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mercredi 15 septembre 2021

UNE PÉTITION DES COMMUNES DU DÉPARTEMENT DES BASSES-PYRÉNÉES EN 1841 (troisième partie)

 

UNE PÉTITION DES COMMUNES DES BASSES-PYRÉNÉES EN 1841.


En 1841, se traitent encore, à la Chambre des Députés, à Paris, des sujets datant de 1813 et 1814.




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CARTE DES BASSES-PYRENEES 1841


Voici ce que rapporta à ce sujet la Gazette nationale ou le Moniteur universel, le 1er mai 1841 :



"Chambre des Députés. Présidence de M. le Général Jacqueminot, Vice-Président. 


Séance du vendredi 30 avril. 



Sommaire.—  Pétition des communes du département des Basses-Pyrénées qui réclament le montant de fournitures de guerre : M. Dugabé, rapporteur ; le ministre de l’intérieur, Daguenet, le ministre des finances, Chégaray. 


"...Quel serait donc, messieurs, l’objet du renvoi ? Que demanderait-on au Gouvernement ? Si les mandataires des communes s’adressaient de nouveau au ministre de l’intérieur, le ministre de l’intérieur de 1841 leur répondrait ce qu’ont répondu les ministres de 1834, de 1836, de 1837. Les communes pourraient se pourvoir devant le conseil d’Etat, qui jugerait comme il a déjà jugé. En accueillant les conclusions de la commission, vous ne feriez que donner à ces créances, une valeur qu’elles ne peuvent avoir. 



Je suis aussi sensible que personne au malheur de créanciers qui se présentent avec d’anciens titres ; mais, je le répète, il y a des devoirs que le Gouvernement doit accomplir, et parmi ces devoirs se montre au premier rang celui de défendre la fortune publique et de faire prévaloir les lois rendues pour protéger le trésor de l’Etat. (Très-bien !) 



M. Daguenet

Je regrette que la réclamation des Basses-Pyrénées rencontre pour premier adversaire dans cette enceinte M. le ministre de l’intérieur. Je le regrette cependant moins dans l’intérêt du succès de la pétition, sur lequel je compte, que dans l’intérêt même du Gouvernement, de la part duquel il m’eût paru plus convenable de faire comme la commission qui, après un examen attentif, a reconnu la sincérité de la créance, au lieu d’opposer des fins de non-recevoir, selon moi sans fondement. 



Quoi qu’il en soit, cette contradiction rend nécessaires de notre part quelques courtes observations ; elles seront utiles pour faire apprécier l’affaire sous son véritable point de vue. Car si le débat demeurait dans les termes où l’a laissé le discours de M. le ministre, le véritable caractère de l’affaire échapperait à l’impartialité de la chambre. 



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CARTE DU DEPARTEMENT DES BASSES-PYRENEES
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je n’entends pas revenir sur les faits : ils ont été exposés avec une exactitude complète par l’honorable rapporteur, et je lui en rends grâce, car il est des questions, et celle-ci est de ce nombre, où le meilleur argument à produire c’est de faire connaître la vérité de la situation. 



La voici en deux mots ; 



En 1813, un décret impérial règle que des fournitures seront faites par voie de réquisition à l’armée qui rentrait des pays étrangers. Par un décret postérieur il fut décidé que ces fournitures seraient acquittées au moyen de centimes extraordinaires, dits centimes de guerre. En conséquence, une somme de 200 millions fut encaissée par le trésor avec cette destination spéciale. 



Le département des Basses-Pyrénées a fourni pour lui et pour vingt-trois autres départements. A la paix générale, quand advint le moment de la liquidation, les bordereaux furent produits et déclarés réguliers. 



Enfin, par une décision qui n’est pas contestée, les Basses-Pyrénées furent reconnues créancières d’une somme d’environ 3 millions. Sur cette somme, le Gouvernement a payé une première fois 500 000 fr.; plus tard, 700 000 fr. ont été apposés par compensation, de sorte que sa créance est aujourd’hui réduite à environ 2 millions. Voilà l’origine de la créance, origine, comme vous voyez, toute nationale. Elle n’est pas contestée par le Gouvernement, pas même dans le chiffre. 



2 millions ! Il nous a paru que c’était la peine de réclamer dans l’intérêt des communes ; nous l’avons fait avec la persévérance qui se puise dans la conscience du bon droit. 



