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lundi 21 juin 2021

L'ÉCRIVAIN ANDRÉ LICHTENBERGER ET LE PAYS BASQUE EN 1924

ANDRÉ LICHTENBERGER AU PAYS BASQUE EN 1924.


Emile André Lichtenberger est un historien spécialiste du socialisme, un essayiste et romancier français.

Elève au lycée de Bayonne, il restera toujours attaché au Pays Basque sur lequel il a écrit plusieurs livres.




pays basque historien ecrivain
ANDRE LICHTENBERGER 1930


Voici ce que rapporta la revue La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 11 mai 1924 :


"C’est du Pays Basque que je vous adresse ces lignes. C’est un des endroits du monde qui me sont le plus intimement chers. 



Parmi mes souvenirs d’enfance, les plus précieux s’y rapportent.



Quand il nous fallut quitter quitter l’Alsace, c’est là que nous vînmes chercher une terre accueillante, un climat plus doux, la santé. Après ma mère, de sa collaboration avec elle, c’est sans doute à lui que je dois d’avoir vécu.



Dans la grand’rue de Saint-Jean-de-Luz, juste en face l’église, une vieille demoiselle habitait une antique maison. Tout seul, un garçonnet blond et pâle était admis, en des jours solennels, à déjeuner en face d’elle. J’ai encore dans les narines l’odeur de bois et de cire de l’escalier aux marches usées, sur la langue le goût sucré de l’épaisse sauce tomate qui accompagnait le poulet, et dans l’œil les dessins à la Daumier qui ornaient un petit endroit réservé à certains isolements. Les merveilleux coquillages du salon, et l’énorme poisson desséché, tout rond, hissé de piquants, qui ornait une console m’ont fait entrevoir les mystères de la vie obscure dans les océans. Et le petit Trott en garde l’image avec moi.



livre pays basque
LIVRE LE PETIT TROTT D'ANDRE LICHTENBERGER



Une autre silhouette qui m’est demeurée présente, c’est celle de Julie, la vieille Basquaise. Elle nous apportait l’eau dans une grande cruche noblement posée sur sa tête. Elle me paraissait déjà infiniment vieille. Je l’ai revue, il y a vingt-cinq ans. A cette époque elle avait encore une dent dans sa bouche qui riait toujours.



Au moment des tempêtes d’équinoxe, l’écume des lames franchissait la jetée, s’abattait jusque sur les vitres de la maison qu'un petit pont de bois lui réunissait. Quelquefois, au matin, il y avait un bateau à la côte, et la plage était couverte de débris pareils à des ossements.



Le décor superbe de la Rhune est un des premiers qui se gravèrent dans ma mémoire. Cette montagne qui a 900 mètres de haut fut mon Haurisankar et mon Olympe.



Il y avait les grandes parties de pelote, de village à village, et, plus angoissante encore, entre Espagnols et Français. Je revois les silhouettes des trois frères Larronde, Hiataz, le géant d’Hasparren, Chilar de Souraïde...Il y a quelques années encore, on rencontrait celui-ci voûté et amaigri, mais toujours l’œil aigu, le nez coupant et la bouche railleuse, à Biarritz, le jour de la fête des Basques. Il y eut un petit prodige, le jeune Otharré, qui, bien plus tard, enseigna la pelote à Loti, devint un gros aubergiste à Ascain et est mort l’an dernier. A l’égal d’Achille aux pieds légers, du Général Dourakine et du "capitaine de quinze ans", ces héros exaltèrent mon âme. Les grandes batailles de ces Illiades se jouaient au rebot, à "Chistera". Un chanteur proclamait les points. Quand sonnait l’Angelus, les gestes souples s’immobilisaient et tous les fronts se découvraient jusqu’à ce que Dieu eût passé.



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LE CHANTEUR DE POINTS A LA PELOTE : FERDINAND



Plus tard nous nous fixâmes à Biarritz. Il me fallait faire mes classes au lycée de Bayonne. J’y eus des succès flatteurs, notamment en philosophie où je ramassai tous les prix. Mais Biarritz est moins imprégné de la vie traditionnelle, plus moderne que St-Jean-de-Luz. Il l’emporte par la splendeur du site. J’ai vu pas mal de mers. Rien qui égale les tempêtes déchaînées sur le plateau du phare où les immenses houles de la côte des Basques ou de la Chambre d’Amour.



