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samedi 18 septembre 2021

DES CRIMES À VIODOS-ABENSE-DE-BAS EN SOULE AU PAYS BASQUE EN JUILLET 1857

CRIMES À VIODOS-ABENSE-DE-BAS EN 1857.


La commune de Viodos-Abense-de-Bas, en Soule, est frappée, en juillet 1857, par les crimes de deux femmes.



pays basque autrefois soule
VIODOS-ABSENSE-DE-BAS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Le Droit, le 26 novembre 1857 :



"Juridiction criminelle.



Cour d'Assises des Basses-Pyrénées (Pau). 

Présidence de M. Daleman. 

Audiences des 20 et 21 novembre 1857.

Double assassinat. — Vols. 



L'annonce des débats de cette grave affaire avait attiré au Palais une affluence considérable. La salle de la Cour d'assises est comble, et les gendarmes ont de la peine à contenir la foule qui cherche à pénétrer dans l’enceinte et qui en assiège tous les abords. Chacun est avide de connaître les détails du drame terrible dont la commune de Viodos-Abense fut le théâtre, il y a quelques mois à peine, et qui jeta dans toutes les populations du pays basque la plus grande consternation.



Trois hommes, dans la force de l’âge, sont au banc des accusés et fixent sur eux les regards du public. Les deux premiers n’ont rien de remarquable qu’une figure vraiment patibulaire. L’un, Louis Sangla, tient constamment la tète roide et montre à découvert son visage hébété et injecté de sang ; il paraît assister avec une complète indifférence à tout ce qui se passe autour de lui.



Le second, Pierre Plachot, a la mine basse et sournoise et verse néanmoins de temps eu temps quelques pleurs.



Le troisième, Jean Rosier, passe pour être le chef de la bande ; il a la physionomie fine et pleine d’expression ; c’est l’inspirateur, le mauvais génie, auquel les deux autres n’auraient fait qu’obéir dans la perpétuation de leurs plus horribles attentats.



Interpellés par M. le président des Assises, Plachot et Sangla font l’aveu de tous les méfaits qui leur sont imputés ; Jean Rosier, au contraire, se renferme dans un système absolu de dénégation.



Nous allons reproduire, d’après le récit des deux premiers accusés et les données fournies par les débats, les principales circonstances se rattachant aux crimes nombreux qui font l’objet de ce procès.



Dans la journée du 3 juillet dernier, la commune de Viodos-Abense, près Mauléon, fut mise en émoi par un douloureux événement ; deux femmes Jeanne Cantou et Marie Habiague, sa servante, furent trouvées mortes dans leur maison, située au bas d’une montagne, dans un lieu extrêmement désert. Le sang répandu autour d’elles ne permit pas de douter un seul instant que leur mort ne fût le résultat d’un crime. Jeanne Cantou était étendue sur le sol du couloir, tout près de la porte d’entrée. On remarquait sur sa tète une blessure profonde, autour de son cou les traces d’une violente pression.



pays basque autrefois soule
VUE GENERALE VIODOS-ABSENSE-DE-BAS SOULE
PAYS BASQUE D'ANTAN




A quelque distance de là, dans une chambre attenante à la cuisine gisait le cadavre de Marie Habiague. Les blessures nombreuses dont elle portait les marques, son attitude crispée, le désordre de ses habits, tout dénotait de la part de cette fille une vive résistance, une lutte suprême et désespérée.



Au reste, le mobile de ce double assassinat était facile à reconnaître ; des malles ouvertes et des meubles bouleversés en tous sens attestaient que les malfaiteurs n’avaient eu recours au meurtre que pour s’emparer, sans danger d'être reconnus et dénoncés, des sommes et valeurs qu’ils espéraient trouver dans la maison.



Le lendemain, la justice se transporte sur le théâtre de ces crimes avec un membre du conseil municipal de la commune de Viodos ; mais, à la vue de l’horrible spectacle qui s’offre à ses yeux, cet homme tombe à la renverse ; une attaque d'apoplexie l'a foudroyé, et un troisième cadavre vient ainsi s'ajouter à celui des deux autres victimes.


