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lundi 8 juin 2020

IMPRESSIONS SUR LE PAYS BASQUE EN 1919 (deuxième partie)


IMPRESSIONS SUR LE PAYS BASQUE EN 1919.


En juillet 1919, on redécouvre, dans la presse, le Pays Basque.


litterature basque
LA REVUE MONDIALE OCTOBRE 1919



Voici ce que rapporta à ce sujet La Revue Mondiale, dans son édition du 1 juillet 1919 :



"Impressions sur le Pays Basque.




...On trouve des Basques surtout en Argentine, 250 000 — disait dans "l’Action Sociale" de Québec, le 26 octobre 1908, mon confrère, le Dr E.-A. Brisson, mais on en trouve aussi au Canada, à San-Francisco, dans l'Uruguay. Les missionnaires basques sont nombreux aussi ; là-bas, au Japon, au Maroc, aux Indes... Le cardinal Lavigerie, dont on sait le rôle en Afrique, était Basque, "donc têtu", disait-il.




Les hommes se vouant aux bestiaux sont bergers, domestiques..., ils les font croître et multiplier, en deviennent propriétaires, puis achètent les champs nécessaires à leur pâture, édifient des habitations dans la pampa ; et selon les voies de communications créées et qui donnent à telle ou telle contrée, une plus-value, deviennent plus ou moins riches. La Terre Natale, de Victor Margueritte, bien que s'appliquant à un lorrain émigré, nous décrit la vie du colon en Argentine avec précision et élégance. Les femmes qui partent seules, vont, là-bas, comme domestiques, à cause de l'élévation des gages, bien qu'à Biarritz, à Bordeaux proches, ils sont sensiblement les mêmes, mais à Montevidéo et à Buenos-Ayres, elles ont plus de chance d’épouser un de leurs compatriotes.



litterature france emigration
LA TERRE NATALE
DE VICTOR MARGUERITTE

Au dehors de chez lui, le Basque s'adapte à son milieu nouveau, alors qu'il ne veut en rien changer ses habitudes au pays natal ; un détail insignifiant, mais typique entre autres : allez le lundi au marché de Saint-Jean-Pied-de-Port et essayez d'acheter une seule volaille, un seul poulet, ou un seul canard, impossible ; les volailles sont liées par paire, on ne les sépare pas, demandez pourquoi, et vous aurez l'invariable réponse que "c'est l'habitude" !




L'émigration les change au pays où ils vont, mais revenus chez eux, ils sont vite repris par les habitudes anciennes et l'ambiance. L’émigration aurait augmenté depuis l'introduction du service militaire. Déserter n'est même pas un délit, et cependant les Basques sont très braves et pendant la terrible guerre actuelle, combien nombreux ceux qui firent brillamment leur devoir et furent l'objet de belles citations. On trouve là, une des singulières contradictions — et elles sont nombreuses — que présente le caractère basque. Une autre, est celle de ce casanier si souvent devenu migrateur, voire explorateur. Leurs vieux pêcheurs de baleine qui harponnaient d'abord l'énorme cétacé dans le golfe de Gascogne, le suivirent, au fur et à mesure de sa disparition, au Groënland, en Amérique (avant sa découverte), à Terre-neuve, à Saint-Pierre et Miquelon...Corsaires, marchands, capitaines, marins, jadis, ont créé une sorte d'inquiétude atavique fournissant aujourd'hui les colons argentins et se conciliant avec l'esprit casanier basque.



