RÉOUVERTURE DE LA FRONTIÈRE EN 1947 ?
La frontière entre l'Espagne et la France s'étend sur 623 kilomètres le long des Pyrénées et a connu, dans son histoire, de nombreuses fermetures.
FRONTIERE HENDAYE AOÛT 1947 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Cela touche profondément les relations transfrontalières au Pays Basque.
A la Libération, en particulier, la frontière entre les deux pays est fermée le 1er mars 1946, à la
suite de problèmes politiques entre le régime franquiste et le gouvernement provisoire français.
En septembre 1947, on parle de la réouverture de la frontière, dans un article de Louis
Pauwels, publié dans le journal Combat (journal né dans la Résistance et bénéficiant de
signatures prestigieuses), le 25 septembre 1947 :
"Côte d'Argent et frontière d'Or.
Faut-il reprendre les relations commerciales avec l'Espagne de Franco ?
De notre envoyé spécial Louis Pauwels.
Le 12, les journaux régionaux publiaient la dépêche suivante : "St-Sébastien, 11 septembre. —
On déclare dans les milieux informés que la frontière franco-espagnole sera rouverte d'ici une quinzaine de jours, avec quelques restrictions."Les "quelques restrictions" sont peut-être là pour sauver les restes des principes politiques et moraux qui justifient la fermeture. On restreint et on s'en va...
Il m’a semblé que pour tous les Basques, sauf les communistes, cette fermeture de la frontière apparaît comme parfaitement dépourvue de raison. On ne se soucie guère des principes, en effet. On mesure seulement les avantages commerciaux qu'il y aurait à pouvoir communiquer librement avec l’Espagne. Et enfin, je dois bien le dire, assez nombreux sont les Basques qui considèrent sans antipathie le gouvernement de Franco.
Une soirée du Souvenir français.
Un soir, je suis allé dans une curieuse boite de nuit. On y donnait une fête au profit de l’organisme chargé d’entretenir le souvenir des héros de la Résistance. Ce cabaret a été aménagé dans les ruines d’une église bâtie en 1591 sur une colline dominant St-Jean-de-Luz. L’église fut détruite sous Napoléon par les Espagnols. Puis abandonnée. Puis transformée en poste d'observation fortifié par les Allemands, en 1942.
STE BARBE ST JEAN DE LUZ 1947 PAYS BASQUE D'ANTAN |
Ainsi l’on danse aujourd’hui sur ces dalles, trois fois martyrisées. La soirée était présidée par le sculpteur Réal del Sarte, qui fit un discours bien émouvant. Ensuite de quoi, il me confia sa douleur de savoir son maître Maurras en prison. Et aussi sa douleur de voir le pont international d’Hendaye désert.
Cette petite soirée, dans ce cadre, me parait tout à fait exemplaire. On ne pouvait rêver plus grande confusion.
Toutes les raisons ne sont pas mauvaises.
Il est évident que la réouverture de la frontière ferait cesser le grand trafic dont je parlais hier, qui appauvrit la France. Quant à la petite contrebande, elle fait partie du folklore basque, mais il est certain que le commerce avec les ventas se trouverait extrêmement réduit.
Et puis la France est seule à observer une telle position à l’égard de l'Espagne, se privant ainsi d’échanges commerciaux, parait-il précieux. Elle joue de l’autre côté des Pyrénées le Don Quichotte face au moulin. Telle est l’opinion générale en pays basque, où chacun ne partage pas, il s’en faut, les opinions politiques de M. Réal del Sarte.
Le maire d'Hendaye, socialiste je crois, me tenait ce même propos. Et l’on sait, enfin, que Priéto s’est prononcé en faveur de la réouverture.
Chez les républicains espagnols.
Mais tous les républicains espagnols réfugiés sur la Côte d’Argent ne sont pas de l'avis de Prieto. L’un d'eux m’expliquait que la reprise des échanges commerciaux ne serait que d’un avantage médiocre pour nous. L’Espagne ne possède ni céréales, ni viande, ni charbon, ni électricité en excédent. La production du sucre s’est écroulée ; l’huile est vendue à l’Amérique et à l’Angleterre. Quant aux minerais de cuivre et de plomb, ils se trouvent actuellement absorbés par les industries hispano-américaines. Resteraient les oranges et quelques broutilles. Le gouvernement franquiste par contre, trouverait la possibilité d’importer notre matériel industriel, de première nécessité, et recevrait de notre geste, un bénéfice politique certain.
Je donne cette argumentation sans pouvoir m’y engager en aucune façon. Mais il faut avoir vu ces réfugiés s’entretenir avec leur famille demeurée en Espagne, en criant et en gesticulant sur la rive française de la Bidassoa, tandis que de l’autre côté de l’eau, entre deux de ces tristes guérites où les carabineros montent la garde, les vieux parents tendent l’oreille. Il faut avoir un peu fréquenté les derniers évadés d’Espagne qui racontent leurs cinq ou leurs huit années d’emprisonnement, le dernier passage à tabac, la dernière séance du "tourniquet" qui est un petit appareil à briser les chevilles en usage dans les geôles catalanes, pour comprendre que ces hommes n’approuvent guère la réouverture de la frontière.
Mais quoi ? Il faut avouer que la rupture des relations avec l’Espagne est une mesure sans effet. La France ne peut pas espérer par là peser sur le destin politique du franquisme.
L'appel à l'opinion internationale est resté sans réponse. Cependant, la France ne peut pas ne cas soucier de la liberté du peuple espagnol. Et n'y aurait-il point d'autres méthodes plus efficaces, comme celles qu’employèrent certaines puissances au temps de la guerre civile, qui permettraient d’aider financièrement et matériellement les républicains espagnols ?
HENDAYE 1947 PAYS BASQUE D'ANTAN |
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