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vendredi 12 juin 2020

UN CRIME HORRIBLE À CIBOURE EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1930 (quatrième partie)


UN CRIME À CIBOURE EN MARS 1930.



En 1930, plusieurs faits divers sordides marquent les habitant(e)s de Ciboure.

pays basque autrefois faits divers
ENTREE DU PORT CIBOURE 1921
PAYS BASQUE D'ANTAN


Voici ce que rapporta la presse locale, dans plusieurs éditions :



  • 3) La Gazette de Bayonne, de Biarritz et du Pays basque, le 27 novembre 1930 :



"Le crime de Ciboure devant les Assises.



...L’interrogatoire




A 14 h. 45, le président Lefranc commence son interrogatoire. C’est Miguel Silva qui est appelé à fournir le premier des explications. 




Sur son identité d’abord, puis sur sa vie passée, on apprend qu’il se maria à 19 ans, qu’il passa 13 ans en Amérique, qu’il revint dans son pays d’origine. Le désir de gagner plus largement sa vie l’amena à se fixer en France, vers le mois de mai de l’an dernier. 




Questions capitales : 

A-t-il tué Gomez ? 

— Oui, répond Silva. 

— Seul, ou avec la complicité de Jesusa ? 

— Avec sa complicité. 




C’est Jesusa Liron qui vint chez lui pour lui offrir de laver son linge. Peu après elle se plaignit des mauvais traitements de Gomez. Il lui donna, dans sa chambre, à manger à plusieurs reprises. Puis elle devint sa maîtresse. 




Comment Silva eut-il l’idée de commettre le crime ?



crime ciboure 1930
MIGUEL SILVA

— Jesusa se plaignit à moi. Elle craignait d’être chassée. Il faut tuer Gomez, me disait-elle. Longtemps j’ai résisté. 




Mais Jesusa Liron revient à la charge. "Il faut le tuer", c’est son leitmotiv quotidien. 




Cependant, le président relève quelques contradictions entre les réponses de la femme Liron à l’audience, et ses déclarations à l’instruction ; mais l’accusée, non sans habileté, se dérobe aux questions embarrassantes et prétend ne pas saisir les questions du président quand il lui parle en français, et même quand on a recours aux bons offices de l'interprète. 




Quand l’interrogatoire de la femme Liron est terminé, le président demande à Silva s’il maintient ses déclarations. 




Silva persiste à dire qu’il ne voulait pas tuer Gomez, et qu’il ne se détermina à commettre le crime qu’à la suite des instances réitérées de la femme Liron. 




L’audience est suspendue une fois de plus. 

pays basque autrefois ciboure
CIBOURE 1930
PAYS BASQUE D'ANTAN



Les témoignages. 



A la reprise, on entend les témoins. 




Le premier appelé est le docteur de Luzaret, médecin légiste à Bayonne, qui examina les huit débris humains découverts dans la Nivelle ou à Ciboure. Le docteur déclare que le corps avait été scié par une main malhabile. Quant au coup qui entra na la mort de Gomez, il fut porté par une main vigoureuse. 




Au cours de son interrogatoire, Silva avait dit qu’il avait remarqué sur le corps de la victime, à hauteur du cœur, une blessure, le docteur déclare qu’au cours de son examen, il n’a relevé aucune trace de blessure intéressant soit la peau soit les organes. 




Un second témoin est entendu, c’est M. Audibert, docteur pharmacien à Bayonne, qui a été appelé à examiner au cours de l’interrogatoire, les traces suspectes découvertes dans la chambre de Gomez. Sa conclusion est formelle : il s’agissait de sang humain pur. 




M. Audibert a également relevé des taches de sang sur le veston de Silva. 




La première audience prend fin sur cette déclaration. 




Les débats seront repris jeudi matin, à 9 heures.



pays basque autrefois fort
FORT SOCOA 1930
PAYS BASQUE D'ANTAN

Physionomie d’audience. (De notre envoyé spécial) 




L’interrogatoire de Miguel Silva continue. M. Lefranc qui dirige les débats, tient à faire l’exacte reconstitution du crime et l'interrogatoire de Silva est très serré. La tâche est longue, car le meurtrier qui ne parle que l’espagnol, est assisté de l'interprète bayonnais. M. Lassalle. Toutefois, il faut reconnaître que Silva facilite l’accusation, car il renouvelle les aveux qu’il a déjà faits à l'instruction. Il s'accuse du meurtre, car il a frappé Gomez violemment à la tête à l’aide d’un bâton, mais il déclare avoir aperçu que la victime avait une blessure près du cœur. S’il accepte la responsabilité de cet odieux forfait, il accuse en même temps la femme Jesusa Liron qui l’a poussé à l’accomplir et qui l’a aidé dans toutes les phases tragiques qui ont suivi. 




Sur demande du président. Silva déclare que c’est sur la demande de la femme Liron qu'il a tué. Il affirme que la femme Liron l’a aidé à dépecer la victime, qu’elle a brûlé la tête de Gomez. Dans ses premiers aveux, Silva avait déclaré que la femme Liron avait tué son amant et que lui l’avait dépecé et enfoui. Quand sa complice est venu le chercher pour dépecer le corps, il a vu une blessure près du cœur. 