Cependant, une série de vols commis dans le pays, les jours suivants, ne tarda pas à mettre les magistrats instructeurs sur la trace des malfaiteurs qui avaient ensanglanté la maison de Barneix-Borde. Le 7 juillet, Plachot et Sangla furent arrêtés au moment où ils venaient de faire main-basse sur l’argent et les papiers de famille d’un nommé Abadie, propriétaire à Bardos. Conduits à la prison de Saint-Palais, le geôlier, qui connaissait Plachot, l’engagea à faire des aveux, lui disant que plus de vingt témoins l’avaient reconnu, lorsque, avec son camarade Sangla, il avait pénétré dans la maison Barneix-Borde, où ils avaient tué la maîtresse Jeanne Cantou et sa servante. Plachot, soit crainte, soit repentir, déclara qu’il était vrai qu’il avait commis ce double meurtre avec son camarade ; mais il ajouta qu'ils n’avaient agi ainsi que d’après les conseils et les instructions de Jean Rosier, qui avait tout dirigé, et qui, comme eux, devait avoir sa part du butin. Sangla, après quelques hésitations, entra à son tour dans la voie des révélations, et confirma de tous points la déclaration qu’avait faite son coaccusé.



Il n’est pas sans intérêt de remonter à l'origine de l’association de ces malfaiteurs et de les suivre un instant du regard dans cette carrière du crime où ils marchaient avec une effrayante rapidité.



Sangla et Rosier s'étaient autrefois connus dans la maison d’arrêt de Pau, où l’un et l’autre se trouvaient détenus pour vol.



En 1856, Sangla fut envoyé dans la maison centrale d’Evsses. Là, des rapports intimes s’établirent entre lui. Plachot et un autre repris de justice du nom de Bordaguibel, dont les états de service valaient à peu près les leurs. L’objet constant de leurs entretiens étaient les bons coups de main qu’ils pourraient tenter une fois qu’ils auraient recouvré leur liberté.



Dans un de ces entretiens, Bordaguibel, qui est d’Ainharp, leur parla d’une somme de soixante mille francs qu’il y avait à enlever dans la maison Barneix-Borde, ajoutant que Jean Rosier pourrait leur être du plus grand secours pour opérer cette magnifique razzia.



Bordaguibel et Sangla finirent les premiers leur temps de détention. Dans les derniers jours du mois de février de cette année, nous les voyons attablés avec Rosier dans une auberge de Saint-Palais, et là, comme on le pense bien, il est question du grand coup à tenter sur Barneix-Borde ; mais par un retour à de meilleurs sentiments qu’il est si rare de rencontrer dans ces natures perverses, Bordaguibel refuse de s’associer à cette entreprise et Rosier et Sangla se séparent de lui pour s’occuper seuls de la réalisation de leur projet.



Au commencement du mois de mars, l’instruction nous montre Rosier conduisant Sangla, de nuit, près de la maison Barneix-Borde pour lui faire exactement connaître la disposition des lieux et l’endroit précis où, d'après lui, doit se trouver le trésor.



Quelques jours après, Sangla se rend dans cette maison sous prétexte de faire visite à Bordaguibel, qui y est employé comme domestique. Voilà donc l’ennemi dans la place combinant à loisir les moyens de s’emparer d'un riche butin.



Cependant des difficultés se présentent, contre lesquelles il n’ose s’aventurer tout seul. Il attendra Plachot pour mettre enfin à exécution un projet qu'il caresse depuis si longtemps.



Planchot sort de la maison centrale, le 26 juin, et va rejoindre Sangla. Il est décidé qu'ils se mettront immédiatement a l’œuvre pour réaliser les importantes affaires qu’ils ont méditées ensemble. Ils ne perdent pas un instant. Dès le 28 juin, ils pénètrent en forçant la porte dans la maison du sieur Etchegaray cordonnier, à Hasparren, et dérobent tout ce qu'il leur tombe sous la main : argent, linge, sucre, chocolat, poudre, capsules, tout leur est bon. 



Dans la nuit du 30 juin au 1er juillet, ils s'introduisent dans l’église d’Ascain et s’emparent d'un saint-ciboire et de tout l’argent que contient le tronc des pauvres.