corsaires pays basque autrefois
CORSAIRES
PAYS BASQUE D'ANTAN



L'insoumission atteignait autrefois son maximum au pays basque, dit M. L. Etcheverry, et cependant, vu sa natalité, les contingents fournis étaient de 9,5 p. 100 au lieu de 7,91 en France. Dès la loi de trois ans (qui fut réduite ensuite à deux ans), on n'émigrait plus guère pour échapper au service militaire, d'autant plus que celui-ci se faisait dans le pays ou presque, un peu partout pour les diverses régions de France. L'ancien service militaire au loin et le tour de France de l'ouvrier, qui révélaient tout notre pays à ses enfants et avaient leur bon côté, pour le progrès et l'union de tous les français, étaient passés de mode. Le Basque qui pouvait rester chez lui, émigrait alors moins, ou de meilleure heure, car parti avant l'âge de 15 ans révolus, il n'avait, pour n'être pas considéré comme insoumis, qu'à faire tous les ans une déclaration à son Consul, jusqu'à l'âge de trente ans. Beaucoup de nos Consuls à l'étranger, avant la guerre - j'ai pu en juger au cours de mes missions scientifiques - n'aiment guère hélas, à être dérangés par leurs compatriotes ; ceux-ci ayant, en outre, en l'espèce, parfois de longs voyages à faire pour les rencontrer, on peut se demander si ces formalités étaient souvent remplies ! mais on sait combien d'Argentins français, basques ou autres, revinrent d'enthousiasme pour la guerre, ce qui fut souvent un tort, exigé du reste par la France et non par l'Allemagne : nos unités de là-bas avaient un combat économique à soutenir : empêcher les Allemands d'envahir le commerce comme ils l'ont fait et d'où il sera sans doute difficile de les déloger ! Les Basques faillirent d'ailleurs être envahis au début de la guerre, les Allemands songeaient à pénétrer par l'Espagne dans le pays, la collaboration anglaise en France les en empêcha.



La vie y a très renchéri comme partout, les oeufs, par exemple, y montent de soixante centimes à quatre francs cinquantaine la douzaine...Des réfugiés qui furent sous la botte allemande et envoyés ensuite au pays basque, des Conférences de la Ligue française par le député-lieutenant Ybarnegaray, les prêtres-soldats en permission et prêchant dans les églises, apprirent quelque peu, à cette région privilégiée, les horreurs de la guerre, et la nécessité, même pour les Basques si loin du front, de combattre pour la mère-patrie !




III. — La Maison Basque. 



pays basque autrefois ferme
FERME BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Le village basque est caractérisé par la grandeur des maisons de cultivateurs, leur propreté et leur apparence de prospérité. Elles s’étalent, hautes d’un ou deux étages — l’un souvent plus apparent que réel, c’est-à-dire occupé par le foin, mais ayant des fenêtres semblables aux étages habités ; elles sont blanchies à la chaux, couvertes de tuiles rouges ; les portes sont larges et les fenêtres encadrées de pierre de taille sur lesquelles sont gravées des inscriptions quelquefois très anciennes, les noms de ceux qui les ont construites et la date : les époux, souche de la famille, se perpétuent ainsi. La façade est au soleil levant. Une cour est attenante où se trouvent les annexes : hangar à fumier, four à pain, porcherie et poulailler. Le verger et le jardin les entourent et le reste du domaine est le plus souvent aggloméré sous l’œil du maître.




Les maisons sont en général assez vastes, mais cependant n’ont que peu de pièces d’habitation. Les écuries, étables, niches à bestiaux sont souvent sous les pièces du premier étage ; l’entrée — la galerie, comme on dit à Paris où trop souvent l’on y sacrifie le reste de l’appartement — y est très vaste, au rez-de-chaussée, comme au premier étage ; au-dessus, les greniers à foin.



pays basque autrefois ferme
FERME
PAYS BASQUE D'ANTAN


La cuisine ne se fait qu’au bois dans une vaste cheminée et au charbon de bois, celui-ci sur deux petits fourneaux placés devant une fenêtre d’où trop souvent la fumée et l’oxyde de carbone sont renvoyés dans la pièce, très vaste d’ailleurs et où l’on reçoit (je ne parle pas des citadins, mais des paysans) ; des châteaux même ne sont pas mieux pourvus quant à la cuisson des aliments. Certains domestiques emmenés par leurs maîtres Parisiens dans le pays basque, en raison des Gothas, des Berthas, à partir du 23 mars, et de l’avance boche de fin mai 1918, s’y trouvèrent très désorientés, d’autant plus qu’il fut difficile de s’y loger. Le pays n’a pas les éléments voulus pour cela et le bénéfice en serait médiocre. La description des habitations permet de le comprendre aisément. Il fallut de hautes protections et de l’argent, pour partager le logis de l’habitant, les hôtels étant pleins, et le Basque attendant de connaître, avant de se livrer."



A suivre...



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