IMPRESSIONS SUR LE PAYS BASQUE EN 1919.
En juillet 1919, on redécouvre, dans la presse, le Pays Basque.
LA REVUE MONDIALE OCTOBRE 1919 |
Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue Mondiale, dans son édition du 1 juillet 1919 :
"Impressions sur le Pays Basque.
Le Pays Basque et sa langue. — L'Emigration Basque. — La Maison Basque. — Un type de Commune Basque : Saint-Jean-le-Vieux. — Coutumes successorales. — Religion. — Superstitions, amusements. — Littérature, Musique. — Eaux minérales.
Le Pays Basque. On se rappelle notre grand fabuliste La Fontaine — mon compatriote de l’Aisne, du reste — posant à un moment donné, à tous venants, cette question : "Avez-vous lu Baruch ?" La Fontaine venait de découvrir le grand prophète juif ! — et je puis l’imiter quelque peu en parlant du pays basque où je viens de passer plusieurs mois.
Les Basques sont en somme, très peu connus des Français, ils ont gardé leur langue bien spéciale et bien difficile à apprendre, leurs mœurs et leurs coutumes anciennes, malgré un certain effritement dû à la pénétration par voie ferrée. A part St-Jean-de-Luz, si bien décrit dans le roman Seule, de Mlle Trouessart, et surtout Biarritz, très mondains, très parisianisés ou plutôt très cosmopolites, les communications en pays basque par chemin de fer sont encore bien longues et compliquées ; un exemple, entre autres, on peut aller en automobile de Saint-Jean-Pied-de-Port à Mauléon en ne faisant, aller et retour, que 80 kilomètres, alors qu’il y en a plus de trois cents par voie ferrée.
Quant à la langue, l'escuara, qui a sa grammaire, ses journaux, elle est extrêmement complexe, et le basque en a très conscience et en est très fier ; il a même trois dialectes avec ses provinces de la Soule, du Labourd, de la Basse-Navarre. Resté très fidèle au catholicisme, à côté du Béarn très calviniste sous Jeanne de Navarre et Henri IV, il l’explique par la difficulté de son langage : le diable vint sept ans au pays basque et n’en put apprendre le dialecte, aussi ne put-il le convertir à ses erreurs ! — Beaucoup de Basques ignorent le français, de ce versant des Pyrénées, comme les Basques espagnols sur l’autre versant ignorent le castillan. — Le Japonais paraît-il, aurait seul, des apparences de parenté, avec le basque.
L’étude du pays basque est relativement récente. Le grand savant A. de Quatrefages, a publié en 1850 seulement, sous le titre de Souvenirs d'un Naturaliste, une série d’articles dans la Revue des Deux-Mondes, M. Francisque Miche, correspondant de l'Institut, en 1857, donnait son livre "Le Pays Basque, sa population, sa langue, ses moeurs, sa littérature et sa musique", et ce titre montre clairement l'importance du paysan sa bibliographie est alors déjà considérable, française, allemande : nombreux sont les livres en toutes langues, sur ce petit peuple aujourd'hui réduit à 100 000 habitants pour les trois provinces françaises, petite nation dans la grande, et à un million pour les quatre provinces basques espagnoles qui ont aussi leurs dialectes, leurs coutumes ; mais nous ne parlerons ici que de la France basque. Mais des deux côtés des Pyrénées, on n'est jamais arrivé à élucider réellement le problème des origines. Le vicomte de Belsunce l'a tenté dans son "Histoire des Basques depuis leur établissement dans les Pyrénées occidentales jusqu'à nos jours" (3 vol. Bayonne, 1847), "mais M. Fr. Michel se récuse, citant cette phrase d'Hafiz : "Ne t'occupe pas des secrets des choses du temps ; car nul, quelque intelligent qu'il puisse être, n'a découvert et ne découvrira jamais ces obscurités".
