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vendredi 8 février 2019

LA LANGUE BASQUE EN MARS 1873 (première partie)


LA LANGUE BASQUE EN 1873.


Au cours des siècles, de nombreux savants et linguistes ont étudié la langue Basque.


langue basque autrefois
DICTIONNAIRE BASQUE FRANCAIS VAN EYS 1873


Voici ce que rapporta le journal La République Française, dans son édition du 28 mars 1873 :


"Revue des Sciences Historiques.


La langue Basque.



Au pied des Pyrénées, tout au fond du golfe de Gascogne, le voyageur se trouve en présence de populations étranges ; elles ont les mêmes coutumes, les mêmes habitudes que leurs voisins gascons ou castillans ; mais elles parlent un idiome absolument différent. C'est dans son langage, en effet, qu’est la haute originalité du pays basque, qui n’a pas une existence politique, et dont les limites, d’ailleurs, sont très difficiles à établir. 




Il existe une zone où les deux langues, basque et français ou espagnol, sont d’un emploi presque aussi courant l'une que l'autre. Ou peut toutefois indiquer très approximativement de la façon suivante les frontières de la région que n’ont pu envahir les dérivés du latin. Tracez, sur la première carte venue, une ligne qui, partie de l’Océan au dessous de Biarritz (qui est gascon), rejoint l’Adour au bas de Saint-Pierre d'Irube, et, contournant extérieurement Bayonne, suit ce fleuve jusqu'au delà d’Urcuit, passe à Bardos, Saint-Palais, Esquiale, le pic d'Anie, Roncal, revient vers Pampelune qu’elle laisse en dehors ainsi que toute la vallée de l’Ebre, suit les montagnes jusque vers Vitoria et de là revient droit à la mer qu’elle atteint un peu à l’ouest de Portugalete. Cette ligne comprendra un peu plus du tiers occidental du département des Basses Pyrénées et, en Espagne, tout ou partie des provinces de Navarre, Guipuzcoa, Alava et Biscaye.




Telle est la région où se parle le basque. Il n’y a pas de preuve historique qu’elle ait été plus étendue ; en France, en tout cas, on ne peut démontrer que le basque ait jadis été en usage dans aucun des villages où le gascon est exclusivement usité de nos jours. En Espagne, il paraît certain cependant que le domaine du basque s’est rétréci depuis quelques siècles, et que notamment la ville de Pampelune, aujourd’hui exclusivement espagnole, s’y trouvait comprise. On constate aussi de nos jours une altération, une corruption très sensible du basque dans les endroits un peu importants, où l’activité de la vie moderne se fait plus vivement sentir, où le contact avec les étrangers est plus fréquent, par exemple à Saint-Jean-de-Luz et à Saint Sébastien



On ne saurait évaluer aujourd’hui à plus de 450 000 hommes le nombre de ceux qui conservent encore ce curieux idiome. 




Le voyageur parisien, qui a coutume de traiter avec le plus souverain mépris les langues étrangères, est généralement, au premier abord, très choqué d’entendre parler le basque. Il ne manque pas de trouver ce langage fort laid et très désagréable. Mais, dès qu’il a surmonté cette première répugnance que rien ne justifie, car il l’éprouve instinctivement pour toutes les les langues qu’il entend parler pour la première fois, force lui est de convenir que les sons du basque n’ont lien de désagréable, rien de pénible à l’oreille; que, par exemple dans la bouche des femmes, l'espagnol peut devenir bien autrement dur ; enfin, qu’en général il lui est assez facile de répéter, d’une manière suffisante pour être compris, la plupart des mots et des phrases que son hôte s’empresse de lui apprendre. 




