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lundi 14 juin 2021

LA LANGUE BASQUE ET LA LANGUE HONGROISE EN 1877 (quatrième et dernière partie)

 



LA LANGUE BASQUE ET LE MAGYAR.


Il existe depuis longtemps de nombreuses hypothèses sur l'origine de la langue Basque.

Vers les années 1860, le prince Louis-Lucien Bonaparte, linguiste distingué, trouve des similitudes entre les langues finno-ougriennes, dont le Magyar et la langue Basque.




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JULIEN VINSON



Voici ce rapporta à ce sujet Jules Vinson :



"...Les Basques n'offrent au surplus, au point de vue anthropologique, jusqu'à présent du moins, aucun caractère original et distinct autre que leur langage. Rien dans leurs mœurs ne leur est propre : c'est en vain qu'on a voulu retrouver chez eux la coutume bizarre de la couvade, observée encore aujourd'hui, dit-on, par les natifs de l'Amérique du sud et dans les plaines de la Tartarie. Elle consiste en ce que, lorsqu'une femme vient d'accoucher, le mari se met au lit avec le nouveau-né et le "couve" pour ainsi dire. Aucun voyageur moderne ou contemporain n'a retrouvé cette coutume chez les Basques ; quant aux témoignages historiques, ils se réduisent à un passage de Strabon que rien ne prouve s'appliquer aux ancêtres des Basques actuels et à diverses allusions de livres des deux derniers siècles. Ces allusions visent toujours les Béarnais, au dialecte desquels est emprunté le mot même de couvade.



Le prince L.-L. Bonaparte a découvert que "la lune" se dit en roncalais goikoa ; avec le préfixe jaun "seigneur", c'est le mot "Dieu" en basque actuel. Il a rappelé à cette occasion "le culte de la lune des anciens Basques". Le seul témoignage en faveur de ce culte est un passage de Strabon (Liv. III, IV, 16) où il est dit que les Celtibères et leurs voisins septentrionaux honorent un certain dieu anonyme par des danses devant leurs portes, la nuit, à la pleine lune. Mais il faudrait établir d'abord que les Celtibères et leurs voisins du nord étaient Basques.



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PRINCE LOUIS LUCIEN BONAPARTE



Un autre passage de Strabon a fourni des arguments aux ibéristes. Il dit (liv. III, IV, 18) que chez les Cantabres les filles héritent au détriment de leurs frères. M. Eug. Cordier a voulu, après Laferrière (Histoire du droit français), établir que cette disposition est l'origine du droit de primogéniture, sans distinction de sexe, qu'on retrouve plus ou moins dans toutes les coutumes de la région occidentale des Pyrénées. Il a développé cette théorie dans son intéressante étude sur l'Organisation de la famille chez les Basques (Paris, 1869). Mais un habile jurisconsulte de Bayonne, M. Jules Balasque, a démontré au t. II de ses remarquables Études historiques sur la ville de Bayonne (Bayonne, 1862 à 1875), qu'il n'y avait là rien de proprement basque et qu'il fallait y voir seulement, comme dans le privilège contraire de "juveignerie" de certaines coutumes septentrionales, une application du principe essentiellement celtique ou gallique de la conservation du patrimoine.




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LIVRE ETUDES HISTORIQUES SUR LA VILLE DE BAYONNE
DE JULES BALASQUE



En résumé, rien de moins établi, rien de moins sérieusement démontré que la théorie ibérienne. Le mot ibère est une expression vague, indéfinie et dont la signification exacte est assez obscure.



C'est parce que je crois nécessaire, à notre époque, de n'employer, dans une étude scientifique, que des termes de signification tout à fait précise, qu'en traduisant l'essai de M. Ribary, j'ai partout rendu nyelvtudomany par "science du langage" (qui en est la traduction littérale) ou par "linguistique", mais jamais par "philologie comparée". Pour être comparée, la philologie n'en est pas moins une science historique, tandis que notre science, qu'on la nomme glottique, glottologie, science du langage, linguistique, est exclusivement l'étude positive des phénomènes naturels. Ce point est aujourd'hui, ce me semble, tout à fait hors de doute, et il n'y a pas lieu d'y revenir après les travaux décisifs de Schleicher, de MM. Curtius, Chavée, Hovelacque, Pezzi et autres maîtres autorisés.



