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dimanche 26 septembre 2021

L'HISTOIRE DU PARLEMENT DE NAVARRE EN 1873 (première partie)

L'HISTOIRE DU PARLEMENT DE NAVARRE.


Le Parlement de Navarre est une ancienne cour de justice, fondée en 1620 par Louis XIII à la suite de l'annexion du Béarn et de la Basse-Navarre au royaume de France.


bearn autrefois justice
PARLEMENT DE NAVARRE PAU
BEARN D'ANTAN






Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, dans son édition du 5 juin 1873, sous la 

plume de G.-B. de la Grèze, Conseiller doyen à la Cour d'appel de Pau :



"Le Parlement de Navarre.



L’histoire de l'ancienne magistrature française a paru et paraît encore en ce moment, à d’excellents esprits, un sujet d’étude fécond en exemples et en enseignements. Le passé doit servir de leçon à l’avenir. On cherche aujourd'hui hui la vérité et, en rendant hommage aux actes de courage civil, aux vertus austères des magistrats d’autrefois, on ne craint pas de dire leurs faiblesses et leurs défaillances. Il faut que la lumière partout se fasse pour mieux éclairer la marche du progrès.



J’ai trouvé un charme infini dans les recherches d'archéologie juridique, lorsque j’essayais de pénétrer les obscurités des antiquités judiciaires et les origines des Tribunaux du moyen âge dans les Pyrénées. Aujourd'hui, il m'en coûtera, après avoir dit. les jours de grandeur de la Cour souveraine de Pau, de rappeler les jours de décadence. L’histoire du Parlement de Navarre est une page presque inédite de l'histoire des Parlements de France.



Chapitre 1er. Les origines du Parlement de Navarre



Le Béarn n’était qu’un simple vicomté assez restreint pour l'étendue, assez pauvre de ressources, et cependant le seigneur du pays s’érigeait en souverain, frappait, comme les monarques, des monnaies d'or et d'argent, et, en face du roi de France, osait soutenir sa fière devise : Gratia Dei sum id quod sum.



Le Béarn était divisé en quinze vics ou communautés. Chaque vic possédait un Tribunal composé de jurats. Auprès du vicomté siégeait la Cour majour. Cette cour fut créée comme un contre-poids à l'autorité seigneuriale ; il résulte de la charte d'institution, datée de 1220, que ce fut une grande concession faite au peuple : "... Au treyan los pobles, per que jurats sabuts los fessen los judiaments ; e asso iames no es en France ni en Angleterre. Rason per que, car los Reis judien ab clercs et ab cui sa volen, et per rason de quero an apens.



Lorsque ailleurs les rois administraient la justice selon leur bon plaisir, avec des juges choisis par eux-mêmes, les Béarnais étaient fiers de n’être justiciables que d’une Cour où les juges perpétuels et héréditaires offraient des garanties de savoir et d’indépendance.



Ces douze personnages devinrent les douze barons de Béarn. Nous pourrions citer de leurs décisions pleines de sagesse. Malheur du reste au juge qui aurait failli à sa mission par faiblesse ou par dureté. Le seigneur de Mirepeix, en condamnant un débiteur dans l’impossibilité de payer sa dette, avait mis ce cruel motif dans sa sentence. Il faut que celui qui ne peut pas le puisse : Qui nou pot, que pousque. La Cour majour ne voulut conserver dans son sein un homme aussi dur. Mirepeix fut dégradé, expulsé, honni et sa phrase impitoyable resta proverbiale dans le pays.



Henri II, roi de Navarre, mais roi sans royaume, s’occupa beaucoup de l’organisation judiciaire de son petit Etat du Béarn. Sa femme, la sœur de François Ier, Marguerite de Valois n'était pas étrangère à la bonne administration du petit Etat dont Pau était la capitale.


bearn autrefois roi
HENRI II


Les vics devinrent des parsans. La Cour majour fut remplacée par le conseil souverain et une Cour des comptes fut créée à Pau.