Que nous a-t-on répondu d’abord ? Que le Gouvernement n’était pas débiteur, et que les fournitures faites en 1813 devaient être acquittées au moyen d’un fonds spécial, et que ce fonds était épuisé. Je rappelle cette circonstance, parce qu’elle a été rappelée tout à l’heure par M. le ministre. 



Eh bien ! c’est une erreur matérielle reconnue par le Gouvernement lui-même, soit devant le conseil d’Etat, soit dans une lettre de M. le ministre de l’intérieur, du mois d’avril 1835. Je cite le document, je le précise, M. le ministre de l'intérieur peut le vérifier, le consulter et le venir discuter à la tribune. 



Il résulte de ces premières observations, qu’il est dû par l’Etal une somme d’environ 2 millions, et que cette somme devait être acquittée au moyen d’un fonds spécial, lequel n’est pas légalement épuisé. 



Quelle objection nous oppose-t-on aujourd’hui ? Vous venez d’entendre le ministre. Il a cherché à émouvoir la chambre en invoquant une considération qui n’est pas une raison de droit, et qui ne doit pas dès lors devenir pour la chambre une raison de décider. Il a évoqué le fantôme de l’arriéré. J’insiste sur ce point d’autant plus qu’il est dénaturé, s’il est fondé, à nous aliéner quelques suffrages et à égarer quelques esprits dans cette enceinte. 



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CARTE DU DEPARTEMENT DES BASSES-PYRENEES
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On a dit que l’accueil fait à la pétition serait un précédent dangereux, que ce serait un encouragement pour d’autres départements, que ce serait ouvrir l’arriéré. 



Il n’en est rien, messieurs, les départements auxquels a fait allusion M. le ministre de l’intérieur sont, les uns, entièrement soldés ; ceux-là, il n’en peut être question ; les autres se trouvent frappés par les dispositions absolues de la loi de 1834, qui a formellement déclaré que toutes les créances, non réglées avant le 1er juillet de cette année, seraient sous le coup d’une déchéance formelle.



Ainsi les départements dont parlait tout à l’heure M. le ministre se trouvent définitivement forclos. 



Nous nous trouvons dans une catégorie d’exception : 


Ceci me ramène à l’examen de la question de déchéance par laquelle M. le ministre de l’intérieur a terminé son discours. 



La doctrine et les principes posés par la loi de 1834 qu’on nous oppose, sont ceux-ci : Toutes les créances anciennes sur l’Etat devaient être liquidées avant le 1er juillet ; le Gouvernement a dû statuer avant cette époque. Voilà la théorie et les principes consacrés par cette législation. 



Eh bien, qu’avons-nous fait ? Les réclamations ont été introduites en 1811 ; elles ont été reproduites en 1825 et continuées, sans interruption aucune, devant le conseil d’Etat en 1831. En 1834 est intervenu au conseil d’Etat non pas une décision sur le fond, comme cela semblerait résulter du discours auquel je réponds, mais une simple déclaration d’incompétence. 



Le conseil d’Etat déclare qu’il n’y a pas lieu de statuer de sa part, attendu qu’il ne s’agit que de distributions de crédits, ce qui est dans la compétence exclusive des agents supérieurs de l’administration. Il n’a pas dépendu de nous d’avoir une solution définitive au fond. 



Peut-on nous opposer le résultat d’un fait de cette nature ? Est-ce que nous n’avons-pas, par nos démarches actives, incessantes, saisi soit le ministre de l’intérieur, soit le conseil d’Etat, de nos réclamations, et si l’on n’a pas définitivement statué au fond, peut-on nous opposer ce fait ? C’est une règle élémentaire le droit qu’on ne peut opposer de prescription à un créancier qui n’a pu agir ; elle se résume dans un axiome de droit romain connu de tout le monde. Ainsi, messieurs, la loi de 1831, en principe, décide que toutes les réclamations seront formées avant le 1er juillet. En fait, notre réclamation a été présentée, soit au ministre de l’intérieur, soit au conseil d’Etat, avant cette époque. Nous nous sommes donc conformés à ces prescriptions de la loi, en matière de déchéance. 




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PAYS BASQUE D'ANTAN

En résumé, l’origine de la créance est toute nationale, la créance n’est pas contestée, elle n’est pas frappée de déchéance, sa reconnaissance ne peut amener des réclamations de même nature. J’espère donc que la chambre, conformément à la décision rendue l’année dernière, accueillera la pétition ; je parle au nom d’un intérêt qui m’est cher, sans doute, mais je parle aussi sous la garantie de tous les rapports présentés à la chambre, notamment par M. Lacrosse, M. Chasles et par un ancien ministre des finances, M. Laffitte. 



