LE CENTENAIRE DE LA NAISSANCE DU CARDINAL LAVIGERIE EN 1925.
Charles Martial Lavigerie, né le 31 octobre 1825 à Huire, en Saint-Esprit (ancienne commune des Landes), et mort le 26 novembre 1892 à Alger, est nommé archevêque d'Alger en 1867, ministre qu'il conserve en devenant archevêque de Carthage en 1884.
BAYONNE 15 DECEMBRE 1925 CENTENAIRE LAVIGERIE SOURCE GALLICA.BNF.FR |
Voici ce que rapporta à ce sujet, le journal La Petite Gironde, dans son édition du 23 décembre
1925 :
"Le centenaire de Lavigerie.
Un magistral discours de M. Léon Bérard.
L'enfance de deux grands Bayonnais.
Vers 1840, deux enfante, à la saison des vacances, animaient de leurs ébats fort dissemblables les maisons de campagne contiguës que leurs parente possédaient aux environs de Bayonne. Celui-ci faisait la chasse aux papillons, dénichait les oiseaux, élevait des bouvreuils en cage. Il voulait être marin : c'était Léon Bonnat. L'autre, qui s'appelait Charles Lavigerie, jouait à la procession, menant par les charmilles de l'enclos tout un cortège de serviteurs et de compagnons de son âge, où il assumait avec une autorité déjà irrésistible les rôles du clergé, du chantre et du bedeau. La cérémonie ne se terminait point sans que le jeune célébrant eût adressé aux fidèles une courte homélie. Mais la liturgie de plein air ne suffisait point à contenter son zèle : il avait dressé dans le grenier de la maison un petit autel où sa piété s’exerçait à des rites plus intimes et plus augustes.
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Si Bonnat, de qui nous tenons ces souvenirs, eût suivi son inclination première et pris la mer, se fût-il élevé, dans la marine, aussi haut que dans la libre hiérarchie où il devait s'engager ? Est-ce lui, au lieu de l'amiral Duperré, qui aurait reçu un jour, de son ami le cardinal, aux accents d’une "Marseillaise" inattendue, le foudroyant conseil de servir la République ? Insondable mystère que la vocation, et bien propre à exercer la modestie des pédagogues qui prétendent connaître à des signes certains les aptitudes des enfante et se flattent de les "orienter", comme ils disent, scientifiquement. A l'âge du baccalauréat Louis Pasteur, jugé médiocre en chimie, n'excelle et ne brille vraiment qu’en aquarelle. Léon Bonnat, qui fera de la peinture à l’huile, rêve d'explorer les océans. Sans aucun doute, l'appel du sanctuaire a résonné fortement dans l'enfance pieuse et grave de Lavigerie. Comme le héros biblique, selon Alfred de Vigny, il est "déjà l'élu du Tout-Puissant". Encore faudra-t-il beaucoup de circonstances heureuses ou d'arrangements providentiels pour qu'il trouve le chemin de sa terre promise et le lieu de son grand destin. Lui qui va fonder un empire spirituel et reculer jusqu’au delà des déserts les frontières du christianisme, il se prépare à conduire une paroisse de campagne. Ses rêves de carrière les plus orgueilleux lui décrivent des avenues sans traverses qui aboutissent au presbytère de Sauveterre ou de Morlaas, puisque son ignorance de le langue basque lui interdit l'ambition de catéchiser à Espelette ou à Saint-Etienne-de-Baïgorry. Lavigerie sera prêtre, il est né prêtre...
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Car des deux petits Bayonnais, que leurs goûts et leurs jeux séparent, en attendant que l'amitié les réunisse, ce n'est point le chasseur de papillons, le rêveur, l'artiste, qui a été promis à une destinée semée d'obstacles et secouée de tourmentes. Par l'acuité profonde des œuvres d'art, il se haussera sans grandes luttes et sans accès de fièvre jusqu'au rang de Conseiller d'Etat de la peinture. Il y exercera, entouré de justes honneurs, une autorité magistrale que l'envie elle-même se lassera de récuser. C’est dans la carrière du jeune amateur de liturgie, du séminariste précoce, que se rencontrera ce caractère de haute et brillante aventure où nous croyons discerner comme le romanesque des âmes d'élection, si ce n'est la marque même de ceux qui peuvent être dits les "enfants du tonnerre".
Si divers que fussent par leurs dons et par leur destin ces deux nommes, Bayonne les a dès longtemps réunis parmi ses génies tutélaires ; elle s’enorgueillit à bon droit d’avoir nourri leurs premiers rêves de sa tranquille et inaliénable beauté. Elle a magnifiquement célébré la gloire du grand artiste, dont l’œuvre et la piété filiale avaient accru son renom et sa richesse. Avec l'Afrique du Nord, avec Paris et Nancy, avec toute la France pouvons-nous dire, elle exalte aujourd’hui le nom et le souvenir du Bayonnais d'Eglise qui a augmenté par son génie et par ses travaux le patrimoine historique des Français.
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L’hommage de la Cité.
Que M. le Maire et ses collègues de la municipalité de Bayonne en soient loués : il ne manquera rien à ces honneurs, de ce qui peut convenir à l’illustre mémoire qui les aura reçus. Ils ont mis à préparer cette fête un sens délicat des nobles traditions de leur cité. Ici, c'est la Ville tout entière, unanime dans la diversité de ses familles spirituelles, qui vient honorer le missionnaire épique dont le patriotisme aussi bien que la foi animait la parole lorsqu'il prêchait à son siècle l'unité dans la paix. La Ville s'est montrée docile au conseil de son histoire. Il lui est souvenu de ce qui dure et de ce qui demeure en dépit de tous les changements de la vie publique : cette communauté d'habitudes morales qui fait que noue sommes d'accord au moins sur nos gloires et sentons d’un même cœur les grandes actions et les fortes pensées. Par un sentiment de l'hospitalité, qui confond chez elle avec l'amour des libertés locales — juste orgueil nobiliaire des communes — elle n'a pas voulu que son rôle, en ces journées jubilaires, parût s'opposer à aucun autre.
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