La prononciation de l’allemand et sur tout de l’anglais offrent de tout autres difficultés. Il y a longtemps que ce fait a été mis en évidence, et le grand Scaliger, il y a plus de trois siècles, le reconnaissait en ces termes : "Ce dialecte n’a rien de barbare, de sifflant ou d’aspiré. Illa dialectus nihil barbari, aut stridoris, aut anhelitus habet." 



litterature autrefois
JOSEPH SCALIGER


Pour donner une idée de la nature de cette langue remarquable, nous allons essayer d’esquisser d’une façon très générale les principaux faits de sa grammaire, ce qui nous permettra de chercher quelle place il convient d’assigner au basque dans la série générale des langues. Nous verrons ensuite si l’on a quelques données certaines ou si l’on peut former quelques hypothèses probables sur son origine et son histoire. Nous terminerons, enfin, en nous demandant quelles sont et quelles doivent être ses chances d’avenir au point de vue de l’intérêt social et humanitaire. 




Disons tout d’abord que le nom original et propre de cette langue est le mot escuara, dont la signification précise n’est point encore fixée ; l’hypothèse la plus probable toutefois est celle qui traduit escuara par "manière de parler" c’est-à-dire "langage". Cette explication est d’autant plus admissible que beaucoup de peuples, comme on sait, se sont donné des noms dont le sens originel est analogue à celui-là, les Slaves par exemple. Le vieil Homère n’a-t-il pas distingué les hommes par l’épithète de "doués de la parole"? — Une autre forme d’escuara est euscara, d’où l'on a fait l’adjectif français euscarien qui est employé comme synonyme de basque. 


pais vasco antes
JEUNE BASQUE DANS LES BASQUES DE JULES VINSON
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les linguistes modernes ont simplifié l’étude de la grammaire par une classification rigoureuse des éléments du langage ; il suffit aujourd’hui, pour connaître suffisamment le caractère d’un idiome, d’avoir déterminé, d’une part, les sons qu’il emploie, et, de l’autre, la manière dont il décline, conjugue et combine les diverses espèces de mots. 





Les sons qui constituent l'alphabet basque ne sont pas plus difficiles à bien prononcer que ceux des alphabets français, espagnol ou allemand. 




Quant à la déclinaison, il est on ne peut plus aisé de s’en rendre compte, car elle ressemble absolument à la déclinaison de notre langue. Elle est composée, comme la nôtre, d’une préposition et d'un nom ou d’une préposition, d’un article et d’un nom ; seulement l’ordre est inverse : au lieu de prépositions, le basque emploie des post-positions, c'est-à-dire que là où nous disons, nous : jusque chez moi, de femme, des (de les) hommes; il dira, lui : moi chez jusque, femme de, homme les de. Il est bon de rappeler que ce n’est point là un procédé bien rare, car, en Europe, le suédois, le danois et le roumain placent également l’article après le nom qu’il détermine. L’euscarien place de même l’adjectif, qui est toujours invariable comme en anglais, après le nom qu’il qualifie ; ainsi "la belle maison du petit homme" s’exprimera par "homme petit le de maison belle la". Remarquons que l’adjectif s’intercale, comme chez nous, du reste, entre l’article et le nom déterminé, mais que le génitif précède le nom dont il dépend. 



navarra antes
MONASTERE IRACHE NAVARRE DANS LES BASQUES DE  JULES VINSON
PAYS BASQUE D'ANTAN




Une particularité du basque qui étonne quelquefois, c’est qu’il possède un grand nombre de mots, souvent réduits à une syllabe ou une lettre, qui s’ajoutent à d’autres pour marquer l’augmentation, la diminution, l’abondance, la mauvaise qualité, l’excès, le défaut, l’attachement, la répugnance, etc., etc. Mais qu’y a t-il là, sinon une extension du pouvoir qu’ont beaucoup de nos langues modernes de former des diminutifs ou des augmentatifs ? On dit en France "le pauvret", en Italie la fanciullina "la fillette", en Espagne una mujerona "une femmasse". 





Le basque contemporain emploie comme nous la seconde personne du pluriel pour exprimer poliment le singulier. Il a trois pronoms démonstratifs, l’éloigné (celui-là), le prochain (celui-ci) et l’intermédiaire. D'autres langues ont aussi ces trois pronoms. 


pais vasco antes
GURE ALMANAKA 1937
PAYS BASQUE D'ANTAN


Nous venons de voir que le basque a un singulier et un pluriel ; il n’a pas de duel. Ajoutons qu’il ne connaît pas la distinction des genres ; telle est la raison pour laquelle un basque parlant français dira fréquemment : "ce femme, il est beau; cette garçon, il est méchante." 