— Etes-vous sûr, demande M. le Président, que Gomez était vivant quand vous l’avez frappé. 



Réponse : Je ne sais pas. 

Aucune question n’est posée par le Ministère public ni la défense. L’interrogatoire de Silva est terminé et l’audience est suspendue pendant un quart d'heure. 




L’audience est reprise à 16 h. 40, pour l'interrogatoire de Jesusa Liron, qui toujours pleure dans le box des accusés en tenant sa fillette de quatre mois dans ses bras. 




Elle déclare se nommer Jesusa Liron, 37 ans, ménagère, habitant à Ciboure, mariée avec Fernandez Juan, mère de 3 enfants, âgés respectivement de 17, 15 et 12 ans. Elle répond en français au questionnaire de M. Lefranc. Elle a habité l’Espagne avec son mari, puis Carcassonne et, en 1923, Bordeaux. C’est dans cette ville quelle abandonna sa famille dont elle est sans nouvelles. C'est alors qu'elle se mit en ménage avec Gomez, 35 ans, union qui date de six ans. Le président lui fait connaître que les renseignements ne lui sont pas défavorables au point de vue travail, mais elle avait une mauvaise réputation cherchant dispute à ses voisins. 




Réponse : "Je n’ai jamais fait de mal à personne." 




— M. le Président. — Quelle est votre participation dans ce crime. 




Réponse : "Je n’ai rien fait." 


"Le 10 mars, je me suis rendue chez ma voisine, Mme Martinez. Mon amant Gomez revenait de Bayonne, il était de mauvaise humeur, refusa de souper et me dit qu’il allait me quitter. Je l’aimais beaucoup et cela me fit beaucoup de peine. Il m'a ensuite frappée avec une chaise et me demanda de l'argent ; ensuite il m’a donné un coup de poing et suis partie en pleurant. J’ai vu de la lumière chez Silva, je l’ai appelé, Silva est descendu et je lui ai dit ce que Gomez m’avait fait." 




La femme Liron, gênée en français, continue en espagnol, et sur questions du Président, déclare : "Je n’allais pas souvent chez Silva, deux ou trois fois en tout. Gomez savait cela, car je lavais le linge de Silva. Je n’ai jamais été sa maîtresse et ne lui ai rien promis. Je n'ai jamais poussé Silva à tuer mon amant ; il a déjà commis un crime en Amérique." 




M. le Président. — Silva vous a-t-il dit, ce soir-là, que c’était une belle occasion de tuer Gomez puisqu’il dormait. 




Réponse : "Il m’a demandé s’il était à la maison, je lui ai dit que je croyais que si." 




Elle continue en déclarant que lorsque Silva lui a déclaré vouloir tuer Gomez, elle s'y est toujours refusée. "Je n’ai pas voulu monter, j'ai vu que Silva avait un bâton, et j’ai été renvoyée par lui, car je voulais l’empêcher." La femme Liron se défend énergiquement d’avoir aidé Silva dans l’accomplissement de son forfait et lorsque M. le Président lui pose des questions embarrassantes, elle répond : "Je ne sais pas, j’aimais beaucoup Gomez, j’étais affolée", etc. "Lorsque je remontai, Silva me dit : Ça y est ! Il m'a demandé certains objets pour emporter, je crois, le cadavre, et sur mon refus, il est allé les chercher lui-même à la cuisine." Elle continue à affirmer n’être pour rien dans le crime, n’a rien fait, n'a pas aidé à transporter le cadavre. 




Sur la demande du Président au sujet de l’escalier et de l’effort accompli par Silva pour descendre seul le cadavre, la femme Liron répond : "Je ne sais pas !" 




— Votre complice Silva, dit le Président, déclare que vous l’avez aidé. 




— Non, répond-elle, Silva a fait deux voyages à la baraque, sur sa demande je lui ai donné la clef, je ne sais pas ce qu'il a fait. 




M. le Président. — Alors vous affirmez que vous n’avez pas aidé à porter le corps, à dépecer le cadavre, à aider à jeter les morceaux dans le ruisseau ? 




Pas de réponse. 




— Comment se fait-il qu’on ait trouvé la hachette, bassine, couverture dans la chambre de Silva ? 


Réponse : "Je ne sais pas. Je n’ai jamais touché à cela et n’ai jamais dit à Silva d'acheter la scie. Après le crime je suis montée dans ma chambre avec beaucoup de regret, j'ai nettoyé, il n’y avait pas beaucoup de sang." 




Le Président. — Pourquoi, puisque vous dites que vous aimiez Gomez, n’avez-vous-pas élevé la voix, ce qui aurait attiré l’attention de vos voisins. 




Réponse : "Je pleurais, désespérée, j’ai parlé à mon locataire Diaz et lui ai demandé s’il n’avait pas vu mon ami. J'ai pendant la nuit nettoyé la chambre." 