Je puis m’étonner que les conclusions du rapport soient combattues par un cabinet dont le chef commandait l’armée à laquelle les fournitures ont été faites. Si M. le maréchal Soult était présent à la séance, je l’adjurerais de vous dire avec quels élans de patriotisme et quelle abnégation ces sacrifices furent supportés par les populations des Pyrénées. Par ces motifs, j’appuie les conclusions de la commission. 




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M. Dugabé, rapporteur. 



Je ne pense pas que la chambre ait le projet de prononcer sur cette question sans que la commission ait été admise à répondre quelques mots au discours de M. le ministre de l’intérieur. Il ne faut pas croire que lorsqu’une commission de la chambre examine pendant longtemps une affaire, que toutes les pièces y relatives passent sous ses yeux, et qu’après ce mûr examen elle vient, contre le gré du Gouvernement, demander le renvoi d’une pétition, il n’y ait au fond de cette affaire quelque chose qui atteste le droit de ceux qui réclament. Nous avions parfaitement prévu l’objection de M. le ministre de l’intérieur, et la chambre me permettra de ramener en quelques mots cette affaire à sa véritable signification, et elle verra que, non-seulement elle est d’une nature spéciale, mais que le droit des communes ne peut pas même être contesté par M. le ministre. Laissons de côté l’origine de la dette, tout ce qu’elle a de sacré pour le pays ; oublions les circonstances dans lesquelles elle a pris naissance ; imitons M. le ministre et renfermons-nous dans les termes de la procédure elle-même. 



Après 1814, il y eut lieu à liquider des fournitures de guerre ; quel fut le département qui se présenta en première ligne ? Ce fut celui des Basses-Pyrénées, et on liquida, dès 1825, la somme qui était due ; le liquidateur était une commission nommée par le Gouvernement ; mais le liquidateur définitif était M. le ministre de l’intérieur. La dette fut donc reconnue et fixée. Depuis ce moment l’administration départementale des Basses-Pyrénées a fait des réclamations incessantes auprès du Gouvernement pour être payée. Pourquoi les départements n’ont-ils pas été payés ? Parce que le Gouvernement a distrait de leur destination les fonds qui devaient servir à payer cette dette. 




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M. Le Ministre des Finances. Non ! non! 



M. Dugabé

M. le ministre des finances dit non ; j’ai dans les mains un discours de lui dans lequel il dit oui. Ce n’est pas la première fois que cette pétition vient devant la chambre, et c’est ici que j’appelle votre attention, pour apprécier la situation vraiment extraordinaire faite aux communes de ce département. 



Dès le commencement, le ministère hésitait dans ses réponses, parce qu’il résultait des tableaux annexés à la loi, que les sommes provenant des centimes additionnels avaient été diverties de leur destination, et que si le Gouvernement ne payait pas, c’est parce qu’il avait employé les sommes à autre chose qu’à ce quoi elles étaient destinées. 



En 1834, une pétition est apportée devant la chambre ; je vous prie de bien saisir ce qui s’est passé à cette époque. La commission demandait le renvoi au ministre. Que répondait le ministre ? J’ai pris une décision ; il y a eu désistement devant le conseil d’Etat. Que voulez-vous me renvoyer, puisque j’ai déjà prononcé ? Et l’honorable président de la chambre, M. Dupin, donnant en quelque sorte du haut de son fauteuil une consultation, disait : "Mais revenez donc devant le conseil d’Etat, qui est seul compétent pour réformer la décision du ministre de l’intérieur." Eh bien, les communes ont suivi l’avis du savant jurisconsulte ; elles sont retournées devant le conseil d’Etat, et là est intervenue une décision par laquelle le conseil d’Etat se déclara incompétent. 



Les communes n’avaient donc d’autres ressources que le bon vouloir du ministre de l’intérieur. Et que M. le ministre me permette de lui dire que la ressource n’est pas d’un favorable augure, parce qu’il n’est rien de plus mauvais que son vouloir en cette matière. Alors les communes ne pouvant pas saisir une justice régulière, le conseil d’Etat se déclarant incompétent, s’adressent aujourd’hui à la chambre. C’est à la chambre que maintenant il appartient, non pas déjuger, mais d’apprécier la situation faite à ces créanciers de l’Etat. Cela peut-il être fait sans aucune espèce de difficulté ? Et pourquoi ne le feriez-vous pas ? On a cherché à vous effrayer ; on a dit : La réclamation se présente sous le chiffre modeste de 2 millions ; mais en réalité c’est 100 millions qui ne vous tarderaient pas à venir. 