Le royaume de Navarre était composé de six merindades. Lorsque le duc d’Albe se fut emparé de Pampelune, il ne resta à la maison d’Albret qu’une seule merindad celle de Saint-Jean-Pied-de Port qu’on appelait la Basse Navarre ou Navarre du Nord. Il paraît que dans la langue euskarienne on se sert de l'expression d'en bas pour signifier la partie septentrionale.



A la tête de chaque merindad était placé anciennement un merino, mérin. C'était un redoutable personnage investi à la fois du droit de poursuivre, d’arrêter, de juger et de punir, seul et sans contrôle, les coupables ou ceux qu’il lui plaisait de considérer comme tels. Ce pouvoir exorbitant donna lieu à de si grands abus que, pour les empêcher, on imagina un remède pire que le mal. Divers privilèges accordèrent aux habitants de certaines communes le droit de se venger des injustices du mérin en le tuant sans aucune forme de procès.



Ce droit de justice expéditive et personnelle qui nous paraît si choquant aujourd'hui, paraissait jadis fort naturel aux Espagnols. Divers torts, comme celui de Tudèle, sont connus sous le nom de tortum per tortum, tort pour tort, parce qu’ils autorisaient à rendre le mal pour le mal, hacer mal por mal, et à se faire justice soi-même, tomandose la justicia por su mano. Etranges lois que celles qui accordaient des dispenses de s’adresser à la loi et au juge !



La Basse-Navarre, fière de n’avoir pas été conquise et d'être restée fidèle à ses souverains légitimes, ne se considéra plus comme une simple province, mais comme la représentation de tout le royaume. Elle garda les privilèges accordés aux Navarrais et ne manqua pas d'y ajouter ceux dont les Français et les Béarnais jouissaient. Elle avait une organisation judiciaire curieuse et spéciale : des alcades, comme en Espagne ; des jurats, comme en Béarn ; des baillis, comme en France. A l’imitation de la cour du roi de Navarre, qui prenait le titre de Conseil ou chancellerie, une Cour souveraine, qui s’intitulait la Cour de chancellerie, siégeait dans la petite ville de Saint Palais. Elle se composait d'un chancelier, de six conseillers et d'un avocat général. Ces magistrats portaient la robe rouge.



Le Conseil souverain de Pau ne fut guère rempli, depuis Jeanne d’Albret, que de juges calvinistes. Parmi ceux-ci se trouvaient des hommes d’un vrai talent et d’une rare énergie, notamment Lescun. Ils ne craignirent pas de se mettre en révolte ouverte contre l'autorité royale. Louis XIII avait rendu plusieurs édits pour ordonner la mainlevée des biens ecclésiastiques ; ces édits furent méprisés et le Conseil refusa obstinément de les enregistrer.




bearn autrefois justice
PARLEMENT DE NAVARRE PAU
BEARN D'ANTAN



Pour vaincre cette résistance, il ne fallut rien moins que la présence du roi.



Louis XIII, en 1620, se rendit à Pau, et il est curieux de lire les éloges que les historiens du temps donnent au courage du jeune monarque pour avoir osé entreprendre ce long et périlleux voyage.



Les Béarnais de loin résistaient au roi de France, de près ils s’inclinèrent devant toutes ses volontés. Les calvinistes rendirent au culte catholique les églises dont ils s’étaient emparés. Les Etats du pays cessèrent une résistance devenue impossible, le roi ordonna l'union de la Navarre et du Béarn à la couronne de France, et pour mettre l’organisation judiciaire de ces deux pays en harmonie avec celle des autres provinces, il créa un Parlement nouveau où devait s'opérer la fusion des conseils souverains de Pau et de Saint-Palais.



Pau, qui devenait le siège d’une cour plus importante, n'avait pas à se plaindre ; Saint-Palais, qui perdait ses magistrats à robe rouge, fit entendre de vives protestations.



Alors s’élevèrent des questions qui furent savamment et surtout longuement débattes entre les jurisconsultes de France et de Navarre.



