UN GUIDE DE VOYAGE EN 1877.
Vers la fin du 19ème siècle, apparaissent des guides de voyage pour les voyageurs désirant se rendre en Hego-Alde, dans les provinces Basques du Sud.
PASAJES SAN JUAN GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Voici ce que rapporta à ce sujet, M. L. Capistou, en 1877 :
"Province du Guipuzcoa.
Itinéraire.
La Bidassoa. — Ile des Faisans. — Béhobie. — Enderlaza. - Irun. - Fontarabie. - Renteria.— Lezo. — Oyarsun (vallée d'). — Passages (les). — Alza.
"Passages (Les).
Ce port, le plus ancien de la côte cantabrique, a pris son nom de la nécessité dans laquelle on se trouvait de passer, à l'aide d'une barque, d'un bord à l'autre du goulet qui met en communication sa baie avec la mer pour aller à Saint-Sébastien en venant de France et vice-versa.
EMBARCADERE PASAJES GUIPUSCOA PAYS BASQUE D'ANTAN |
Les groupes de maisons accrochées au flanc de la montagne, de chaque côté du port, sont désignés sous le nom de Passages de San Juan (côté de France ) et Passages de San Pedro (côté d'Espagne).
Avant d'être ensablée ou enterrée par les eaux boueuses de l'Oyarsun, la baie de Passages eût offert un asile vaste et sûr à la flotte la plus nombreuse du globe. L'invincible armada aurait pu s'y mouvoir à l'aise et en toute sécurité.
Là, en effet, les tempêtes les plus violentes ne se ressentent jamais. La mer, avant de pénétrer dans la baie proprement dite, est obligée d'user ses fureurs et ses violences aux aspérités qui bordent le goulet par où elle doit passer.
Ce goulet, échancrure gigantesque taillée par les siècles entre les monts Jaizquibel et Ulia, est accessible aux navires du plus fort tonnage. L'embouchure est peut-être un peu obstruée vers le nord-est, par quelques roches à fleur d'eau, mais l'ouverture est plus que suffisante néanmoins, dans la direction du nord-ouest au sud-est, et les roches en question sont une garantie contre les vagues : il suffira de les éclairer la nuit, pour les empêcher de nuire à la navigation.
Depuis le mois de février 1870, la province du Guipuzcoa a été autorisée par le gouvernement à exécuter un grand projet de nettoyage et d'amélioration de la baie et du port de Passages. Une Société puissante, dirigée par M. Alonso, de Madrid, a obtenu la concession des travaux, qui sont poussés avec activité et qui seraient déjà fort avancés, si la guerre civile n'était venue les entraver.
Des dragues très fortes sont employées en ce moment aux premières œuvres. Les boues, placées sur des chalands, sont remorquées jusqu'en haute mer par de petits vapeurs. Ce système de nettoyage, pratiqué avec efficacité dans les ports dont les quais sont bordés et soutenus convenablement, ne saurait donner de bons résultats dans la baie de Passages, par la raison bien simple que les eaux d'écoulement charrient dans cette baie, en une seule journée, plus de boues terreuses que les dragues n'en peuvent sortir dans un même laps de temps.
Le plus rationnel serait de détourner ces eaux et de les conduire d'une façon quelconque, au moyen de canaux par exemple, jusque dans le goulet, où le reflux a suffisamment de violence pour les emporter vers la haute mer.
D'un autre côté, le déboisement de la vallée d'Oyarsun contribue considérablement à l'ensablement de la partie de la baie qui se dirige vers Lezo et Renteria. Le ruisseau l'Oyarsun charrie tellement que déjà son lit s'est déplacé plusieurs fois, depuis le commencement de ce siècle. Cette particularité est fort explicable par la nature spéciale du sol et par la rapidité des pentes.
Napoléon Ier, lorsqu'il vit la baie des Passages et le déplorable état dans lequel elle se trouvait, comprit, avec cette vivacité de jugement qui n'appartient qu'au génie, que le plus grand dommage était causé par les eaux de l'Oyarsun. Il eut la pensée de détourner ce ruisseau malencontreux et de le rejeter dans la mer, au moyen d'un tunnel qu'il voulait percer au travers du Jaizquibel, depuis le point connu sous le nom de Molinos, situé en face des Capuchinos.
Tôt ou tard, on en viendra à ce projet, moins onéreux à coup sûr qu'un dragage continu et sans résultats appréciables.
Quoiqu'il en soit et quoi qu'il advienne, la nature a créé à Passages un port de refuge admirablement situé. Il ne reste plus à l'homme qu'à mettre à profit, avec persévérance et à propos, l'œuvre de la nature. Des Anglais, des Américains, des Belges ou des Français n'eussent certainement pas attendu jusqu'à cette heure pour cela faire.
La découverte de l'Amérique donna, au XVe siècle, une grande activité au port de Passages. Il était connu à l'époque sous le nom de Puerto Oiarso, sans doute parce que son territoire dépendait en partie de la vallée d'Oyarsun, qui plus tard passa dans la juridiction de Fontarabie.
En 1767, Passages devint une ville entièrement indépendante. Elle composa ses armes de deux avirons en croix, sous une fleur de lys, concédée par les rois de France en souvenir des services rendus par les marins de ce port à la flotte française, bloquée par les Anglais devant La Rochelle.
L'aspect de la ville est vraiment pittoresque.
Chacun de ses barrios est composé d'une rue unique, suivant les sinuosités du goulet sous des arceaux branlants, ornés presque tous de vieux écussons et d'armoiries qui témoignent de l'antique noblesse des habitants.
La vieille église de San Pedro n'a rien de bien curieux à montrer, celle de San Juan est plus richement ornée, étant paroissiale. Pendant longtemps, cette église a possédé un étendard royal aux armes de France, enlevé par Don Juan de Ezcorza, marin de Passages, au vaisseau de guerre Strozzi, pendant le combat naval des Açores, livré le 25 juillet 1582 entre les flottes espagnole et française.
C'est dans le port de Passages que Lafayette s'embarqua pour aller en Amérique offrir son épée à la cause de l'indépendance des Etats-Unis. La population des deux Passages est de 1 300 habitants.
DEPART DE LAFAYETTE PORT DE PASAJES 1777 |
Il existe, dans le barrio de San Juan, une fabrique de porcelaine commune et une grande corderie. Depuis l'an dernier, un industriel de Saint-Sébastien y a établi aussi une fabrique de conserves de poisson.
La Compagnie des Chemins de fer du Nord de l'Espagne a, dit-on, le projet d'augmenter l'importance de la station de Passages et de la doter d'un quai qui permettra aux navires de venir prendre charge le long de la voie ferrée ou d'y décharger leurs cargaisons sans transbordement.
Un vieux fort, à moitié détruit par le temps, couvre l'entrée du port du côté de San Juan ; un autre, construit en 1836 sur le Jaizquibel et portant le nom de Lord John Hay, a été réédifié durant la dernière guerre. En face, sur un des pignons du mont Ulia, tout à fait en mer, à l'embouchure du goulet, se trouve le phare de Passages.
A marée basse, la baie, dont l'étendue est fort grande, offre un aspect peu agréable à la vue, à cause des boues qu'elle met à nu ; mais, à l'heure de la haute marée, cette baie, sillonnée de barques, présente un coup d'œil magnifique.
GUIDE DU VOYAGEUR EN GUIPUZCOA 1877 |
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