UN JEU ET UNE FÊTE BASQUE EN 1893.
De nombreux journalistes ont effectué des reportages et écrit des récits de voyage sur le Pays Basque Nord et Sud.
Voici ce que rapporta à ce sujet le quotidien Le Journal, le 15 septembre 1943, sous la plume de
Juliette Adam :
"Le Journal" il y a cinquante ans. 15 Septembre 1893. Un jeu et une fête Basques.
Par ce "temps nouveau" qui court à l'unification et à la banalité sous toutes ses formes, rien n'est fortifiant comme le contact d'une race qui a la passion de son caractère originel et de ses coutumes traditionnelles.
L'esprit cosmopolite me rappelle toujours ces coupages grossiers qui ne mettent au point les vins clairs et légers que par l'adjonction de gros vin noir et épais et qui uniformisent dans un goût insipide tout le relief des parfums de terroir et d'esprit du cru.
J'ai déjà conté dans Le Journal le séjour que je fis, l'an dernier, à pareille époque, à Hendaye ; mais il me semble que mes lecteurs auront plaisir à entendra le récit de choses que je n'ai point dites et dont j'ai gardé l'impression profonde. Les événements de Saint-Sébastien ont attiré la curiosité sur le pays basque et je n'aurai pas perdu mon temps si j'ai donné à ceux qui me lisent l'idée d'assister à une partie de jeu de paume basque et au pèlerinage de la Guadeloupe à Fontarabie.
Dans la première quinzaine de septembre, on peut, non seulement prendre ces deux plaisirs, mais y ajouter quelques excursions sur ces magnifiques frontières qui complètent superbement le voyage dans les Pyrénées et initient au voyage d'Espagne.
C'était donc en septembre, l'an dernier. Les plus célèbres joueurs de paume du pays basque, à vingt lieues à la ronde, devaient lutter en deux camps opposés à Hendaye.
La salle du jeu de paume est située assez loin de l'ancienne ville, qui s'étage au-dessus de la Bidassoa, faisant face à Fontarabie et plus près de la nouvelle ville qui semble se baigner dans la mer, les pieds posés sur une plage veloutée par la finesse du sable.
Douze champions luttent les uns contre les autres, partagés en deux camps. La balle est lancée contre le mur. Celui qui, dans chaque camp, veut la ramasser lorsqu'elle va rebondir, la demande, l'attrape au vol avec sa raquette et la relance à son tour contre le mur. S'il la manque, son camp perd un point. On joue en trente ou trente-cinq points.
D'un côté de la salle à l'autre on crie les paris qui s'élèvent à mesure que les coups dessinent les chances d'un camp. Ce sont des gestes, des exclamations, des applaudissements, des injures, des encouragements qui s'entrecroisent avec la sonorité de cette curieuse langue basque aussi incompréhensible aux Espagnols qu'aux Français.
Les lois-du jeu sont traditionnelles et, par là, scrupuleusement respectées. Cependant, il y a des juges des coups qui donnent leur avis avec une impartialité toujours applaudie.
La probité des Basques est telle que, de mémoire d'homme, dans ces paris fiévreusement jetés d'une place à l'autre, par dessus les joueurs, on ne peut citer un exemple de déloyauté d'un parieur au détriment d'un autre ; cependant, nul n'inscrit, ou ne contrôle ces paris. L'honneur basque est proverbial. Après la partie, nous voyons, en effet, l'or, l'argent, les billets s'échanger sans une seule contestation, et cependant avec quelle ardeur, avec quelle passion, avec quelle violence même les parieurs ont suivi la partie !
Le surlendemain de cette partie de jeu de paume dans le pays basque français, avait lieu la fête de Fontarabie, dans le pays basque espagnol, fête appelée : le pèlerinage de la Guadeloupe.
Il y a là dix ou douze corporations de pêcheurs, et la milice locale, dont tous les membres, en costume basque, figure rasée, pantalon blanc, béret rouge, cravate en foulard de couleur nouée lâche sur le veston ouvert, se suivent ou se groupent avec un art inconscient. Ils ont le fusil au bras ou sur l'épaule. Quinze ou vingt hommes forment chaque groupe avec un chef qui porte des galons sur le bras.
Il y a des cantinières, vêtues comme les nôtres, les unes portant le fusil, d'autres l'éventail, d'autres encore de petits barillets entourés de faveurs roses et bleues.
Les corporations s'arrêtent devant le porche de l'église pour une décharge de mousqueterie.
Mais voici une quinzaine de gens affublés, en guise de casque, de peaux de moutons à grosse laine qui leur montent très haut sur la tête et tombent très bas derrière, sur le dos. On a peine à voir leur visage caché aussi par une barbe en crin de cheval qui descend sur un grand tablier de cuir à bords déchiquetés. Ceux-là ont encore un fusil sur une épaule et, sur l'autre, une hache, ou, à défaut de hache, une serpette de jardinier, ou une scie de boucher.
LES HACHEROS FONTARRABIE GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Il y a, au milieu d'eux, une sorte de Chinois, ou d'Allobroge, qui porte un grand chaudron de fer blanc. Tout cela a un sens mystérieux pour les Basques, et et ils revêtent ces costumes grotesques avec une gravité convaincue.
Les cloches carillonnent, les prêtres ferment la marche et tout le cortège engouffré à l'église, n'en sortira que pour se précipiter à la course de taureaux.
PLAZA DE TOROS FONTARRABIE GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
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