DOLÉANCES FÉMININES BASQUES EN 1789.
En 1789 de nombreuses revendications ont été adressées au roi de France, et en particulier des revendications émanant du Pays Basque Nord.
Voici ce que rapporta à ce sujet le Journal des débats politiques et littéraires, le 16 octobre 1922,
sous la plume de Paul Courteault :
"Les Suffragettes de 1789.
Le Sénat devait aborder, mardi prochain, le débat relatif au vote politique des femmes. A la demande du rapporteur, et pour raisons de santé, le débat a été remis au 9 novembre. Ce court ajournement paraîtra peu pour une question posée depuis si longtemps, plus longtemps même qu'on ne croit, car elle figure parmi les revendications de 1789. En voici une preuve curieuse :
On a publié beaucoup de cahiers de doléances rédigés en vue des Etats généraux de 1789. Une vaillante revue basque, Gure Herria (Notre Pays), qui s'imprime à Bayonne, vient d'en révéler un d'espèce rare, sinon unique. C'est un cahier de revendications féministes, les doléances du sexe de Saint-Jean-de-Luz et de Ciboure au roi. Sous une forme nécessairement respectueuse, la requête de ces Basquaises est véhémente à souhait. Elles s'indignent d'avoir été oubliées dans l'appel fait aux différents ordres. Les femmes représentent en France quatorze millions d'âmes ; ne constituent-elles pas un ordre, au même titre que la noblesse, le clergé et le tiers ? Les exclure est une injure grave, "vraiment flétrissante" pour la dignité de leur sexe. De cet oubli dédaigneux elles rendent responsable, non pas le roi, mais un ministre "partial, qui n'a cherché à les exclure de cette auguste assemblée que pour consommer leur néant politique". Et elles demandent la tête de Necker : "Nos mains brûlent d'étouffer l'indigne calomniateur."
GURE HERRIA AOÛT 1922 |
Il a peut-être osé dire au roi qu'elles n'étaient pas assez affectionnées, au bien de son service. "Mettez à l'épreuve notre amour, Sire ; vous verrez si les sacrifices les plus chers arrêteront la vivacité de notre sexe. Sans doute nous sommes bien attachées à nos bracelets, à nos bijoux, à nos pompons, à nos colliers, à nos pendants, à tous les objets brillants des modes impérieuses. Nous y tenons plus que le haut clergé ne tient à ses immunités, la noblesse à ses prérogatives, la magistrature à ses privilèges, le financier à son or. Que Votre Majesté parle ! Soudain à son ordre nous nous en dépouillerons toutes sans contestation, sans réclamation, sans protestation, sans regret..."
Quelle raison de les écarter des affaires publiques ? Est-ce parce qu'elles sont incapables de s'y intéresser ? L'histoire est là pour dire que nul empire n'a subsisté, sans les femmes. "Sans les Sabines, que serait devenue Rome ?" Jadis, "dans nos Gaules", les princes, les chefs, les magistrats ne prenaient, aucune décision importante sans consulter le sexe. C'est que "nous étions à leurs yeux autant de déesses, mais des déesses d'un autre genre que les déesses de nos jours". Si ces heureux temps ne sont plus, la faute en est au despotisme, ce monstre qui ne pouvait naître ; que d'une tête masculine. Qu'on donne aux femmes le droit de s'occuper des affaires de l'Etat : on verra renaître toutes les vertus d'autrefois. "Rendues à notre liberté primitive, nous deviendrions autant de héroïnes, et nous donnerions une nouvelle race de héros à, la patrie." Les Blanche de Castille, les Elisabeth d'Angleterre, les Marie de Hongrie, les Catherine de Russie ont prouvé et prouvent encore ce dont sont capables les femmes. "Ce ne peut donc être qu'au despotisme masculin que nous devons cette ignorance universelle dans laquelle on tient nos talents ensevelis ; ce ne peut être qu'à cette tyrannie voluptueuse des hommes qui ont fait de nous presque autant d'automates assez plaisants pour les divertir et les amuser. Et c'est ainsi que l'homme a dégradé son semblable, et il n'en rougit pas !..." Les Etats généraux vont avoir surtout à discuter des questions économiques ; mais l'économie publique ne doit-elle pas être fondée sur l'économie domestique, et dès lors comment se passer de l'avis de mères de famille. "parfaitement stylées au gouvernement d'un ménage ?"
Les femmes ont d'ailleurs un programme, de réformes tout prêt : d'abord celle de l'éducation. "N'est-il pas honteux, disent-elles, que l'on se borne à nous apprendre à composer notre maintien, à symétriser nos gestes, à cadencer nos pas, à danser avec grâce, à chanter avec mélodie, comme si l'on ne voyait en nous que des marionnettes et des linottes à tête légère ? N'est-il pas humiliant que les œuvres manuelles, telles que la couture, la broderie, le tricotage soient les seules choses dont on occupe notre précieuse jeunesse, tandis que nous pourrions faire autant et même plus de progrès, que les hommes dans les sciences et les arts nobles, surtout dans ceux qui ressortent du goût et de l'imagination ?"
OUVERTURE DES ETATS GENERAUX 5 MAI 1789 |
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