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samedi 20 juin 2020

L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1910


L'ÉMIGRATION BASQUE EN 1910.


Depuis le milieu du 19ème siècle, ce sont des centaines de milliers de Basques, du Nord et du Sud, qui ont émigré, principalement de l'autre côté de l'Atlantique.


emigration basque autrefois
EMIGRATION BASQUE
PAYS BASQUE D'ANTAN

Je vous ai parlé, à plusieurs reprises de l'émigration Basque, dans le monde entier, et en 

particulier, en Amérique, tant au Nord qu'au Sud.


Ce fut le cas pour les Messageries Maritimesd'un drame en 1949, des Présidents d'Amérique 

du Sud issus de l'émigration  Basque, des agents d'émigration, des bergers Basques aux Usa, de 

l'émigration Basque aux Philippinesde l'émigration en 1857, de l'émigration Basque au 

Mexique en 1939, de l'émigration Basque en Argentine en 1911, de l'émigration Basque en 

1928 , de la réussite des Basques en Amérique en 1907 et des Basques en Amérique du Sud en 

1883.




Voici ce que rapporta le journal La Politique Coloniale, le 30 juin 1910, sous la plume d'Henri 

Liber :



"L’Emigration Basque.




On évalue à 100 000 environ le nombre des Basques français qui, dans l’espace des soixante dernières années, ont quitté leur pays d’origine pour aller chercher fortune dans ce qu’aux rives de l’Adour on appelle "les Amériques". Ce chiffre, déjà considérable par lui même, apparaît presque invraisemblable lorsqu’on constate que la presque totalité de cette émigration a été fournie par deux régions, celle du Labourd et l’arrondissement de Mauléon qui, à elles deux, ne comptent guère plus de 120 000 habitants. Il y a là tout à la fois un cas de psychologie sociale et un phénomène économique tellement extraordinaires qu’ils eussent dû, semble-t-il, tenter la curiosité des historiens et des sociologues. Jusqu’ici cependant l’émigration basque n'avait fait l’objet d’aucune étude d’ensemble. M. l’abbé Lhande s’est proposé de combler cette lacune et de fournir la réponse aux problèmes qui se posent à l’occasion de cet énorme mouvement d’un petit peuple. Il nous apporte aujourd’hui le résultat de ses recherches et de ses observations dans un livre où la documentation la plus complète et la plus sûre s’ajoute à la connaissance approfondie de l’âme basque et dont un style élégant, parfois même éloquent, rehausse encore la valeur.



L'EMIGRATION BASQUE DE PIERRE LHANDE



Parmi les causes qu’on attribue généralement à l’émigration basque figure, en première ligne, la répugnance pour le service militaire et pour ses servitudes. M. l’abbé Lhande fait des réserves sur cette opinion. Il se résigne difficilement à admettre que la crainte du service suffise à expliquer l’incroyable proportion des insoumis — le recrutement de Bayonne, à lui seul, en compte six mille — dans une race de montagnards admirablement entraînés aux exercices physiques et qui, de l'avis unanime des officiers qui l’ont vue à l’œuvre, fournit d’excellents soldats. Aussi, là où on voit habituellement une cause serait-il porté à voir plutôt un effet et à croire que ce n’est pas l’insoumission et la désertion qui provoquent chez le Basque, le besoin d’émigrer, mais bien plutôt le besoin d’émigrer qui le pousse à l’insoumission et à la désertion.




Dans tous les cas, l’horreur de la servitude militaire n’agirait ici que comme une cause seconde et accessoire et, d’après M. l’abbé Lhande, d’accord en cela avec le grand économiste Le Play, la constitution des Basques en familles — souches jouerait dans le mouvement migrateur de la race euskasienne un rôle infiniment plus important. C’est qu’en effet, en dépit des prescriptions du code civil, les Basques "font des aînés". Ils gardent et marient près d’eux l’enfant qu’ils instituent héritier. Et, les familles, — peut-être précisément pour cette raison, — étant nombreuses, la terre faisant défaut dans ce pays de petite propriété, l’industrie offrant peu de ressources, et dans tous les cas, peu d’attraits pour un peuple essentiellement cultivateur, il ne reste aux cadets d’autres ressource que d’émigrer.




