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jeudi 17 juin 2021

UN ÉCRIVAIN DU PAYS BASQUE EN 1922 : PIERRE LHANDE

 PIERRE LHANDE EN 1922.


Pierre Lhande Heguy, né le 4 juillet 1877 à Bayonne (Basses-Pyrénées) et mort le 17 avril 1957 à Tardets-Sorholus (Basses-Pyrénées), est un écrivain, prêtre jésuite et académicien basque français, apôtre des banlieues et surtout connu pour le succès de ses "radio-sermons", une grande nouveauté dans les années 1930.


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PIERRE LHANDE


Voici ce que rapporta à son propos, Pierre Apestéguy, dans le journal La Gazette de Biarritz-

Bayonne et Saint-Jean-de-Luz, le 20 décembre 1922 :



"Ecrivains de chez nous : Pierre Lhande.



Des chantres du Pays Basque, Pierre Lhande est le meilleur. Il n'en parle pas, il en disserte, dirait Roxane. Car, du coeur même du symbole, de l'idée, du ressort dramatique dont il est le moteur actif, se dégage une lumineuse façon de ressentir le détail intime. Dans la nuit des sentiments qui l’agitent, il sait faire briller, une seconde, dans l’œil de son héros, l’éclair qui scintille avec l’éclat particulier à chaque race. Enfin, Basque lui-même, il fait œuvre de Basque. C’est un grand but, que n’atteindra jamais, par exemple, un Loti, malgré sa belle virtuosité. Car il est des peintures si fines soient-elles, bien au Louvre, mal au Musée Bonnat. Ah ! qu’il me comprenne, celui dont le cœur bat de la même extase, au brutal "Haltsa !" du muletier, ou à l'irrintzina lugubre dont les bergers se font entre eux, à travers l’espace des vallées, l’écho vivant. Comme il est bien le fils de sa langue, ce cri qu'ils se renvoient, le soir, comme un défi, avec la violence de la pelote qui sonne, le dimanche après-midi, au rebot, vigoureusement relancée d’un mur sur l’autre ! 



En ses œuvres, Pierre Lhande se retranche exclusivement derrière le Jaizquibel. Néanmoins, l’autre côté du versant le comprendra parfaitement et, particulièrement, dans son dernier livre, "Yolanda". Ces succès, déjà lointains, de "Luis" et de "Mirenchu" auraient pu, en certains points, choquer les tempéraments plus flegmatiques des Aldudes ou du pays de Cize. Mais "Yolanda" est universellement basquaise. Notre race veut, à tout prix, conserver la pureté de son sang primitif. De là l'inévitable méfiance qu’inspire le "maqueto", l'étranger. Mais la femme, naturellement plus exagérée, transforme en mépris ce sentiment. Et chez Yolanda, ce mépris n’engendrera-t-il pas, à son tour, de la haine pour un lourdaud du Nord qui viola les lois de l’hospitalité, considérées, chez nous, comme intangibles ? Car le ressentiment du Basque ne pardonne pas : il lui faut, pour daigner même se confondre avec un être d'ailleurs, des raisons primordiales. 


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LIVRE YOLANDA
DE PIERRE LHANDE



Et de quelles délicieuses coutumes Pierre Lhande agrémente son drame ! Ces pages sont parfaites, où il conte l’entrée en danse des garçons pour exécuter  "l’Aurresku", vivantes les lignes où il les anime, avec un tact infini, aux sons cadencés de la "Txirula" : 


"Douze jeunes gens en costumes des dimanches — pourpoint noir et culottes de velours vert, le mollet pris dans des bas blancs, striés par les cordons montants des espadrilles blanches à lacets rouges — entraient dans la place en se tenant par la main, marchant au pas. La flûte, infatigable, semblait les tirer lentement de la foule en une longue file et les amener à la clarté. Puis, comme brisant ce dur effort et chantant sa victoire, elle lança une série de notes vives et sveltes qui soudain agita toutes les jambes endormies. Ce chorège qui tenait la tète, l’Aurresku — et celui qui fermait la marche — l’Atzesku — se détachèrent alors, et, leur béret de peau d’agneau à la main, firent, en dansant, le tour de l’assemblée. A leur exemple, tout le chœur entrait en branle et exécutait les mesures du Muthil-dantza. Un silence encore, puis un air guerrier et provoquant fit se séparer brusquement les deux chorèges, les ramena ensuite violemment l’un contre l’autre : c'était le "défi". 



Devant l’Atzesku maintenant immobile, dressé au milieu de la place, l’Aurresku exécutait un programme étourdissant de bonds et d’entrechats : un vrai "défi" de sveltesse et d’agilité. Et quand, épuisé et rayon nant, il s’arrêtait enfin, son partenaire, l’Atzesku, s'élançait à son tour, et réalisait devant lui, les yeux dans les yeux, les mêmes prouesses chorégraphiques. 