Des marins qui ont fait plusieurs fois le tour du monde sont de mon avis.



Jusqu’à la guerre, chaque année, depuis que j’ai cessé d’habiter "le Pays", j’y suis retourné avec les miens pour les mois de vacances. Après moi, mes petites parisiennes de filles lui ont dû la santé. Maintenant apprend à y barboter la nouvelle génération. Chaque année, de ce coin incomparable, les délices me sont apparues plus prenantes.



Jadis je l’aimais seulement. Depuis vingt ans j’ai passablement voyagé, parcouru toute l’Europe, un peu d’Orient, des parcelles d'Asie et d’Afrique. Je sais maintenant que je le préfère. Ivre d’Egypte et de l’Acropole, je l’ai chéri davantage. Durant la guerre rentrant du Maroc flamboyant à travers l’Espagne, en feu, c’est là que je retrouvais la nuance et la grâce mesurée, plus belles que la beauté. C’est là que désormais j’ai mes plus belles attaches.



En quoi proprement consiste le charme du Pays Basque ? Il résulte, avant tout, je pense, de son unité profonde, grave et douce, et de l’harmonieuse variété en quoi elle se décompose. Il n’a rien de la violence un peu théâtrale de la Côte d'Azur. Il est noble, nuancé, discret, ne se livre complètement qu’à qui sait méditer son sourire. Ses routes blanches, ses chemins creux, ses villages aux maisons élégantes et sévères comme ses matrones, sont d’une beauté sobre et sûre. Le mystère de sa montagne égale celui de son océan. Il y a quelques années à peine que l’on commence à visiter, près de Tardets des gouffres pareils aux "canons" du Colorado. Ses forêts ont des gravités de temple. Et ses torrents guillerets sautillent comme des fandangos.



La lumière y est prodigieuse. Dans les jours de vent du Sud, les plans se rapprochent, tout est cru et dur. Certaines nuits lunaires ont l’éclat d’un orient bleui. Les couchers de soleil d’Octobre flamboient dans la braise aveuglante ou s’alanguissent dans tous les tons indicibles de la nacre et de l’opale.



Et ces grâces des choses s’accroissent de la grâce des hommes. Si loin que remontent les siècles, sur la vieille terre d’Aïtor, entre sa mer et ses montagnes, est demeurée, cramponnée au sol, la même race étrange, jalouse de son âme. Je sais : l’émigration l’a appauvrie. Et l’invasion de l’étranger, la tendance de l’âge moderne à tout unifier, à tout égaliser, a enlevé quelque chose à son âpre originalité, comme elle a fait disparaître en partie ses anciennes coutumes. Tout de même, elle conserve une dignité, une pureté, une fidélité à ses usages qui la maintiennent elle-même. Aux fêtes de Sare et d’Urrugne, cette population, aux traits nobles, aux attitudes magnifiques, au parler déconcertant, n’a rien d'une foule villageoise. Pas plus que le diable ne put apprendre son langage, la démocratie universelle n’a pu la déraciner. Ici, semble-t-il, les choses sont moins passagères, moins fugaces, moins vulgaires qu’ailleurs sur la terre. Dans ce pays, l’atmosphère est paisible et rassurante aux vivants. Et la mort y est moins laide. Les hideux cimetières de nos grandes villes lui confèrent une horreur factice. Goûter le repos éternel, dans la grande nécropole de Scutari ou sur la grève de Rabat n’a rien d’effrayant. Tout de même j’aimerais encore m’endormir dans un petit cimetière basque, que je sais, familier et discret, entre l’église fraîche aux vastes balcons de bois où viennent prier les vieilles et la place du jeu de paume où les pelotes claquent au mur, tandis que sous le joug, deux grands bœufs blancs traînent un char aux roues pleines, précédés d’un pâtre qui lève l'aiguillon d’un geste ancestral, et lance, dans la paix du soir, un chant guttural, séculaire et mélancolique."



(Source : Wikipédia)




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