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lundi 25 février 2019

LES BERTSOLARIS OU IMPROVISATEURS AU PAYS BASQUE EN 1942 (première partie)


LES BERTSULARIS AU PAYS BASQUE.


Le Bertsolari (ou "versificateur" en Basque) est un chanteur de vers rimés et strophés en langue Basque appelé bertso, improvisés et chantés en public, lors de joutes oratoires.

pays basque autrefois
L'IMPROVISATEUR DE ROBY
MUSEE BASQUE BAYONNE


Je vous ai déjà parlé dans un article précédent d'un bertsulari célèbre : Etxahun Hiruri.

Voici ce que raconta, au sujet des bertsularis , J. Ithurriague, dans le Bulletin du Musée basque 

N° 21-22 de 1942-1943 :


"...Chaque village du Pays Basque a son Bertsolari ; parfois même le don divin s'est transmis dans une famille de père à fils ; de fut le cas pour la famille Otaño de Zizurkil en Guipuzcoa ; c'est encore le cas pour Simon Erramuzpe de Banca, poète comme son père.


pais vasco antes
BERTSOLARI OTAÑO
PAYS BASQUE D'ANTAN


Bref, l'improvisation poétique en Pays Basque constitue un phénomène littéraire d'une particulière importance ; par sa nature et par ses caractères elle manifeste mieux que toute autre forme de l'art, l'âme même du peuple euskarien. Il n'en peut être autrement : la civilisation, le progrès, la réflexion prolongée, le souci du style, autant de facteurs qui modifient la nature d'une oeuvre et jusqu'à un certain point lui enlèvent sa sincérité ; au lieu que l'improvisation fait jaillir de l'âme comme sans effort, ou du moins sans préméditation, les accents intimes de ses émotions. Si l'on veut connaître un peuple, il faut rechercher tout ce qui s'exprime de lui dans une forme spontanée.



Les improvisateurs sortent presque tous des couches populaires ; ils en incarnent les tendances, les sentiments ; c'est pourquoi, soit dit en passant, ils ont une si grande influence aux yeux du public. Le bertsolarisme, du reste, ne saurait se comprendre en dehors du milieu physique et moral où il s'élabore et se produit ; il est un tout complexe, formé par le poète et ceux qui l'écoutent ; ceci va avec cela sans que l'on puisse distinguer et séparer.



...Trois éléments retiennent dès l'abord l'attention lorsqu'on traite de l'improvisation. Ce sont : le rythme du mouvement, le déroulement des images, l'absence de préparation.



bertsolari guipuzcoa antes
BERTSOLARIS A MONDRAGON GUIPUSCOA 1896
PAYS BASQUE D'ANTAN


...La versification chez tous les peuples est une sorte de nécessité, la première forme de l'art littéraire ; elle fut créée par la mélodie et le rythme du chant dont la poésie primitive ne se séparait pas.



Pratiquement, on ne peut concevoir la poésie populaire basque non chantée, ni à son origine, ni dans sa vie même. L'improvisateur conçoit son oeuvre en chantant ; il ne pourrait pas utiliser les éléments de son inspiration s'il ne s'aidait du chant qui conduit naturellement le rythme du vers ; celui-ci se construit de lui-même et la mélodie de l'enveloppe.



Le Bertsolari dès lors ne compte pas, n'a pas même l'idée de compter le nombre de syllabes de ses vers, ni les accents ; il se borne à suivre le cours de sa mélodie. Il ne respecte que les consonances de la strophe, ce qu'il appelle "les points" : il ne se préoccupe que de la rime. Ce ne sont pas les vers qui constituent sa nomenclature technique, mais les strophes. On parle aussi des versets de neuf points : il s'agit alors de strophes de neuf syllabes consonantes, les plus difficiles à réaliser de la poésie populaire...Xempelar et Bilinch furent des maîtres en ces sortes de vers. En général, les strophes que chante le Bertsolari sont de quatre consonances, certaines de cinq, d'autres de six.




pais vasco antes
BERTSOLARI XENPELAR
PAYS BASQUE D'ANTAN



PAIS VASCO ANTES
BERTSOLARI BILINTX
PAYS BASQUE D'ANTAN

Pour produire la consonance, le Bertsolari ne répète jamais le même mot à la fin du vers ; le mot, une fois prononcé, ne doit pas figurer de nouveau dans la strophe sous peine de sanction ; en outre, le public - aussi difficile qu'averti - exige que la consonance soit simple et précise ;  une voyelle n'y suffit pas, il y faut une syllabe pénultième.



Quant à la mélodie qui accompagne le rythme tout en l'imprégnant, elle ne comporte pas de grandes variétés ; l'improvisation se limite à un petit nombre de tonalités et ne s'en affranchit guère.



