LA MAISON MAUMÉJEAN À HENDAYE EN 1926.
C'est au début des années 1920 qu'est édifiée à Hendaye une immense manufacture de verrerie par les frères Mauméjean.
BUREAUX MAUMEJEAN A PARIS |
Signalée, dès 1911, dans les annuaires commerciaux de la Seine, l'antenne parisienne
de Mauméjean Frères, dirigée par le benjamin de la fratrie, Charles, connut un développement
significatif après la Première Guerre mondiale.
Confrontés à un formidable afflux de commande, les frères Mauméjean, dont la production
était, dès le début des années 1920, répertoriée dans quelque cinq mille cathédrales, basiliques
et chapelles, édifièrent alors une immense manufacture, à Hendaye.
LES FRERES MAUMEJEAN AU TRAVAIL
PAYS BASQUE AUTREFOIS
PAYS BASQUE AUTREFOIS
Prenant part à l'Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels
modernes organisée à Paris, en 1925, les peintres verriers édifièrent leur propre pavillon sur
le quai d'Orsay et la maison Mauméjean Frères reçut le grand prix.
AFFICHE EXPO INTERNATIONALE ARTS DECORATIFS PARIS 1925 |
PAVILLON MAUMEJEAN PARIS EXPO ARTS DECORATIFS 1925 |
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 19
septembre 1926 :
"L'industrie du vitrail au Pays Basque. Une visite à MM. Mauméjean Frères à Hendaye.
Sur la route qui va de Hendaye à Béhobie s’érige un important groupe de maisons ; l'une d'elles intrigue notamment par son architecture toute particulière. Sa partie supérieure est formée d’immenses panneaux de verre. Est-ce une serre ou un bâtiment industriel ?
Ni l’une ni l'autre, cette immense bâtisse est l’atelier de MM. Mauméjean frères, maîtres verriers universellement connus dans le monde des arts. C’est là que M. Joseph Mauméjean travaille dans le calme ayant sans cesse sous les yeux le féerique panorama de l’estuaire de la Bidassoa, dont les aspects multiples et les coloris changeants ne doivent pas être étrangers aux sources inspiratrices auxquelles il puise.
VITRAIL MAUMEJEAN PAYS BASQUE AUTREFOIS |
Pressenti de notre visite M. Joseph Mauméjean nous reçoit avec son affabilité coutumière. Nous voici dans son studio transparent, inondé de lumière. Sur la table de travail sont disposés d'innombrables morceaux de verres de toutes couleurs. Sur chacun d’eux M. Mauméjean dessinera avec un fin pinceau trempé dans un oxyde métallique, les traits où les ornements correspondants. Après quoi les verres seront mis dans un four ad hoc où une seconde cuisson les fixera définitivement.
Devant nous, fixé à l’immense verrière, Saint Nicolas évêque de Myrrhe ordonne aux trois petits enfants de la légende de se réveiller de leur long sommeil. Le vieux saint est admirable et je ne sais ce que nous devons le plus admirer, la naïveté du dessin et son intense impression ou l’exceptionnelle richesse du coloris. Ce vitrail illumine et flamboie.
VITRAIL MAUMEJEAN PAYS BASQUE AUTREFOIS |
Tout de même ! ces maîtres verriers du XVe siècle !...
M. Mauméjean arque les sourcils.
— Que voulez-vous dire par là ? nous demande-t-il.
— C’est en regardant ce vieux vitrail...
— Quel vieux vitrail ?
— Mais Saint Nicolas !
M. Mauméjean sourit.
— Je regrette de vous enlever une illusion, mais ce vitrail est sorti de nos ateliers il n’y a pas quinze jours !
— Pas possible !
—- C’est comme j'ai l’honneur de vous dire.
— Cependant, je croyais que l’art des anciens verriers était perdu.
— Une légende ! des préjugés absurdes contre lesquels il est fastidieux et même odieux d’entamer une lutte interminable. Dites vous bien ceci, c'est que l'art des verriers du moyen-âge subsiste toujours. Voulez-vous un exemple ? connaissez-vous les vitraux de Notre-Dame de Paris ?
-—- Si, nous les connaissons !
— Connaissez-vous ceux des absidioles ?
— Si nous connaissons ces pieux chefs-d’œuvres du XIIIe siècle...
— Eh bien ces pieux chefs-d’œuvres ne sont nullement du XIIIe siècle mais de la seconde moitié du XIXe .
— Par exemple !
— De même que ceux de la Sainte Chapelle. Les trois-quarts ne sont que des reconstitutions !