La Navarre française était d’une étendue trop restreinte, disait-il, pour avoir une cour souveraine. Les juges de Saint-Palais avaient si peu d’affaires à juger qu'ils pouvaient sans inconvénients résider à la campagne une partie de l'année. Les magistrats de valeur pouvaient-ils s'attacher à des fonctions qui ne leur donnaient rien à faire ?



Les Navarrais répondaient que si le ressort de Saint-Palais était trop petit on pouvait l’agrandir en l’étendant à tout le pays basque.



La seule concession que fit le roi fut de conférer au Parlement siégeant à Pau le nom de Parlement de Navarre.



Saint-Palais reçut l’édit de création de la nouvelle Cour avec une douleur attestée par l'énergie de ses protestations. Voici sur quels motifs les réclamations s’appuyaient :


1° Les fors de Navarre, que le roi avait juré d’observer, accordaient formellement aux Navarrais le privilège de ne pouvoir être forcés d’aller plaider hors du royaume ; c’était leur faire tort que de les obliger à quitter leurs foyers pour aller suivre leurs procès à Pau ;


2° L’édit portait qu’on ne plaiderait qu’en français. Il était pénible pour des Basques d’abdiquer leur langue et de se voir imposer une langue étrangère ;


3° Ils étaient tous catholiques, et à Pau la majorité des juges était calviniste ;


4° Des antipathies d’humeur, de longues haines existaient entre les Navarrais et les Béarnais trop voisins pour ne pas se détester ;


5° Enfin il eût été plus convenable d’unir le Béarn à la Navarre que d’unir un royaume à un simple vicomté.



Ces objections furent solennellement réfutées par M. de Hau, avocat général près de la chancellerie de Saint-Palais. Son discours, malgré les formes étranges de la trop savante éloquence de l'époque, renferme des considérations très-judicieuses. Analysons ses arguments principaux.



C'est avec raison que l'union de la Navarre à la France a été désirée par Henri IV et accomplie par Louis XIII. Elle tend évidemment à l'affermissement de leurs Etats ; un grand corps est moins facile à ébranler qu'un petit. Le maintien des fors et coutumes fait disparaître tout sujet de plainte légitime. L’union des couronnes doit entraîner comme conséquence l'union des justices.



C’est à tort que les Navarrais se plaignent d'être obligés d'aller plaider à Pau. Il en est de la justice, disait l’avocat général, comme du soleil, ceux qui s’en approchent trop s’y brûlent. Plus on a la justice à sa portée, plus on s'attache aux procès et contestations. Cela se voit dans la Basse-Navarre, où il y a plus de centaines de procès- depuis que la justice souveraine est sur les lieux qu’il n’y en avait de douzaines lorsque, avant l’usurpation de la Haute-Navarre, le siège de la Cour était à Pampelune.



Quant à l’objection de la répugnance des Basques à plaider en français, l’orateur répondait : "Sur cette plainte, il faut remarquer que la langue basque ne se peut écrire qu'avec très grande difficulté, et de fait il n’y a pas de langue dont on voie moins de livres que de celle-là. Même la difficulté est telle que tous les pays de cette langue qui sont trois : à savoir celui de la Soule, celui de Labour et celui de la Basse-Navarre, ont été contraints d'emprunter une langue étrangère pour écrire leurs contrats et leurs actes de justice.


Ceux des pays de Soule et de Labour se servent de la langue française, et quant à ceux de la Basse-Navarre, ce n’est pas de la langue basque qu’ils usent dans leurs écritures, mais tous leurs contrats, procédures, plaidoyers et même les arrêts de justice se font en langue béarnaise, sauf qu’en quelques paroisses et juridictions subalternes plus proches de la frontière, on écrit en langue espagnole, mais jamais en basque." 



L'avocat général faisait observer que les Béarnais aussi étaient obligés de renoncer à leur langue, et qu'ils ne se plaignaient pas d’adopter celle de leur Roi. "Et, plut à Dieu, ajoutait-il, que le Roi nous eut accoutumé à parler français ! Les supplications, qu’aujourd’hui nous adressons à son oreille, seraient d'un style moins rude et possible de meilleure odeur."



Quant à l’antipathie qu’on prétendait exister entre les pays, le meilleur moyen de la faire cesser, c’était de réunir les deux peuples. Il n’est pas de bonne maison de Navarre qui n’ait contracté quelque alliance avec les meilleures familles de Béarn.



L’orateur disait en finissant : "La Navarre n’est pas réunie au Béarn, mais à la France, et si le Parlement doit siéger à Pau, c’est que dans tonte la Navarre il n’y a pas de ville capable de le loger."



Le chancelier du Vair, qui prit la parole en présence du Roi et des Etats assemblés à Pau, ajoutait cette raison de préférence en viveur de cette ville : "Bien qu'il semble être raisonnable, disait-il que ce corps de justice suprême soit établi à Saint-Palais, dans le royaume de Navarre plutôt que dans un petit pays, afin qu'une chose plus noble ait plus d’honneur que celle qui ne l'est pas, néanmoins, Sa Majesté veut que ce soit en Béarn et que le Parlement demeure à Pau, pour avoir été le pays qui a produit à la France le grand Henri."



Les Etats de Navarre furent forcés de se soumettre à la volonté du roi, mais ce ne fut pas sans murmure.



Que ne puis-je, ici, raconter l’histoire de ces Etats d un petit royaume qui, sous la monarchie absolue, conservèrent toujours comme un écho de leur grandeur passée la franchise et l’indépendance du montagnard des Pyrénées françaises et espagnoles ?



Avec quelle énergie les Etats rappellent au roi de France qu’il n’est que la créature de ses sujets, et qu'il n'a pas le pouvoir d'effacer de leur for le principe de la réciprocité des droits et devoirs entre le souverain et le peuple, principe ainsi formulé dans le fuero juzgo : "Tu seras notre roi, si tu fais bien, sinon, non." Rex eris si recte facis, si autem non facis, non eris.



Les Etats de Navarre gardèrent rancune au Parlement, et jusqu’à leur dernière heure, au moment de la Révolution, ils ne cessèrent de protester contre la violation de leurs fors qui leur donnaient le privilège d’être jugés dans le royaume.



Si nous faisions une histoire complète de la Cour de Pau, les luttes du Parlement et des Etats de Navarre nous fourniraient de nombreuses pages et les archives du château de Pau de curieux documents.



Les Etats s’occupaient de tous les intérêts du peuple qu'ils représentaient. Ils voulaient se mêler de tout, même de la justice. Ils étendirent à quarante ans la durée de la possession nécessaire pour prescrire, tandis que la prescription trentenaire était admise en Béarn. Ils adressaient des injonctions au Parlement ; ainsi ils lui faisaient défense d’épicer les arrêts interlocutrices. Ils demandaient des révocations de magistrats, notamment de Jean de Lortal-Maucor et de Jacques Oyhenart. Ils accueillaient les placets contre les huissiers de Navarre que l'ignorance la plus crasse empêchait de rien faire d’utile.



Le Parlement à son origine eut besoin de savoir faire respecter son autorité. Elle fut un jour méconnue par le juge de Bidache. La petite principauté de Bidache est située près du duché paierie de Gramont, et appartient à cette maison si puissante et si vénérée dans les Pyrénées.



Ce juge condamna à mort un voleur et le fit exécuter le même jour. Cette sentence capitale émut le Parlement, et le magistrat qui l’avait rendue, fut assigné à comparaître devant la Cour de Pau.



Le duc de Gramont obtint du roi que son juge serait dispensé d'obéir à la citation, sur sa promesse de ne plus rendre de pareils jugements jusqu’à ce qu’il fût prouvé que Bidache était réellement une souveraineté indépendante.



bearn autrefois justice
PARLEMENT DE NAVARRE PAU
BEARN D'ANTAN


Au mois de novembre 1691, un édit de Louis XIV incorpora au Parlement de Pau la chambre des comptes de Navarre, et attribua au ressort de cette Cour le pays de Soule. La composition de la Compagnie était ainsi réglée : un premier président, sept présidents à mortier, quarante-six conseillers, deux avocats généraux, un procureur général et quatre substituts."



A suivre...



(Source : Wikipédia)



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