Mais, encore, cette sorte de nécessité imposée par l'organisation de la famille et les conditions économiques locales, et aussi, à un moindre degré, la répulsion pour le métier des armes, ne sont-elles, aux yeux de M. l'abbé Lhande, que des explications insuffisantes, parce que contingentes. La raison profonde de l'émigration basque, il faut la chercher dans le tempérament même de la race, dans ce que l'auteur appelle "son inquiétude atavique", dans cette hantise de la mer, ce besoin de courses lointaines que les ancêtres baleiniers, corsaires ou capitaines ont légué, par une filière demeurée intacte, à leurs descendants. L'influence atavique, ici, est certaine autant qu’elle peut l'être, s’agissant d’une race chez laquelle, plus que chez aucune autre au monde, s’est maintenue, grâce à la permanence du même sang, la continuité de la tradition et l’intégrité de l’instinct héréditaire.




A cet instinct migrateur l’Amérique — et en particulier l’Amérique du Sud — a gagné un apport de forces et d’énergies qui n’a pas peu contribué à son développement actuel. En un sens, on peut dire notamment, que c’est l’émigration basque qui a fait de la République Argentine le pays riche et prospère qu’elle est aujourd’hui. L’ardeur inquiète et le sens positif qui se combinent si heureusement chez l’Euskasien pour former l’esprit d’initiative ont trouvé là, dans la grande industrie, dans l’élevage et dans la culture le terrain qui leur convenait. L’intuition et le sens de la mise en œuvre de ces coureurs d’aventure doublés de gens pratiques ont pu se développer et s'appliquer tout à leur aise dans les libres espaces de la pampa, qui ont été réellement pour eux les routes de la fortune.




Pas pour tous, hélas ! Si quelques-uns, si beaucoup même se sont enrichis et ont constitué une aristocratie où se recrutent les hauts fonctionnaires, les ministres, voire les chefs d’Etat, combien, sur ces routes, n’ont trouvé que la misère et la mort. Au fond de ce creuset où l’audace des plus hardis, la persévérance des plus laborieux, la chance des plus heureux se sont transmuées en or, que de déchet, fait des souffrances et des déceptions du plus grand nombre. Aujourd’hui du moins, les nouveaux-venus n’ont plus à redouter les épreuves qui attendaient leurs devanciers à l'arrivée. Leurs compatriotes les accueillent, les aident à se caser, leur épargnent les inquiétudes angoissantes des débuts dans un pays inconnu.




Mais, par contre, l’immigrant cultivateur trouve aujourd’hui en Argentine moins de facilités pour devenir propriétaire, ne fût-ce que d’un lopin de terre. La formation de la petite propriété y est rendue, en effet, presque impossible par la constitution, déjà ancienne, des grands latifundia qui occupent à peu près toutes les régions accessibles et cultivables du pays. C’est là, d’ailleurs, fait observer M. l’abbé Lhande, une circonstance heureuse pour nous  ; car, en diminuant l’attirance que la République Argentine exerce sur l’imagination des Basques, avant tout sensibles à la passion de la terre, elle peut contribuer à les retenir en France, à leurs foyers héréditaires.




Mais que les pouvoirs publics se hâtent ! Qu’ils prennent les devants ! Qu’ils offrent à ces milliers de jeunes hommes qu’ils poursuivent vainement de leurs amnisties un équivalent, même incomplet, des avantages que ceux-ci s’en vont chercher dans "les Amériques !" Qu’ils développent les sources delà prospérité agraire ; que, surtout, s’ils n'osent pas rétablir la liberté absolue de tester, ils augmentent la quotité disponible de manière à assurer la conservation du domaine aux mains de l’aîné et à permettre ainsi à celui-ci d’employer ses cadets. Sans cela, un jour viendra — et il est proche, à en juger par certains symptômes — où l’Argentine, à l’exemple du Canada, commencera à subdiviser la propriété et à allotir des terres qu’il mettra à la disposition des nouveaux arrivants. Ce jour-là les Basques accourront par milliers, attirés par l’appât magique, et cette fois sans esprit de retour.