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ESSAI SUR LA LANGUE BASQUE 1877 
PAR JULES VINSON


On m'accusera peut-être de contradiction quand on remarquera que je me suis servi indistinctement des mots suomi et finnois ou de hongrois et magyare. Je sais bien que quelques personnes font une différence par exemple entre "hongrois" et "magyare", mais il s'agit surtout d'un nom de peuple ou d'idiome et je ne crois pas être obscur en employant l'un ou l'autre de ces noms, de même que je dis souvent "escuara" au lieu de "basque", dans le simple but d'éviter une répétition fastidieuse en français.



Si le hongrois ou magyare a été l'objet de nombreux travaux scientifiques depuis plus de cent ans, le basque ou escuara n'a point eu une telle fortune. On remarquera, si l'on veut bien jeter les yeux sur la notice bibliographique que j'ai placée à la fin de ce volume, que la plupart des publications indiquées sont de peu d'importance et que, sur quatre-vingt-seize livres ou brochures, soixante-et-onze sont postérieures à 1825. J'ai essayé de rendre cette notice aussi complète que possible ; j'y ai joint même une liste de journaux, de revues et de livres où il est question, fût-ce très-accessoirement, de la langue basque : inutile de dire que cette liste n'a en aucune façon la prétention d'être complète. Ce n'est là qu'un extrait, une partie détachée d'un grand travail bibliographique que je prépare en ce moment, et dont l'achèvement me demandera quelques années encore. Tout ce qui a été publié sur la bibliographie euscarienne est jusqu'à présent très défectueux. Les renseignements de certains auteurs espagnols en ce qui concerne les ouvrages intéressant les dialectes basques de la région transpyrénéenne sont tout à fait insuffisants. Ainsi M. de Soraluce dans son Historia général de Guipuzcoa (S. Sébastien, 1869, 2 vol., t. Il, appendice) et M. Rodriguez Ferrer dans sa monographie Los Vascongados, su pais, su lengua y el principe L.-L. Bonaparte (Madrid, 1873, in-8°) se contentent d'indications générales et vagues, et donnent souvent par à peu près en espagnol les titres des livres basques. Pour cette partie de la littérature euscarienne, le meilleur travail ou plutôt le moins mauvais que je connaisse est la Noticia du P. Zavala qui avait pour but de compléter les indications de Larramendi (Diccionario Trilingue, 1745, t. I, p. xxxiv-xxxviij ; 1853, t. I, p. xxx-xxxiij) et que le prince Bonaparte, acquéreur du manuscrit original, a fait imprimer en 1856. En France, on a beaucoup mieux fait, je me hâte de le dire ; ainsi les listes données par M. A. d'Abbadie (Études sur la langue euscarienne, en collaboration avec A. Chaho, Paris, 1836, prolégomènes) et par M. Francisque Michel (introduction aux Proverbes d'Oihenart, Paris, 1847, et le Pays basque, Paris, 1857, p. 440 à 534) sont relativement, malgré un assez grand nombre d'erreurs et de regrettables omissions, très satisfaisantes.



On trouve même de bonnes choses dans une compilation de M. Pierquin de Gembloux (Appendice à l'Histoire philologique et bibliographique des patois, 1858, 49 p.) où cependant le même ouvrage figure plusieurs fois sous des articles différents et où d'amusantes confusions ont été faites, rappelant la méprise classique du singe de Lafontaine.