"Des crêtes occidentales des Pyrénées françaises, dit M. Fauriel, cité par M. Fr. Michel, partent quatre grandes vallées, ayant chacune sa rivière, qui en sillonne le fond, dans une direction perpendiculaire à celle de la grande chaîne dont elles descendent. La plus occidentale et la moindre de ces rivières est le Nivelet, ou la petite Nive, qui a son embouchure à Saint-Jean-de-Luz, dans le golfe de Gascogne, la seconde et la la troisième sont la Nive et la Bidoussa, qui se jettent toutes deux dans l'Adour, l'une à Bayonne, l'autre un peu au-dessous de Guiche. Enfin, la quatrième et la plus orientale de ces rivières est le Cesson qui se per, près de Sauveterre, dans le Gave d'Oloron.
Dans l'ancienne géographie de la France, ces quatre vallées étaient assez irrégulièrement partagées en trois cantons ou petites provinces, dont la plus occidentale se nommait Labourd, la plus orientale Soule, et celle du centre basse Navarre. Prises collectivement, ces trois provinces se nommaient le Pays Basque, étant habitées, comme elles le sont encore en très grande partie, par les Basques, population totalement distincte par la langue et par les moeurs des Gascons, ses voisins français, tandis qu'elle reconnaît pour frères ses voisins espagnols, les habitants de la Biscaye, du Guipuzcoa et de la Haute Navarre."
II — L’Emigration Basque.
M. Francisque Michel accuse 120 000 Basques français en 1857, dont 60 000 au Labourd, 30 000 en Soule et 45 000 en Basse-Navarre. Ces nombres se sont réduits depuis cette époque par l’émigration, mais non dans la proportion de celle-ci, en raison de la polynatalité basque et de la conservation relative du droit d’aînesse.
"L'Emigration basque, histoire, économie, psychologie", a été étudiée en 1910, par Pierre Lhande, en un livre préfacé par Carlos Pellegrini, ancien Président de la République Argentine ; c’est en effet dans cette République qu’émigrent la grande majorité des Basques ; c’est là qu’ils font souvent, de grosses fortunes, s’adaptant merveilleusement à leur nouveau milieu, où ils s’associent, s’entraident, ont de l'initiative, progressent, alors qu’à les voir chez eux, ils apparaissent comme les gens les plus routiniers et les plus traditionalistes qui soient. Chaque famille tient en quelque sorte à honneur d’avoir parmi ses enfants son prêtre et son Américain. — Certains d’entre eux reviennent au pays basque, avec leur fortune, et y vivent en continuant de thésauriser ; on les appelle les Américains ; ce sont, on le voit, des Américains d’occasion et qui ne le furent que le temps nécessaire à édifier la fortune désirée.
L'EMIGRATION BASQUE DE PIERRE LHANDE |
Les causes d’émigration tiennent aux traditions, au régime successoral et aussi à des causes accidentelles : disparition de la contrebande, cherté du grain en 1847, destruction de la vigne par l’oïdium en 1856...
Voici quelques chiffres de cette émigration basque, que favorisèrent l’appât de la fortune, des racoleurs, d’après le mémoire de M. Louis Etcheverry, le regretté député de Mauléon, présenté au Congrès de l’Association française pour l’avancement des Sciences de Pau, en 1892 :
1832-1835 (4 ans) 828 émigrants — 208 en moy. annuelle
1836-1845 (10 ans)....10 162 émigrants — 1 016 en moy. annuelle
1846-1855 (10 ans)....16 111 émigrants — 1 614 en moy. annuelle
1856-1864 (9 ans) 12 833 émigrants — 1 425 en moy. annuelle
1865-1874 (10 ans) 17 750 émigrants — 1 775 en moy. annuelle
1875-1883 (9 ans) 5 167 émigrants — 573 en moy. annuelle
1884-1891 (8 ans) 16 421 émigrants — 2 052 en moy. annuelle
Total en 60 ans.... 79 262 émigrants — 1 321 en moy. annuelle
LOUIS FELIX JEAN-BAPTISTE ETCHEVERRY DEPUTE MAULEON 1892 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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