M. Lhande est loin, en effet, de voir dans l’émigration basque un bienfait pour notre pays. Ni l’accroissement considérable de nos échanges avec certains pays de l’Amérique du Sud et surtout avec l’Argentine, conséquence de la constitution dans ces pays d’une colonie basque nombreuse et riche, ni les satisfactions individuelles d’argent, d’influence et d’amour-propre que les membres de cette colonie ont pu et peuvent trouver dans leur pays d’adoption, ni même la prospérité que certains d’entre eux, enrichis et revenus au foyer natal pour y jouir de leur fortune, répandent autour d’eux, rien de tout cela ne saurait entrer en balance avec la perte de toutes ces forces vives pour la France.




Il y aurait là peut être matière à discuter, d’autant que, par un phénomène qui n'a d’ailleurs rien d’exceptionnel — car on l’a constaté partout — la prolificité de la race basque n’a rien perdu à l’émigration, bien au contraire ; et M. l'abbé Lhande lui-même reconnaît que si la population, au pays basque, s'est maintenue à son étiage ancien et a conservé sa densité d’autrefois, il faut en chercher la cause dans cette loi naturelle et économique qui veut qu’un peuple qui émigre beaucoup multiplie beaucoup.




Ce qu’on peut regretter peut-être avec raison — et je m’étonne que cet aspect du problème ait échappé complètement à M. l'abbé Lhande — c'est que nos colonies profitent si peu d'un courant d'émigration qui, suivant toute apparence, pourrait y jouer un rôle aussi efficace et aussi fécondant que dans l'Amérique du Sud. Pourquoi cette préférence donnée par les émigrants basque à un pays étranger, alors qu'un établissement dans nos possessions d'outre-mer leur permettrait de satisfaire tout à la fois aux sollicitations de l'inquiétude atavique qui est en eux et à celles de leur amour de la terre, sans rompre le lien qui les unit à la grande patrie et à la petite ? Les risques du climat ne sont pas plus grands dans la plupart de nos colonies ; les facilités pour y devenir propriétaire ne sont pas moindres, tant s’en faut ; le goût des aventures et celui des grands espaces libres peuvent s’y donner tout aussi largement carrière. Alors, quel est l'obstacle ?





Je m’attendais à trouver une réponse à ce point d’interrogation dans le livre de M. l’abbé Lhande. Si complet par ailleurs, il est absolument muet à cet égard, soit que l’auteur — ce qui serait surprenant — n'ait pas aperçu l’intérêt d’une question qui, dans un sujet comme celui-là, devait s’imposer naturellement à son esprit, soit que, ne le méconnaissant pas, il ait reculé devant la difficulté de trouver de cette anomalie une explication satisfaisante, j’entends satisfaisante pour l’amour-propre de ses compatriotes que, pourtant, il sait à l’occasion ne pas ménager.




Si l'émigration basque, en effet, délaisse absolument nos colonies, ne serait-ce pas que, décidément, et bien que M. l’abbé Lhande ne veuille pas en convenir, l’horreur du service militaire tient la première place parmi les motifs qui la déterminent ? Cette répulsion paraît, il est vrai, s’être atténuée et notre auteur constate que le nombre des déserteurs et des insoumis a considérablement diminué depuis quelques années ; mais il constate en même temps que le courant migrateur s’est ralenti et a décru, ce qui contredirait quelque peu ses conclusions. Je ne veux pas cependant à mon tour forcer les conséquences que je tire de ce rapprochement. Le moins toutefois qu’on puisse me concéder, c’est que la question n’est pas résolue. Elle mérite de tenter un observateur sagace et renseigné comme l’est M. l’abbé Lhande."


Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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