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AURRESKU
PAYS BASQUE D'ANTAN


Quatre danseurs se détachèrent alors de la file et, graves, le béret roulé dans la main, allèrent quérir dans l’assemblée la jeune fille qu’avait désignée leur chef. Ils se dirigèrent vers Yolanda. 



Après les premières marques de révérence, le désir de plaire. L’Aurresku doit se faire agréer de la Dame. Il étalera donc loyalement devant elle tout son art et son savoir. Il esquisse d’abord des pas, sautille, s’enhardit, aborde enfin les voltes et les battements plus compliqués, s’exalte, se surmène devant le joli regard qui ne perd pas un seul de ses mouvements. Sur trois bonds prodigieux la danse s’achève, et voici la récompense. Yolanda remet au cavalier le petit bouquet de roses hivernales, et elle accepte le bout du mouchoir qu’il lui tend avec un salut. Rivée à cette chaîne, elle regardera avec indifférence l’Atzesku éblouir et envoûter à son tour une jeune fille, qu’ont été lui chercher dans la foule ses garçons d’honneur. Puis les deux coryphées changent un moment de rôle : ils vont, par déférence, danser, l’Aurresku devant la nouvelle venue, et l’Atzesku devant Yolanda ; mais ici, point de bouquet ni de bout de mouchoir : une révérence et une inclination de tête : c’est tout : chacun retourne à ses premières amours." 



Et voici le commentaire, "le sens aristocratique du jeu" : "Une cour, en somme, où les jeunes chevaliers cherchent à éblouir la dame de leur coeur par des prouesses de virtuosité, travaillent à se faire agréer d’elle, pour l'enlever enfin — oh ! du bout du mouchoir ! — et jouir du prix de leur peine : l’honneur de danser près d'elle au vis-à-vis d’elle." 



Après l’Aurresku vient le "zortziko". Cette danse, née dans une artère même de Terpsichore, est, à mon goût, le motif de notre plus belle musique. Ce sentiment doit être propre aux Basques, de longue date. Notre grand hymne, le "Guernikako Arbola", est un zortziko. Cette musique, si bizarrement rythmée est unique, puisqu’elle est marquée 8-8 sur la portée. D’où son nom, "zortzi", huit en langue Euskarienne


pays basque autrefois chants
CHANT GUERNICACO ARBOLA
PAYS BASQUE D'ANTAN


Qui a prétendu qu’il n’y a pas d’art basque ? Affirmation énorme ! Les mélodies, à la fois caressantes et brutales de Zabalza, sont-elles jamais parvenues jusqu'à l’entendement de celui qui écrivit cette phrase avancée ? Répondez-moi, vous qui êtes émus aux accents du noble "Arritzari" ou des "Cantos de la montaña" ! Et, si vous voulez, allons ensemble au cœur le plus sauvage de nos montagnes. Entrons dans cette auberge. Poussons la porte ou sèche une corde de piments rouges, et attablons-nous devant ce rancio vieux. D’ici, nous pourrons voir, sur la terrasse, virevolter cette jeunesse, élégamment. Leurs claquements de doigts sonores, encourage à la mesure cet accordéon de contrebandier, qui nasille, du reste, horriblement... Mais, parmi les poursuites et les arin-arin, cette musique ne vous semble-t-elle pas vaguement connue ? Interroge. plutôt, votre voisin. Alors, rajustant le béret derrière sa tête, il vous répondra, sentencieusement : "C’est l’air des ancêtres !" — Un jour. Chabrier se perdit comme nous. Il prit note, au fond d'un carnet, de cet air pittoresque, mais sans importance. Puis il en rêva, en fut obsédé, et fit, du cri d’un peuple, une grande oeuvre. Il l’offrit à la capitale, qui n'y comprit évidemment rien. Et Chabrier fut méconnu jusqu'à sa mort, jusqu’au jour où vint la mode, qui ne comprit pas davantage. 



La littérature tient aussi une grande place, chez nous, et la poésie particulièrement. Les Basques improvisent entre eux, et rénovent, en des veillées hivernales, les rites des jeux-partis moyenâgeux.



Les origines de notre poésie sont fort obscures, et généralement méconnues. Mais, a-t-il moins fallu un serment formulé, en Dieu sait quelle langue, par des soldats barbares, pour donner naissance à mille et quatre-vingt ans de gloire littéraire en France ? — Dans l’âme basquaise, dort depuis toujours une autre âme, la romantique. Et son instinct lui déclame, chaque soir d'été :


 "Chori, erressiñoula, hots, emak, enekin." 



Et n'avons-nous pas, aujourd’hui encore, nos grands hommes ? En musique, Charles Bordes ; en peinture, un des meilleurs aquarellistes modernes, M. Aguerregaray et, en littérature, Pierre Lhande lui-même... 



Ces considérations m’écartent de "Yolanda". Mais le zortziko l’a voulu. Et, en espérant une œuvre nouvelle de notre compatriote, saluons en celle-ci notre penchant le plus beau : la personnalité."



(Source : Wikipédia)



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