DEUX MAISONS HISTORIQUES À SAINT-JEAN-DE-LUZ EN 1912.
Le 9 juin 1660, la ville de Saint-Jean-de-Luz connaît son heure de gloire quand le Roi Louis XIV vient y épouser Marie-Thérèse d'Autriche infante d'Espagne.
Voici ce que rapporta le journal Le Figaro, dans son édition du 15 septembre 1912, sous la
plume de Georges Cain :
"Deux maisons historiques.
Maintenant traversons la place et passons chez "Madame l'Infante", au palais Joanoënia, à l'angle du quai. En juin 1660, un énorme pont volant reliait — paraît-il — les deux royales demeures...Il ne fallait pas que les pieds menus de la princesse espagnole courussent le risque de "s'imprimer en boue"!
De ce "beau temps" que subsiste-t-il ? Une hautaine demeure, trop restaurée, dont un propriétaire malavisé a fait scier les doubles rangs d'auvents sculptés ! A l'intérieur, un vaste salon orné d'une haute cheminée de pierre portant cette date : 1640, et d'un magnifique plafond aux poutres peintes de fort bon style...Le reste ne compte pas.
Mais quelle vue merveilleuse ! Au premier plan le port ensoleillé où dansent les barques ; plus loin, à droite, la ville ancienne et l'église si pittoresque de Ciboure, ses massifs de verdure, ses maisons peintes, les ruines du couvent des Récollets. A gauche, les vieux quartiers de Saint-Jean-de-Luz que couronne le clocher trapu de Saint-Jean-Baptiste...A l'horizon bleu, la chaîne dentelée des Pyrénées...Et tandis que nous contemplons ce merveilleux panorama, notre gracieuse hôtesse, nous tendant une jolie gravure signée Lomet, 1788, la "Vue du port de Saint-Jean-de-Luz" : "Constatez, messieurs, que notre horizon s'est bien peu modifié depuis Louis XIV...Nous sommes ici pays de tradition et la nature elle-même est traditionaliste !..."
PORT DE SAINT JEAN DE LUZ TABLEAU DE LOMET 1788 |
Fête sur la Place : Ce soir, la place Louis-XIV ( le nom lui est resté) est pleine de monde. Le programme de la fête porte cette annonce alléchante : "A neuf heures, fandango et Toro de fuego." Aussi les terrasses des trois cafés débordent-elles sur les trottoirs voisins, et devant les vitres où scintillent les criardes affiches d'une prochaine "corrida de toros à San-Sebastian", des centaines de consommateurs tassés sablent-ils gaiement l'"anisao" et la liqueur d'Hendaye.
LIQUEUR D'HENDAYE PAYS BASQUE D'ANTAN |
Reliant les branches feuillues des platanes, des cordons d'ampoules électriques enrobés de jaune et de rouge versent des torrents de lumière sur le sol ponctué de confetti. Des remous de foules se croisent, se heurtent, passent et repassent : belles touristes empanachées, petits bourgeois endimanchés, matelots, pêcheurs, ouvriers du port, la cigarette aux lèvres, accortes fillettes aux yeux veloutés, les cheveux fous mal serrés dans un ruban noir, riant à très belles dents aux compliments gaillards que ne manquent pas de leur décocher quelques solides gars en bérets bleus, aux visages rasés et brunis.
On se désigne les plus fameux "pelotaris", les triomphateurs des "frontons" d'Ascain ou de Sare. Tous, hommes et femmes, sont chaussés d'espadrilles blanches à semelles de cordes. Partout on rit, on chante ; dans l'air flotte une odeur de cigarette, de musc et d'ail...Au milieu de la place, sous un kiosque d'aspect très municipal, l'orchestre en bérets rouges parlemente avec un public impatient réclamant à grands cris le Fandango...Les lèvres se crispent, les yeux noirs reluisent et les petits pieds chaussés de blanc frétillent déjà sous la jupe courte.
Les bérets rouges attaquent — enfin — le Fandango national. En un clin d'œil les quadrilles se sont formés et, zou ! la danse commence à la fois endiablée et quasi hiératique. On sent que ces jolis mouvements cadencés, ces tournoiements si exactement rythmés, ces bras arrondis, ces claquements de doigts en l'air, ces torses ondulant au-dessus de hanches vigoureuses et souples, ces yeux baissés, ces danses où les couples ne s'enlacent jamais, continuent des usages millénaires et se sont transmis de famille en famille fidèlement, pieusement, comme une tradition vénérable et sacrée.
FANDANGO A ST JEAN DE LUZ PAYS BASQUE D'ANTAN |
Mais l'orchestre presse le mouvement, l'allure s'accélère, les tournoiements se font plus rapides, les claquements de doigt crépitent comme des coups de castagnettes. Soudain, au moment précis où la danse bat son plein, des bruits de pétards éclatent. La porte de la mairie, voisine de la Maison du Roi, s'ouvre à deux battants et un monstre pyrotechnique, un énorme taureau en carton peint, actionné par deux machinistes, bardé de soleils, de serpentins et surtout de "pluies de feu", se précipite — dans un tourbillon d'étincelles — au milieu de la foule qui se met à hurler moitié de joie, moitié de frayeur...C'est l'entrée du "Toro de fuego" !
TORO DE FUEGO PAYS BASQUE D'ANTAN |
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