Et maintenant qu’ils se sont refait la main, ils vont trouver Rosier pour s’entendre avec lui sur la descente à faire dans la maison Barneix-Borde ; ils arrivent chez lui le 2 juillet et y passent toute la nuit. 



Rosier leur donne ses instructions et prévoit toutes les éventualités : Si vous êtes reconnus, leur dit-il, tuez pour assurer votre impunité. 



Le lendemain 3 juillet, Plachot et Sangla quitta de grand matin l'habitation de leur complice et se dirigent vers Barneix-Borde, tandis que lui se rend avec sa femme à Saint-Palais pour ne pas être soupçonné d’avoir trempé dans le crime qui allait être commis. Plachot et Sangla, arrivés près de Barneix-Borde vers neuf heures, observent avec attention tout ce qui se passe autour d’eux, épiant le moment favorable où ils pourront accomplir le vol. A deux heures de relevée environ, ayant remarqué que les ouvriers étaient à leur travail et que les domestiques de la maison étaient sortis pour sarcler le maïs, ils s’approchent de cette habitation.



Jeanne Cantou était occupée à coudre dans le couloir conduisant à la cuisine. Ils lui demandent un verre d’eau, et au moment où elle dit à sa servante : Vois s’il y en a pour leur en donner ! Plachot la saisit au cou pour la contenir tandis que son complice commettra le vol ; mais Marie Habiague, que Sangla avait vue lors de sa visite à Bordaguibel, ayant poussé des cris : Nous sommes perdus, dit Sangla ; je suis reconnu; il faut en finir ! et au même instant, il frappe à coups redoublés Marie Habiague avec un bâton ferré pendant que Plachot étrangle Jeanne Cantou et lui donne aussi des coups de bâton pour l’achever.



Quand les accusés n’ont plus devant eux que des cadavres, ils s’enferment dans la maison, fouillant dans tous les coins et recoins et s’emparent d’une petite somme d’argent, seul trésor qu’ils puissent découvrir. Après cela, ils descendent dans la cave, y choisissent quatre bouteilles de vin et se retirent ensuite tranquillement dans la direction d’Ainharp, avec l’unique regret de n’avoir pu faire qu’un si maigre butin.



Rosier ne pouvait croire qu’ils eussent trouvé si peu de chose. Néanmoins, il approuva ce qu’ils avaient fait, et leur dit qu'ils ne couraient ainsi aucun danger d’être découverts.



Cependant, l’inquiétude ne tarda pas à succéder à ces premiers moments de calme, et, après deux jour passés dans les bois et les bordes isolées, les trois accusés délibérèrent sur le parti qu'il convenait de prendre. Rosier engagea fortement ses complices à chercher un refuge en Espagne. Ils résolurent de suivre son conseil et prirent immédiatement le chemin de la frontière ; mais de nouveaux vols, qu’ils crurent pouvoir impunément commettre dans leur trajet, mirent les agents de la force publique sur leurs traces, et le firent tomber sous la main de la justice. Dans la journée du 17, comme nous l’avons dit, ils furent arrêtés et ils comparaissent aujourd’hui avec Rosier devant la Cour d’assises pour y rendre compte de leurs méfaits.



En présence de ces vols nombreux et d’un double assassinat entassés dans l’espace de quelques jours, depuis le 28 juin jusqu’au 7 juillet, M. le procureur général Falconnet a repoussé avec force l’idée que, pour d’aussi redoutables malfaiteurs que ceux qui étaient assis au banc des accusés, il pût y avoir place à la commisération et à la pitié. Après avoir développé les charges accablantes de l’accusation, après avoir montré le niveau moral s’abaissant de tous côtés dans notre pays, la cupidité se traduisant dans les hautes régions par de révoltants scandales et dans les classes inférieures par le vol, la spoliation et l’assassinat, il a demandé une sévère répression, et a insisté sur la nécessité de placer à côté de la terreur du crime la terreur de la loi.



Mes Cassou, Belfosse et Caussadette ont présenté la défense.



MM. les jurés, qui avaient à résoudre cent questions, ne sont sortis de la salle de leurs délibérations que vers minuit, rapportant un verdict affirmatif contre les trois accusés, avec admission de circonstances atténuantes.



Sangla, Plachot et Rosier ont été condamnés aux travaux forcés à perpétuité."




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