui est leur droit, que la baisse des prix de vente des produits fabriqués, loin de leur permettre une augmentation du prix d’achat, les oblige au contraire à demander une baisse sur l’ancien contrat de la sardine et la continuation de l’enchère pour le thon. 




Les positions prises de part et d’autre sont donc nettement déterminées. 




Nous n’avons pas ici à intervenir dans ce débat. Usiniers et marins, principaux intéressés dans la question, sont seuls maîtres de la solution à donner. 




Nous avons exposé la thèse des usiniers sans la commenter, et sans rien y ajouter de notre cru. 




Nous exposerons de même, s’ils le désirent, la thèse des marins pêcheurs, non dans le but de donner notre avis, mais pour édifier nos lecteurs sur une question qui intéresse au premier chef l’avenir de notre vie commerciale. 




Dans ce grave débat, les récits fantaisistes ne sont pas de mise. Pour l’intelligence des faits, nous avons réduit notre exposé au minimum, en le dégageant de tous faits accessoires, et ne gardant que l’essentiel. 




La continuation de ce conflit est aussi préjudiciable aux intérêts des usiniers que des marins ; par contre-coup, elle touche aux intérêts de notre ville. Il est donc souhaitable pour tous qu’un terrain d’entente soit trouvé. Nous savons que les usiniers déplorent une situation qu’ils n’ont pas créée et qui est le fait des circonstances. Depuis le début de la grève les marins ont fait preuve d'un calme qui est tout à leur honneur et qui est l’indice du sérieux avec lequel ils envisagent la situation. 




Entre braves gens, si une entente est possible, elle finit toujours par se produire. Nous souhaitons ici de tout cœur qu’elle soit possible."



A suivre...







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