LES JEUX DE PAUME ET LES TRINQUETS EN 1929.
Les jeux de paume ont existé en France, depuis plusieurs siècles.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Bulletin du Musée Basque N° 12, en 1930, sous la plume
d'Albert de Luze :
"Les Jeux de Paume et les Trinquets.
Conférence donnée au Musée Basque le 28 Septembre 1929, avant la partie de démonstration qui mit aux prises le même jour, au vieux Trinquet Saint- André, M. E. Baerlein, champion amateur anglais et Pierre Etchebaster, champion du monde professionnel.
... Pour en revenir à nos monarques, Louis XIII joua très tôt à la paume. Héroard, médecin du jeune roi, qui a tenu un journal extrêmement précis de ses faits et gestes, nous apprend qu'en 1614— il avait treize ans — pendant le voyage qu'il fit dans l'Ouest de la France, il se rendait, dès son arrivée, dans le jeu de paume des villes qu'il traversait, souvent même le soir à 7 heures, et faisait sa partie. Nous savons ainsi, si nous ne le savions autrement, qu'il y avait des Jeux de paume à Orléans, Poitiers, Mirebeau, Angers, Nantes et Le Mans, en somme dans toutes les petites villes et même dans les bourgades.
![]() |
JEAN HEROARD MEDECIN DU ROI HENRI III |
Le jeu de paume fit aussi partie de l'éducation très complète, du Grande Roi qui, dit Saint-Simon, "excellait au mail et à la paume", mais je crains bien que, comme il l'a souvent prouvé, cet historien ne fut doublé d'un courtisan. Louis XIV, en effet, très vite abandonna le jeu de paume pour le billard et c'est à partir de son règne que ce jeu si populaire commença à décliner.
Louis XV y joua aussi très peu, le Régent chargé de son éducation préférant le volant et autres distractions plus "scandaleuses" comme dit la Reine de Navarre, et Louis XVI avait plus de goût pour la serrurerie et l'horlogerie. Le Comte d'Artois, le futur Charles X, était par contre un fervent adepte de la paume et fit construire un Jeu rue de Vendôme. C'est pour lui que fut édifié, vers 1788, le Jeu qui existe actuellement à Bordeaux.
Le jeu de paume fut probablement en France, au XVe et au XVIe siècle, le jeu le plus populaire qui ait jamais existé en aucun temps et en aucun pays. Cette affirmation peut paraître peut-être assez osée aujourd'hui, au siècle du Lawn-Tennis, mais elle résulte cependant de nombreux documents.
A la fin du XVIe siècle, il y avait, d'après François Grégori d'Ierni qui accompagnait à Paris le légat du pape, 250 Jeux à Paris "très beaux et très bien installés", pour une population de 300 000 habitants. Nous en avons trouvé 40 à Orléans. 47 en Poitou, 9 à Blois, 8 à Angers, 15 en Saintonge, 20 à Bordeaux, 9 à Dijon et au moins un dans toutes les petites villes de France. Il y en avait un dans tout village où il y avait une auberge, et beaucoup ont disparu sans laisser de traces. Si nous nous en tenons à la capitale seulement, nous trouvons un Jeu de paume par 1 200 habitants, ce qui correspondrait pour la population actuelle de Paris à 2 500 courts de tennis. Or, la Fédération française de lawn-tennis, dans son code très complet de 1929, ne signale dans toute la France y compris les colonies que 1 921 courts. Et si l'on veut tenir compte que ces grandes salles de 30 mètres sur 10 étaient dans l'intérieur des villes, qu'elles avaient des murs épais et étaient fort coûteuses (la construction du jeu de paume de Versailles n'a-t-elle pas coûté 53 000 livres !) il faut bien reconnaître que nos aïeux étaient encore plus sportifs que nous. Ils l'étaient tellement que les Anglais, auxquels on reproche souvent leur amour du sport, se moquaient alors de nous.
![]() |
JEU DE PAUME EPOQUE LOUIS XIII |
Dallington, maître d'école enrichi qui séjourne en France à cette époque, écrit en 1601, dans The Views of France : "les jeux de paume sont plus nombreux que les églises, les enfants naissent une raquette à la main ; il y a plus de joueurs de paume en France que d'ivrognes en Angleterre".
Le jeu était aussi très répandu dans d'autres pays et surtout en Angleterre où, sans être aussi populaire peut-être qu'en France, il était cependant très en faveur dans la noblesse. Henri VIII fit construire en 1 529, il y a exactement 400 ans, le fameux jeu de Hampton Court dans lequel on joue toujours, et qui seul est plus ancien que le vieux Trinquet Saint-André. Jacques Ier et Jacques II étaient très friands de la paume et lorsque ce dernier, chassé de son pays, accepta l'hospitalité de Louis XIV à Saint-Germain, il continua à y pratiquer son jeu favori dans la salle construite par François Ier.
![]() |
HAMPTON COURT PALACE |
Depuis, avec des vicissitudes diverses, le jeu est resté chez nos voisins, sous le nom de tennis, le jeu noble par excellence et il existe encore en Angleterre une trentaine de salles de paume, toujours très recherchées. Les amateurs y sont de première force.