Ne croyez pas, messieurs, que cela puisse être ; le ministre ne le croit pas, il sait que ce n’est pas possible. C’est ici que votre attention doit être plus spécialement appelée. 



Si la réclamation du département des Basses-Pyrénées était dans les termes ordinaires des affaires de cette nature, qu’il fût question de rouvrir le gouffre de l’arriéré, personne ne la soutiendrait ; mais il ne s’agit pas de cela ; le département des Basses-Pyrénées est le seul qui, aux termes de la loi, se trouve en dehors de toutes espèces de déchéance ; que le ministre de l’intérieur, que le ministre des finances viennent dire à la chambre qu’il y a déchéance, qu’ils montent à la tribune et repoussent la prétention des communes des Basses-Pyrénées, par ces mots qui, écrits dans la loi de 1823 et dans celle de 1834, peuvent être appliqués à toutes les communes de France pour des fournitures de même nature. 



Y a-t-il déchéance contre les communes des Basses-Pyrénées ? Non. Elles ont réclamé dans le délai de la loi ; leurs réclamations se trouvent dans les cartons du ministère ; elles ont été liquidées dans le délai de la loi ; la somme a été fixée dans le délai qui est imposé. Il n’y a donc pas déchéance contre ces communes. 



Que leur oppose-t-on ? Une fin de non-recevoir. Mais cette fin de non-recevoir n’existe pas, puisque la décision du conseil d’Etat est une décision d’incompétence. 



Pourquoi le conseil d’Etat s’est-il déclaré incompétent ? 




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Parce que les communes disaient au ministre de l’intérieur : Le fonds spécial est épuisé. Cela est vrai ; mais il n’est pas légalement épuisé. Voici la vérité dans celte affaire. 



Le trésor a reçu des sommes très considérables provenant des centimes additionnels. Le gouvernement impérial, dans les Cent Jours, a donné l’exemple de la violation d’un dépôt, il s’est servi des fonds provenant des centimes additionnels. 



Après cela, la restauration a rappelé à l’exécution des décrets rendus par l’empire ; mais, à son tour, le gouvernement de la restauration a violé les dépôts et a pris dans les caisses de l’Etat les sommes provenant des centimes additionnels. 



Le Gouvernement peut-il être admis à dire que le fonds spécial est épuisé ? Oui ; mais légalement épuisé, non. 



M. le ministre de l’intérieur disait tout à l’heure : "Il est légalement épuisé, nous sommes venus rendre compte aux chambres, et les chambres ont approuvé nos comptes." Mais l’approbation des comptes des ministres par les chambres ne peut pas anéantir les droits du tiers qui n’est pas représenté (Si ! si :) Jamais ! ce serait la violation de toute justice. (Oui ! oui!) Le tiers ne peut pas souffrir de ce que, en présentant un compte, on a démontré la régularité de ce compte quant au chiffre, mais non pas quant à la destination du fonds. 



C’est le ministre de l’intérieur qui a détourné les fonds, c’est donc à lui que la pétition doit être renvoyée. 



Les conséquences de la décision de la chambre sont énormes. Il ne faut pas, comme je le disais tout à l’heure, apprendre aux populations qu’un long temps écoulé suffit pour anéantir un droit. Cela ne peut pas être ; il ne suffit pas que le Gouvernement s’enveloppe dans les lenteurs de la procédure ou de la bureaucratie, pour qu’il soit admis ensuite à dire, après de longues années, qu’un fonds est épuisé, ou qu’il y a fin de non-recevoir, alors que cela ne repose que sur des mots qui tendent à effrayer la chambre. Il n’y a, en dehors du chiffre dont je parle, aucun autre chiffre. (M. Teste, ministre des travaux publics, entre en ce moment dans la salle.) Je vois précisément entrer M. le ministre des travaux publics, qui a soutenu la pétition ; Je l’entendrai avec bonheur répéter ce qu’il disait en 1834, c’est qu’il n’y a jamais eu de demande plus juste et plus digne d’intérêt. (Aux voix ! aux voix ! )."



A suivre...




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