VITRAIL MAUMEJEAN PAYS BASQUE AUTREFOIS |
L’isolement dont jouit notre industrie, continue M. Mauméjean, peut seul expliquer la conviction obstinée que conserve le monde au sujet de la peinture sur verre qu’il estime chose perdue. On conçoit à la rigueur que quelques moyens du genre de ceux qui appartiennent en particulier à chaque ouvrier ou à chaque école ait pu périr, mais il y loin de là à la perte totale de l’ensemble technique d’un art quelconque. La peinture à l'huile elle-même a bien perdu quelques-unes de ses ressources particulières et l’on discute encore sans jamais bien s’entendre ni s’accorder sur les procédés personnels de certains maîtres comme le Titien, Paul Véronèse ; à plus forte raison ces sortes de lacunes peuvent-elles exister dans une manière d’opérer plus complexe et moins connue. Mais cependant ne faut-il pas en abuser pour essayer de prolonger des mystères vraiment gratuits et ridicules.
Ce que nous avouerions plus facilement avoir été perdu et être plus difficile à retrouver c’est la naïveté du vieux type gothique ou la capricieuse entente de la couleur, ou encore les indications hardies et la science profonde des Jean Cousin, des Bernard Palissy, des Guglielmo da Marcilla, mais ceci est une question d’art et nullement une question de pratique.
BERNARD PALISSY |
Non ! continue M. Joseph Mauméjean, le secret des anciens n’est pas perdu s’il s’agit d’imiter à la lettre leur travail, de les pasticher pour ainsi dire... On a leur verre et leurs couleurs, on a même leurs procédés, mais ce qu’on n’a peut-être plus c’est l'intelligence qui présidait à la conception de leurs œuvres. Le grand secret, voyez-vous, c’est d’être de son temps.
Nous pouvons vous reconstituer très aisément n’importe quel vitrail des XIIIe, XIVe , XVe et XVIe siècles. Nous savons en quoi consiste le velouté et la profondeur de ces vieux vitraux. Regardez ce verre : il n’est pas rectiligne, il a, si je puis dire, des montagnes et des vallées, en plus il renferme dans ses épaisseurs quelques bulles d'air. La lumière joue sur ces montagnes et ces vallées, pénètre dans ces bulles d'air qui sont autant de prismes qui la décomposent et l’irradient. De là ce relief, de là ces couleurs profondes, chaudes, vibrantes, chantantes, de là l’intense poésie qui s’en dégage.
VITRAIL MAISON MAUMEJEAN |
Mais de même que tous les arts, celui du vitrail évolue lui aussi. Je vous ai dit que le grand secret est d’être de son temps. C'est une chose plus difficile que l’on ne pense. L’Exposition de 1925 a été une magnifique école d’émulation.
—- Exposition qui fut pour vous un véritable triomphe. Les récompenses les plus hautes furent pour vous et le mince ruban rouge qui orne votre boutonnière...
—- ... Ne parlons pas de cela, interrompt M. Mauméjean, mais plutôt des tendances nouvelles de l’art du vitrail. Venez dans le grand atelier et vous verrez vous-même.
VITRAIL MAUMEJEAN CATHEDRALE ALMUNEDA MADRID |
Dans l’immense hall, semblable à une ruche laborieuse où travaillent en une sereine ardeur une centaine d’ouvriers et d’ouvrières, resplendissent les deux magnifiques verrières représentées ci-joint. L’œuvre chante et flamboie ; oui, les Mauméjean n'ont rien à envier aux Pinaigrière, aux de Marcillat, aux Le Viel, aux Girolé et autres maîtres-verriers du Moyen-Age et de la Renaissance. Ils sont de leur temps et savent l’être.
— Un mot encore, M. Mauméjean, ne faites-vous que des vitraux d’église ?
— Que non pas, nous avons même une grosse clientèle particulière. Evidemment les travaux religieux seront toujours les principaux et les plus grands mais les travaux profanes prennent de plus en plus d’importance. L’habitation basque, notamment, se prête à nombre de combinaisons décoratives dans lesquelles le vitrail prend une place de plus en plus prépondérante. Vous avez pu voir combien les architectes ne notre région savent combiner les éléments du style basque avec ceux de la Renaissance, du style ogival et même du style roman. La place du vitrail y est souvent indiquée et concourt puissamment à l’embellissement de l’habitation.
— Quels sujets y traitez-vous ?
— C’est selon. Cela dépend du style de l’habitation et du goût du propriétaire. Nous l’aidons aussi de nos conseils. C’est ainsi que dans une salle à manger d'aménagement nettement Renaissance nous mettons des compositions rappelant celles du XVIe siècle, dans un hall moderne nous mettons des vitraux nettement modernes, ou si on le désire un paysage stylisé rappelant la région.
VITRAIL MAUMEJEAN EGLISE DU SACRE-COEUR BOURG EN BRESSE |
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