Il est en remarquer, en outre, au sujet du rythme auquel est soumise la pensée, que le Bertsolari a l'habitude de réserver pour la fin de la strophe l'idée ou l'intention qui motive l'oeuvre. Afin que cette intention, ainsi formulée, frappe plus vivement les auditeurs, elle est insérée dans un plan qui présente une certaine incohérence, un peu à la manière des proverbes et des charades ; l'intention jaillit brusquement, avec éclat, sans que les démarches précédentes l'aient annoncée explicitement. Lingueix, le poète improvisateur souletin,  use volontiers de ce procédé. Il débute généralement sur des vers qui se rapportent à quelques spectacles de la nature : des nuages se croisent dans le ciel bleu, les oiseaux chantent sur les branches d'arbres, le ruisseau murmure...Ce n'est qu'à la suite de cette manière d'invocation qu'il s'adresse à l'interlocuteur ou l'adversaire.



A ceux qui lui demandaient un jour pour quelles raisons il n'attaquait pas le sujet dès le début, Lingueix répondit en souriant qu'il voulait par ce moyen dissimuler sa timidité naturelle. Il n'avait pas, disait-il, l'audace d'un Xempelar pour se permettre de "mitrailler" - c'est son expression - l'adversaire tout le long d'un poème. Il "faisait ses armes" dans les premières strophes et n'"attaquait" qu'après avoir pris ses forces.



Le Bertsolari respecte toujours l'air sur lequel il chante ; le plus souvent il se sert d'airs connus de tous ; le public, de la sorte, suit avec plus d'intérêt et de passion le déroulement des strophes ; parfois même il accompagne avec ardeur la chanson du poète.



Le Bertsolari ne s'accompagne nullement des principes d'une métrique savante. N'oublions pas que les poètes euskariens, comme le dit Chaho, ne sont pas des académiciens ou des lauréats des Jeux Floraux ; ce sont des bardes illettrés pour la plupart, de vrais bardes...



Ne soyons donc pas surpris si les règles de la prosodie sont méconnues et souvent audacieusement violées.



Des finales sont élidées lorsque le mot est trop long ; les admirateurs de Maurice Chevalier ne tiendront pas rigueur du procédé à nos Bertsolaris, car ils sont habitués à ces élisions d'une hardiesse déconcertante !



chanson francaise
CHANTEUR MAURICE CHEVALIER


Les réductions de syllabes n'effraient pas non plus nos poètes et ces opérations rendent parfois le texte difficile à comprendre surtout lorsqu'elles sont faites avec la fantaisie la plus barbare : behaut (je dois), pour behar (dut) ! Et les syllabes que l'on supprime au début ou à la fin des mots : mazte (femme), pour emazte ! Et les verbes auxiliaires que l'on escamote ! Un participe qui remplace un infinitif ! Le Bertsolari est parfois fort prodigue de syllabes qui rendent un son agréable à l'oreille : hortarikan (de celà) pour hortarik ; il ne craint pas d'introduire des lettres ou des syllabes supplémentaires à l'intérieur d'un mot : harateko (pour là-bas), au lieu de harako. Souvent il reprend de vieilles formes : deduka (il tient), pour dauka.



Il use et parfois abuse de mots nouveaux qu'il invente. Et que dire des pléonasmes, des suffixes inutiles, de la multiplication des interjections ? On assiste même parfois à des combinaisons bizarres de procédés ; j'en citerai un exemple pour les Basques qui me liront :

Pasatu nintzanean (oi) Sempere (rere) n (Lors de mon passage à Saint-Pée). Trois syllabes accumulées dans un vers !



Il arrive que, malgré l'évidente bonne volonté de l'auteur, le texte ne se plie pas à ses modifications ; qu'à cela ne tienne, c'est l'air qui se substitue au mot et consent à s'adapter. Quand le texte est trop court, on met deux notes sur une syllabe, mais en respectant l'accentuation ; quand le texte est trop long, on ajoute des ritournelles, des notes d'ornementation et chacune reçoit sa syllabe.



En définitive, ce sont là des artifices variés pour obtenir une certaine harmonie dans le mouvement, pour réaliser un des éléments fondamentaux du vers chanté, le rythme. Pour les appliquer il faut assurément beaucoup d'habileté et d'entraînement."



A suivre...



(Source : WIKIPEDIA)


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1 commentaire:

  1. Egun on!
    1/ Etxahun Iruri fut un grand créateur de chansons et mélodies (surtout), et écrivain de 9 pastorales. Par contre il n'était pas "un grand bertsolari".
    2/ Je ne vois pas ce qu'il y de bizarre dans "Pasatu nintzanean Senperen".
    Izan untsa.

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