ANDRÉ LICHTENBERGER AU PAYS BASQUE EN 1924.
Emile André Lichtenberger est un historien spécialiste du socialisme, un essayiste et romancier français.
Elève au lycée de Bayonne, il restera toujours attaché au Pays Basque sur lequel il a écrit plusieurs livres.
Voici ce que rapporta la revue La Côte basque : revue illustrée de l'Euzkalerria, le 11 mai 1924 :
"C’est du Pays Basque que je vous adresse ces lignes. C’est un des endroits du monde qui me sont le plus intimement chers.
Parmi mes souvenirs d’enfance, les plus précieux s’y rapportent.
Quand il nous fallut quitter quitter l’Alsace, c’est là que nous vînmes chercher une terre accueillante, un climat plus doux, la santé. Après ma mère, de sa collaboration avec elle, c’est sans doute à lui que je dois d’avoir vécu.
Dans la grand’rue de Saint-Jean-de-Luz, juste en face l’église, une vieille demoiselle habitait une antique maison. Tout seul, un garçonnet blond et pâle était admis, en des jours solennels, à déjeuner en face d’elle. J’ai encore dans les narines l’odeur de bois et de cire de l’escalier aux marches usées, sur la langue le goût sucré de l’épaisse sauce tomate qui accompagnait le poulet, et dans l’œil les dessins à la Daumier qui ornaient un petit endroit réservé à certains isolements. Les merveilleux coquillages du salon, et l’énorme poisson desséché, tout rond, hissé de piquants, qui ornait une console m’ont fait entrevoir les mystères de la vie obscure dans les océans. Et le petit Trott en garde l’image avec moi.
LIVRE LE PETIT TROTT D'ANDRE LICHTENBERGER |
Une autre silhouette qui m’est demeurée présente, c’est celle de Julie, la vieille Basquaise. Elle nous apportait l’eau dans une grande cruche noblement posée sur sa tête. Elle me paraissait déjà infiniment vieille. Je l’ai revue, il y a vingt-cinq ans. A cette époque elle avait encore une dent dans sa bouche qui riait toujours.
Au moment des tempêtes d’équinoxe, l’écume des lames franchissait la jetée, s’abattait jusque sur les vitres de la maison qu'un petit pont de bois lui réunissait. Quelquefois, au matin, il y avait un bateau à la côte, et la plage était couverte de débris pareils à des ossements.
Le décor superbe de la Rhune est un des premiers qui se gravèrent dans ma mémoire. Cette montagne qui a 900 mètres de haut fut mon Haurisankar et mon Olympe.
Il y avait les grandes parties de pelote, de village à village, et, plus angoissante encore, entre Espagnols et Français. Je revois les silhouettes des trois frères Larronde, Hiataz, le géant d’Hasparren, Chilar de Souraïde...Il y a quelques années encore, on rencontrait celui-ci voûté et amaigri, mais toujours l’œil aigu, le nez coupant et la bouche railleuse, à Biarritz, le jour de la fête des Basques. Il y eut un petit prodige, le jeune Otharré, qui, bien plus tard, enseigna la pelote à Loti, devint un gros aubergiste à Ascain et est mort l’an dernier. A l’égal d’Achille aux pieds légers, du Général Dourakine et du "capitaine de quinze ans", ces héros exaltèrent mon âme. Les grandes batailles de ces Illiades se jouaient au rebot, à "Chistera". Un chanteur proclamait les points. Quand sonnait l’Angelus, les gestes souples s’immobilisaient et tous les fronts se découvraient jusqu’à ce que Dieu eût passé.
LE CHANTEUR DE POINTS A LA PELOTE : FERDINAND |
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