Philip Heinekin, qui a fait une étude très approfondie des jeux allemands, nous apprend qu'au XVIe siècle il y avait des jeux dans 46 villes d'Allemagne. Le jeu de paume portait le nom de Ballhaus et la trop célèbre Ballplatz, ministère des affaires étrangères d'Autriche, ne s'appelle ainsi qu'en souvenir du Jeu de paume qu'elle a remplacé au milieu du XIXe siècle et non, comme presque tout le monde le croit, parce qu'il y avait là auparavant une salle de bal.
En Italie, où la raquette a été employée bien avant de l'être en France ou en Angleterre et qui a été importée de là dans ces deux pays, les Jeux de paume étaient nombreux pendant la Renaissance. Le premier livre sur le jeu de paume a été écrit en 1555 par un Italien, Scaino. C'est un livre de 300 pages, très complet, qui fait encore autorité aujourd'hui. II y est question aussi d'un autre jeu, le jeu de "pallone", qui se jouait également entre quatre murs mais avec une espèce de gant en bois, et qui semble avoir évincé le jeu de paume.
![]() |
JEU DE PAUME 16EME SIECLE |
Au-delà des mers, nous trouvons aussi des traces du jeu de paume, au Mexique par exemple, et dès le XIIIe siècle, sans que nous puissions savoir qui l'y a importé. Paul Morand dans son Hiver aux Caraïbes y fait une courte allusion, mais l'abbé Prévôt est bien plus loquace. Permettez-moi de vous lire une page assez suggestive de cet auteur, plus connu par l'histoire de Manon, en m'excusant d'employer un mot un peu trivial, mais qui est dans le texte.
"L'ancienne sobriété des Mexicains n'empêchait pas qu'ils ne fussent passionnés pour diverses sortes de jeux, et notamment le Tlatchli. La scène de cet exercice est une espèce de jeu de paume et l'instrument une pelote composée de la gomme d'un arbre qui croît dans les serres chaudes. On en fait distiller par incision une liqueur blanche et grasse qui se congèle presque aussitôt, et qui, étant pétrie, devient aussi noire que la poix. Cette pelote quoique dure et pesante volait aussi légèrement qu'un ballon qui n'est rempli que de vent. On ne marquait pas de chasse comme au jeu de paume. L'avantage consistait à faire toucher la pelote au mur qui servait de but et dont la partie contraire devait empêcher qu'elle n'approchât. Elle n'était poussée qu'avec les fesses et les hanches et pour la faire mieux rebondir les joueurs s'appliquaient sur les fesses un cuir bien tendu. Ils se présentaient mutuellement le derrière pour la renvoyer à mesure qu'elle s'élevait ou faisait des bonds. On faisait des parties réglées, pour lesquelles on disposait de part et d'autres de l'or, des tapis, des ouvrages de plume et les avantages étaient marqués par des raies.
Les Mexicains jouaient jusqu'à leur personne ; le lieu était une salle basse (rez-de-chaussée), haute, longue, étroite, mais plus large par le haut que par le bas et plus haute des deux côtés qu'aux deux bouts. Les murailles étaient fort minces et blanchies de chaux. On y mettait des deux côtés quelques grosses pierres assez semblables à des meules de moulin et percées au milieu, mais dont le trou n'avait que la grandeur nécessaire pour recevoir la pelote. Celui qui l'y mettait gagnait le jeu, par une victoire qui arrivait rarement. Un ancien usage le rendait maître des robes de tous les spectateurs. Le jeu en devenait plus animé, parce que ceux qui étaient couverts de quelques vêtements se mettaient à fuir pour les sauver et qu'ils étaient ordinairement poursuivis par le vainqueur.
Le souvenir d'un si grand succès se conservait jusqu'à ce qu'il fût effacé par un autre, et celui qui devait ce triomphe aux hasards plus qu'à son adresse était obligé de faire quelques offrandes à l'idole du tripot et de la pierre. II y avait toujours deux statues de la divinité du jeu sur les deux basses parties des murs. On choisissait pour les y placer quelque jour de marque et cette cérémonie était accompagnée de chants qui en faisaient une espèce de consécration. Aussi chaque jeu de paume était-il consacré comme un temple. On n'en bâtissait pas sans y appeler des prêtres qui le bénissaient avec diverses formules et qui jetaient chaque fois la pelote dans le jeu.
Le maître du terrain était toujours un seigneur qui ne jouait jamais sans avoir commencé par des cérémonies religieuses et des offrandes. Montézuma aimait beaucoup ce spectacle et se faisait honneur de le donner aux Espagnols qui n'y prenaient pas moins de plaisir qu'aux plus agréables jeux de leur nation." Cette petite histoire se trouve dans l'Histoire générale des voyages, de l'abbé Prévôt, au tome XLVIII.
C'est certainement là une manière originale de concevoir le jeu de paume et qui n'aurait de chance d'être adoptée ailleurs que par des manchots des deux bras. Je dois ajouter pour confirmer ce récit qu'au Musée de Mexico on peut voir une des pierres trouées servant de but et que j'en possède une photographie.
![]() |
JEU DE BALLE ULLAMALIZTLI MUSEE DE MEXICO |
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire