LES BASQUES EN 1893.
De nombreuses personnes, écrivains et journalistes, ont écrit, au cours de l'Histoire, sur le peuple Basque et ses origines.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal L'Autorité, dans son édition du 28 juillet 1893, sous la
plume de Jean Balva :
"Les Basques.
En ce moment tout le monde va aux eaux, aux bains de mer, aux Pyrénées, à Biarritz ; aussi nous désirons attirer l'attention de nos lecteurs, sur ce pays si charmant et si gai dont Saint-Jean-de-Luz est la capitale. Ici les gais baigneurs ont les courses de Saint-Sébastien, où se trouvera réunie toute la grande noblesse espagnole avec la Cour, le jeune Roi et la Régente, là, les fêtes joyeuses dans tout le pays, les fêtes basques surtout de Saint-Jean-de-Luz, les plus curieuses qui puissent se voir en Europe. Le peuple basque est le seul qui ait gardé ses fêtes, ses amusements, ses vieux et antiques usages. Comme il est le peuple primitif par excellence, il n’a rien perdu de son sang et de sa vieille race.
Bien avant l’aube des temps historiques, les textes anciens montrent les habitants de l'ouest de l'Europe vivant dans des cavernes, se plongeant sous la terre ou se cachant dans des autres sans lumière, ainsi que le disait Eschyle ; d'autres vivaient sur des plateaux découverts, résistant aux intempéries de l'air et des saisons, se défendant des attaques des fauves avec des armes en pierre, ou se servant comme outils d'objets taillés dans les os de leurs victimes et n'ayant pour ornements que des coquillages ou des dents d’animaux. Ils ne connaissaient ni l’art de cultiver la terre, ni celui de la fabrication des navires, les riverains des golfes et des fleuves se servaient de canots primitifs. C'étaient, en un mot, des sauvages dans toute la force du terme.
Les crânes de ces tribus primitives, dans la Provence et l’Aquitaine, appartenaient à la race ibérienne. On les retrouve encore chez les habitants du sud-ouest de la France et du nord-ouest de l'Espagne, surtout chez les Basques. Aussi, les chroniqueurs n’hésitent-ils pas à considérer ce peuple comme un peuple primitif, qui a conservé sa race pure et intacte depuis le déluge et même depuis le commencement du monde, suivant certaines légendes.
Au déluge, disant certaines vieilles chroniques, échappèrent quelques hommes, rares comme les olives, qui restent sur l'arbre après la récolte ; comme les grappes qui pendent aux pampres après la vendange, et de ce nombre fut Aïtor, ancêtre des Basques.
Une légende, conservée dans la famille de Noé, raconte que l’arche, s’arrêtant un instant sur un des pics pyrénéens, permit à un couple d’enfants du grand patriarche de sortir un instant et de s’ébattre sur la terre ferme ; mais un coup de vent emporta le vaisseau et les deux enfants restèrent sur la terre de Gascogne pour la peupler à nouveau ; c’est cette légende qui inspira à un fils de cette famille, désapprouvé dans sa vocation par son père, l’idée de prendre le nom de Cham, fils irrespectueux de Noé.
Y a-t-il une corrélation entre les fils de Noé et ceux d’Aïtor ? Nul ne le sait. Quoi qu'il en soit, le peuple basque a la conformation de la tète et du corps des habitants trouvés dans toute cette contrée et qui les montre absolument dolicéphales, c’est-à-dire à tète allongée ; on l’appelle en anthropologie la race de Cro-Magnon, et elle appartient à la race ibérique. Et pour les savants, cette race dénote une culture intellectuelle bien supérieure à celle qu’avaient atteinte les premiers habitants de l’Europe centrale. Ce qu'il y a de curieux, c’est que ce même crâne se retrouve chez les Lapons actuels. D'où venaient les Ibères ? Le comte Garat, qui était Basque lui-même, a cru reconnaître dans les Escualdunacs (nom que les Basques se donnent eux-mêmes et composé de trois mots basques : escu (main), alde (adroit) et dunac (qui ont), c’est-à-dire qui ont la main adroite), — M. Garat a cru reconnaître, donc, dans les Basques ou Escualdunacs, des Phéniciens venus dans ces montagnes, il y a plus de cinq mille ans, pour en exploiter des mines. Cette hypothèse toute gratuite n’est pas étayée sur des preuves plus solides que celles qui soutiennent l’opinion de Lucien Bonaparte.
PRINCE LOUIS LUCIEN BONAPARTE |
Ce prince, qui a préféré les douceurs de l’étude aux agitations de la vie publique, frappé d’un certain nombre d’analogies grammaticales entre quelques dialectes finnois et le basque, en a conclu hardiment comme M. de Charancey, du reste, que le basque est un rameau du tronc finnois, et que, par conséquent, il se rattache à la famille touranienne du nord-est de l’Asie. Le docteur Retzius, savant anthropologie suédois, avait déjà formulé cette assertion. Mais cela est fondé sur des assertions peu solides.
CHARLES FELIX HYACINTHE DE CHARANCEY |
M. de Humboldt, le savant qui a jeté les lueurs les plus vives sur la langue basque et l'origine de ce peuple, dans un ouvrage publié à Berlin, en 1821, nous dit à ce sujet :
"Je considère la langue basque comme une langue purement européenne, une des plus anciennes et, si j’ose m’exprimer ainsi, la plus ancienne de la partie du monde que nous habitons. C’est bien la langue d'un peuple antique, répandu sur un immense espace et dont la destinée est étroitement liée à l’histoire de l'Europe occidentale."
WILHELM VON HUMBOLDT |
La construction de la langue basque nous indique ses degrés de formation, l’époque où ils se sont opérés, et nous permet d’avancer que, de toutes les langues européennes, c'est celle qui a subi le moins de changements et qui est restée le plus conforme à sa structure originelle. J’y vois une preuve de plus de la haute antiquité du peuple ibère. Les Grecs et les Romains n’ont certainement apparu que plus tard ; et, de tous les peuples européens, les Pelasges antihelleniques peuvent seuls être comparés aux Ibères.
La surface occupée par la population purement basque n'est point connue d'une manière tout à fait précise. La langue euskarienne est parlée dans les trois districts du Labourd, de la Soule et de la Basse Navarre, c’est-à-dire dans les vallées des arrondissements de Bayonne et de Mauléon qu’arrosent la Nivelle, la Nive, la Bidouze, le Saison et ses affluents ; mais quand il s’agit de tracer avec rigueur la frontière entre le basque et les patois béarnais ou gascon, les renseignements nécessaires font défaut. En Espagne, les limites précises de la langue euskarienne sont encore moins connues que du côté de la France, ne correspondent pas davantage aux circonscriptions géographiques. L'ancien royaume de Navarre, de Guipuzcoa et de Bilbao, est en général indiqué comme domaine d’Euskariens, parlant toujours la langue de leurs pères.
Ce peuple a occupé une place distinguée dans les fastes de l’antiquité, et fut même redouté des Romains lorsque ceux-ci se trouvaient au plus haut degré de leur puissance.
Annibal rechercha son alliance. L’amour de ce peuple pour l’indépendance était invincible ; il montra surtout un enthousiasme héroïque pour la liberté dans la guerre cruelle qu'Auguste lui fit. Ennemi de la contrainte, le Basque se raidit par les menaces et les peines. Mais on peut beaucoup sur lui par la douceur et la persuasion.
Prompt à s’enflammer, facile à s’apaiser ; ami fidèle et infiniment porté à obliger lorsqu'on sait flatter son amour-propre, ennemi du repos, laborieux, habituellement sobre et chaste, attaché singulièrement à sa religion et à ses prêtres, voilà les principaux traits qui le distinguent.
D'une agilité extrême, tout son corps est en mouvement perpétuel. Strabon et les autres auteurs le représentent comme supérieur à toutes les nations, lorsqu’il s’agit d'activité et d’un coup de main.
Lorsqu'il a lutté pendant les jours de travail contre une terre ingrate, il se livre, dans ceux de la fête, à la gaieté, aux plaisirs les plus fatigants. La danse, le jeu de paume sont ses exercices favoris, et il y excelle. Il tient singulièrement aux fêtes locales ; il s’y rend de cinq à six lieues et c’est pour lui un supplice difficile à imaginer que d'en être privé. Un ancien auteur a dit, en parlant du pays basque : Un enfant y sçait danser avant que de savoir appeler son papa et sa nourrice. Voltaire définissait le peuple basque : Un petit peuple qui danse au haut des Pyrénées. — Malgré tout, les filles qui se livrent habituellement à cet amusement frivole sont peu considérées, quelques lignes d'une chanson basque le prouvent :
Peu de femmes bonnes sont bonnes danseuses ;
Bonne danseuse, mauvaise fileuse,
Mauvaise fileuse, bonne buveuse.
Des femmes semblables
Sont bonnes à traiter à grands coups de bâton.
Elisée Reclus a célébré avec une poésie pénétrante les jeux basques. Après la danse et le jeu de paume, les Basques ont conservé les jeux de théâtre, les mascarades muettes des quinzième et seizième siècles, qui sont des plus intéressantes à voir ; nous voudrions avoir la place pour en donner une idée au lecteur.
Les courses et le saut basque (mutchico) sont encore fort curieux.
SAUT BASQUE 1907 |
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