J'ai entrepris de dresser l'inventaire exact des richesses de la littérature basque. Un pareil catalogue comprenait trois divisions naturelles, les livres en basque, ceux relatifs à la langue et au pays basques, enfin les journaux, les livres et les revues où des articles, des passages spéciaux sont accidentellement consacrés à la langue et au pays basques. Contrairement à ce qu'on pourrait supposer, c'est la première espèce de documents, ceux purement euscariens, qu'il m'a été le plus difficile de connaître en dehors des volumes qu'un hasard heureux a conservés dans quelques bibliothèques publiques de l'Europe. J'ai pu cependant recueillir déjà de précieux renseignements et retrouver quelques livres ou quelques éditions encore inconnus ; mais ma bibliographie, où certains articles exigeront d'ailleurs de longs développements, est encore loin d'être suffisamment complète pour voir le jour. J'en extrais seulement la partie relative à la linguistique pure, mais je sollicite pour elle toute l'indulgence du lecteur : il y trouvera l'occasion de nombreux desiderata. Telle qu'elle est cependant, cette liste pourra intéresser les amateurs et révéler d'utiles détails aux bibliophiles. J'ai donné le titre intégral de tous les ouvrages antérieurs au XIXe siècle et j'ai essayé d'en conserver autant que possible la disposition typographique. — Je n'ai pas compris dans cette liste les recueils de textes qui ne sont pas accompagnés d'observations grammaticales ; on n'y trouvera donc indiquées que quelques-unes des nombreuses et excellentes publications du prince L.-L. Bonaparte.



Je ne saurais trop remercier à cette occasion toutes les personnes qui ont bien voulu m'aider dans mes recherches, et surtout M. Fr. Müller qui a consenti à fouiller la Bibliothèque impériale de Vienne ; Miss Lœtitia Probyn qui m'a envoyé du British Museum d'excellentes notes ; le prince L.-L. Bonaparte qui m'a généreusement donné les renseignements les plus précis sur certains livres très rares qu'il possède ; M. Soulice le savant bibliothécaire de la ville de Pau. Mes amis Abel Hovelacque et Émile Picot ont droit également à toute ma reconnaissance ; car c'est à leur complaisance et à leur empressement que je dois de pouvoir faire paraître le présent volume.



J'ai cru devoir le terminer par un court vocabulaire, comprenant tous les mots basques qui y sont cités ; cette liste ne comprend ni les suffixes, ni les formes dérivées, excepté pourtant celles de quelques expressions postpositionnelles. Les noms y sont à l'indéfini, sans article, et les verbes y sont représentés par leurs participes passés. J'ai indiqué le plus souvent les principales variantes dialectales. L'ordre que j'ai adopté n'est pas l'ordre alphabétique ordinaire, mais celui beaucoup plus logique de la classification naturelle des sons et des bruits en voyelles, semi-voyelles, consonnes explosives, continues, sifflantes, etc. L'aspirée h, n'étant que d'un usage irrégulier et restreint, ne m'a pas paru devoir entrer en ligne de compte ; c'est pourquoi har-tu se trouvera placé entre ark et harzara, et ihardets-i entre i, hi et ibil-li. L'orthographe de tous les mots a été ramenée à un système uniforme, celui généralement adopté aujourd'hui.



J'ai mis tous mes soins à la lecture des épreuves qu'a vues aussi au fur et à mesure M. Ribary. Les lecteurs excuseront les fautes qui nous auront échappé ; mais je les prie instamment de se reporter à l'erratum, où d'importantes corrections sont signalées.



Au moment de livrer ces pages à l'imprimerie, je me demande si je n'aurais pas mieux fait de les retenir encore et si je n'aurais pas dû ajourner la publication d'un volume auquel les lecteurs sévères pourront adresser bien des reproches. Mais, outre qu'il n'est point mon travail exclusif, que je n'y ai même contribué que pour une assez faible part, je me dis qu'après tout l'absolu n'est pas de ce monde, que la perfection est seulement le but idéal d'une série d'imperfections progressivement diminuées, et qu'on use vainement sa vie quand on s'adonne orgueilleusement pour soi seul à l'étude et qu'on préfère ne rien écrire que de publier des livres qui ne soient point irréprochables. Ils sont rares et bien heureux les travailleurs dont la science seule absorbe tous les instants, les hommes assez libres d'esprit pour mener également bien de front plusieurs occupations diverses et qui n'ont pas à subir les ennuis, à conjurer les soucis incessants de la vie matérielle et pratique. Aussi n'avons-nous plus cette rigueur des anciens maîtres et ne prenons-nous plus dans leur sens étroit les préceptes analogues au suivant du poète tamoul Tiruvalluva : "Garde-toi dans un travail de tout défaut destructeur ; ceux qui n'ont pas corrigé les défauts de leur travail, le monde les rejette".


Julien Vinson.

Bayonne, le 18 octobre 1876."



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