L’interrogatoire est rendu très difficile, car la femme Liron ne veut rien avouer. Lorqu’on lui parle des effets de Gomez si je consentais à vivre avec fuyants. Finalement le Président déclare que le jury appréciera. 




Au sujet de la lettre adressée de Saint-Sébastien à Diaz, elle déclare que c'est Silva qui l'a écrite. 




Le Président lui donne lecture de ses déclarations à l'instruction, qui sont contredites par l’inculpée ; elle avait déclaré : "J'étais jalouse parce qu’il allait avec d'autres femmes et me faisait subir de mauvais traitements. J'ai consenti, mais je n'ai pris aucune part au meurtre. Silva m’a dit qu'il tuerait Gomez si elle consentait à vivre avec lui." 




Puis, une longue controverse a eu lieu, car l’inculpée avait déclaré que le meurtre avait été commis le matin, affirmation démentie par les témoins, la femme Liron ne s’explique pas sur ce fait. 




"Silva m’a déclaré avoir caché le cadavre dans un trou, j’ai eu du chagrin, car j’aimais beaucoup Gomez, je lui donnais de l'argent qu’il dépensait avec ses camarades et d’autres femmes. 




Gomez n’avait pas d’argent, moi j'en avais et à son insu j’avais un livret de caisse d’épargne. 


Gomez savait que j’étais enceinte. Silva aussi, car j’avais dit à ce dernier que mon amant voulait me mettre dehors." 




M. le Président pose certaines questions à Silva : 



"La femme Liron persiste à dire qu'elle n'est pas rentrée chez vous."



Silva. — Elle venait presque toutes les nuits. La nuit du crime je dormais, elle m'a réveillé. 

Lorsque j’ai tué Gomez, elle est venue m’aider à le charger. 




Femme Liron. — Je ne l’ai pas aidé. 


Silva. — Elle m'a aidé à le descendre en tenant le cadavre par les pieds. 


Femme Liron. — Je ne suis pas rentrée dans la baraque, j’ai donné la clef. 



Silva. — Elle tenait le pied pendant que je dépeçais le cadavre. 




Femme Liron. — Je n’ai pas désigné l’endroit où on a jeté les morceaux. 




Silva. — Oui. 




Les deux accusés se démentent énergiquement. 




Aucune question n’est posée à la femme Liron et l’audience est suspendue et reprise à 18 h. 50. 




Le premier témoin est appelé à la barre. C’est M. le docteur de Luzarey, médecin légiste, demeurant à Bayonne.




"J’ai examiné le 31 mars, deux membres retirés de l'eau (bras et jambe droits). Je suis revenu six fois à Ciboure pour l’examen d’autres morceaux, en tout huit morceaux. Il manque donc le haut du bras gauche, cuisse et pied droits. Le corps a été scié d’une façon très méticuleuse, c’a été une besogne formidable mais faite d’une façon maladroite, ce qui prouve que ce n'est pas un homme de métier." Puis il entre dans les questions techniques. Il n’a pas constaté de blessure au thorax, mais il manquait la tête et les intestins.




 Sur demande du Président, M. de Luzarey déclare que ce dépeçage a dû être extrêmement long. 




Le dialogue suivant s'engage entre MM. le Président et le témoin : 


Président. — Une personne peut dépecer, seule, un cadavre ? 

Témoins. — Oui, la chose est possible. 

Président. — Faut-il longtemps pour brûler une tête humaine ? 




Après explications de Silva, le témoin déclare que cela a dû être fait dans un temps très court. 




Président. — Avez-vous trouvé trace de blessure sur le corps ? 

Témoin. — Non. 

Président. — Près du cœur, n’y avait-il pas une blessure ? 

Témoin. — Non, il n’y avait aucune trace. 

Le Président demande à Silva s’il est sûr d’avoir vu une blessure près du cœur. 

Silva. — Je crois que je l’ai vue, mais j'étais tellement affolé... 




Aucune question n’est posée au témoin. 




C’est le tour de M. Audibert, docteur pharmacien à Bayonne, qui déclare qu’il s’est rendu avec le Parquet pour vérifier certains objets suspects et opérer des prélèvements. 




Le 4 avril, il a assisté à la perquisition faite à la maison Ongui Ethorri et a constaté que l’appartement était d’une très grande propreté. Un lit avec sommier neuf sans matelas, à la tapisserie, quelques traces suspectes étaient relevées à la tête du lit. Sous le lit lavé plus énergiquement, il constata de larges taches brunes lavées abondamment. Il a relevé des taches sur les lames du parquet et après analyse, il constata que c’était des traces de sang. Sur plusieurs effets et objets notamment sur une veste maculée de boue, une large tache de sang d'environ 0 m. 50. 




Me Delmas. — De quoi provenaient ces taches de boue ? 




Après explications, M. Audibert déclare qu’il y avait du sang coagulé sous la boue. 




L’audience est levée à 19 heures. Demain à 9 heures."



A suivre...





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