Mais c’est le verbe basque qui a le plus surpris les étrangers. Les demi savants qui n’ont point idée qu’il puisse exister d'autres types de conjugaison que les paradigmes de Lhomond ou Burnouf ; les esprits superficiels qu’un travail scientifique, analytique, effraie, ont crié à l'impossibilité, à la merveille. Rien de moins original, nous voulons dire rien de moins spécial pourtant que le système du verbe basque et rien de plus aisé que de concevoir la formation de ce vaste échafaudage et de s’en faire une idée : un tableau et quelques accolades suffisent pour donner la clef de cette gigantesque dérivation. 




Eu son état actuel, le verbe basque est formé d'un nom décliné et de deux auxiliaires, avoir et être. "Je viens" se dit "je suis en action de venir" et "vous mangerez" se rend par "vous aurez à manger". Cette combinaison a un avantage : en combinant avec le même nom verbal les deux auxiliaires, on obtient deux manières différentes d'exprimer une même action; cette action en effet peut être faite ou soufferte : c’est ce qu'on nomme des voix; "je suis dans cette chose qu’on appelle éclairer", c’est-à-dire "j’éclaire, je suis lumineux", verbe neutre, voix moyenne et intransitive; "j’ai tel objet dans cette chose, qu’on appelle éclairer", c’est-à dire "j’éclaire, je donne de la lumière", verbe actif, voix active ou transitive. 


pays basque autrefois
LE PAYS BASQUE DE PIERRE HARISPE 1929
PAYS BASQUE D'ANTAN




Rien ne s’oppose, d’ailleurs, à ce que le nom verbal soit accompagné de toutes sortes de prépositions (post positions) ou de syllabes diminutives ou autres : on exprimera ainsi diverses nuances de l’action, voilà tout; de même que la combinaison de la même forme d'un auxiliaire avec diverses variations du nom verbal ou de la même variation du nom verbal avec diverses formes de l’auxiliaire exprimera des nuances diverses de temps : "J’ai aimé, j'ai à aimer, j’aurais à aimer, j’étais en action d’aimer," etc., etc. 





La difficulté se réduit donc à l’analyse des deux auxiliaires. Dans le dialecte où le verbe est le plus riche, un grammairien a compté trois temps (présent, imparfait, futur) et sept modes (indicatif, impératif, subjonctif, suppositif, votif ou optatif, conditionnel, potentiel). Le verbe a trois personnes et deux nombres. Il faudrait peut-être compter à part la seconde personne respectueuse, plurielle par la forme, singulière par le sens (comme, en français, "vous aimez" dit à une seule personne). 




Chaque expression verbale active a dix-huit formes, si elle appartient à la première personne, et seulement douze, si elle appartient aux deux autres ; le verbe transitif basque a toujours en lui l’expression du régime direct et il peut exprimer aussi un régime indirect, mais les deux premières personnes ne peuvent être à elles-mêmes leur régime ; ainsi on dit, en basque, en un seul mot : "il l’a, il l'a à lui, il les a à moi", etc., mais on ne peut pas dire : "il a à lui, il a, il t'a à lui" ; le système n’est donc pas complètement développé. La verbe intransitif n’a que sept formes (il est, il est à moi, etc.) parce qu’il ne peut joindre au verbe que l'idée d’un régime indirect. 


navarra antes
LE COUVENT DE RONCEVAUX DANS LES BASQUES DE JULES VINSON
PAYS BASQUE D'ANTAN


Chacune de ces formes est susceptible de quatre modifications différentes, suivant qu’on parle familièrement à un homme ou à une femme, qu’on s’adresse à une personne que l'on veut honorer ou qu'on ne veuille pas tenir compte de ces circonstances. Chaque forme ou modification du verbe peut encore recevoir un certain nombre de terminaisons qui correspondent exactement aux conjonctions ou aux prépositions de nos langues modernes; seulement, au lieu de se placer avant le verbe, elles le suivent."



Dans un article ultérieur, je vous publierai la suite de cet article...




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