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lundi 7 juin 2021

APERÇU SUR LE PEUPLE BASQUE EN 1814 (troisième partie)

 

APERÇU SUR LE PEUPLE BASQUE EN 1814.


Ange-Etienne-Xavier Poisson de La Chabeaussière, auteur dramatique et littérateur français, indique, en 1814, sa vision du peuple Basque.



pays basque autrefois femme
JEUNE FEMME BASQUE 1800-1860
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Mercure de France, le 1er juillet 1814 :



"...La plus grande propreté se fait, en général, remarquer dans la mise des deux sexes ; ils aiment le linge et en ont beaucoup.



Le Basque ne court pas, comme le ferait croire le proverbe connu, mais il marche vite et longtemps, et, sans sortir du pays où sa langue est en usage, il en parcourt tous les rayons avec une sorte de fureur. La moindre annonce de feue et de rassemblement le fait s’empresser de s’y rendre, quel qu'en soit l’éloignement, et satisfait de s’y trouver avec ses amis et compatriotes, il assiste à une partie de paume, qui est son jeu favori ; et, sans se permettre de débauche, retourne tranquillement chez lui avec la même sérénité qu'il avait lorsqu'il en est sorti ; il signale sa joie par des cris longuement et fortement lancés, comme pour conserver l’habitude des avertissements réciproques, et annoncer qu’il revient à son poste ; il revient souvent avec sa femme ou ses filles, celles-ci avec leurs amoureux, et si elles n’en avaient pas encore elles en feraient dans ces réunions.



Malgré l’apparence de coquetterie que j’ai citée, rien n’est si sage que les Basquaises aussitôt quelles elles ont contracté mariage, escontsa ; elles paraissent moins réservées étant filles, mais on pourrait dire d’elles ce que le célèbre Delille a dit des mœurs des Otaïtiens :


Et l'amour sans pudeur, n’est pas sans innocence. Elles font choix de bonne heure d’une étoffe de mari ; et rarement trompées, elles regardent comme très naturel de se livrer à celui qui a déterminé ce choix ; c’est un mariage anticipé qui ne leur parait pas tirer à conséquence.



pays basque autrefois
TYPES BASQUES FRANCAIS



Pour donner une preuve de la sagesse des Basquaises, et de l'idée qu’en conçoivent leurs parents, je citerai le fait suivant :


Un jeune Basque, anuité près d’un bois, entre dans une maison et y requiert l’hospitalité ; la famille était nombreuse, on y comptait quatre générations existantes, les lits étaient occupés, la grand’mère assigne tout naturellement à l’étranger le lit de deux de ses petites-filles, fort jolies et très nubiles, et la nuit se passa sans qu’il lui vînt dans l’esprit de chercher à abuser de la confiance qu’on avait en lui. Or, ce peuple est à deux pas de nous, on le connaît à peine ; Dieu veuille que nous ne l’ayons pas trop instruit de nos usages, depuis que les circonstances l’ont rendu français, et depuis que la guerre nous a familiarisés avec lui.



Une raison pourrait justifier peut-être le précoce abandon des Basquaises, elles sont pour la plupart jolies, mais leur beauté est plus fugitive que partout ailleurs ; les hommes, naturellement beaux et forts, se conservent mieux que les femmes.



La nourriture des Basques se borne à de la farine de maïs, artoa, relayée dans de l’eau avec un peu de sel, gatsa, ils en forment des galettes épaisses de 8 lignes, qu’ils font cuire devant le feu, on les nomme taloa, ils les mangent toutes chaudes, avec un peu de cochon salé ou de fromage frais, gachna ; ils font aussi usage de lait, eschnia, et de miel, estia, qui veut aussi dire doux ; ils ne cultivent pas de vignes, et boivent très rarement du vin, arnoa ; de l’eau, oura, est leur boisson ordinaire.



Le poivre, bipera ; le sucre, sucria, ne leur étaient pas connus ; ils connaissent le pain, oui, mais ils n’en font guère usage que pour la soupe quand ils en mangent, ce qui est rare ; son nom sopa prouve assez que l’adoption est récente.



Ils n’ont aucun désir de manger du gibier ; j’ai vu tuer dans des jardins, des lièvres et des perdrix, qu’on laissait pourrir sur place ; ils mangent du poisson quelquefois, mais ils désignent toutes les espèces par le mot générique arena, les anguilles, anguillac, ne leur étaient pas connues, ils ont un nom souviac pour désigner les serpents.



Les Basques sont illettrés, on ne connaît qu’un seul livre un peu ancien, nommé at choular ; il est composé d’exhortations chrétiennes, appuyées de preuves tirées des livres saints, des livres profanes et de l’histoire ancienne ; ce mélange et sa simplicité le rendent remarquable ; j’en ai traduit une portion que je ferai connaître un jour.



Dans des temps plus modernes, on a essayé de composer une grammaire et un dictionnaire basque, mais ils n’ont pas complètement rempli le but de l’auteur. 



Quelques Basques, et entre autres un prêtre, nommé Goudard, ont composé, il y a une vingtaine d'années, des poésies et surtout des chansons, elles sont peu répandues ; comment le seraient-elles chez un peuple qui ne s’occupe guère de lecture, ni de sentiments alambiqués ? 



Les Basques, comme les troubadours, aiment à chanter, ils improvisent des complaintes sur les petits événement scandaleux qui se passent dans leur arrondissement, et ils y font preuve d’esprit ; mais si elles signalent un vice ou un abus, c’est avec gaîté et sans fiel ; elles produisent un bon reflet, puisque chacun craignant de devenir le sujet de ces chansons, bientôt répandues et chantées partout, en est d’autant plus scrupuleux à ne pas donner lieu d’être ainsi mis en évidence. Erubuit, salva res est, disait Térence. 



Les exercices gymnastiques sont usités parmi les Basques, et entretiennent leur agilité ; ils lancent des leviers avec adresse et force, ils s’exercent à sauter avec de longues perches, et franchissent 20 à 30 pieds ; j’en ai vu d’assez adroits pour transporter leur perche pendant leur premier élan, ce qui, en lui faisant former un second point d’appui, leur donnait lieu à étendre leur saut jusqu’à 40 pieds ; mais leur jeu le plus favori est la paume à la main, ils sont habitués à la prendre avec le bout des doigts, ce qui, par une plus grande longueur de levier et plus de dureté dans les doigts que dans le creux de la main, fait aller cette paume à des distances étonnantes, ils s'aident aussi quelquefois d’un gant renforcé et piqué de fils bien cirés ; leur paume est très petite et très dure ; aussi n'est-il pas rare de voir les joueurs de paume ou pelote, et tout Basque l'est dès sa plus tendre jeunesse, avoir la première phalange d'un ou de deux doigts de la main droite contrefaite, par l'effet d un coup manqué, en cherchant à attraper la paume par le bout de ces doigts.



Les Basques ne portent point d’autres noms que ceux de leur maison, et cette maison est nommée par sa localité ; par exemple, etché berri (maison neuve), etché garay (près la maison ), ittourialdé (à côté de la fontaine), errecaldé (à côté du ruisseau), béhérécoborda (la borde d’en bas), etc., ou par quelque production, amboulo (asphodelle), etc.



Ils ont cependant des sobriquets pris de la conformation de quelques-unes de leurs parties, ou de la couleur de ces parties, même de celles de la génération, car on n’attache aucune importance à ne pas les nommer par leurs noms.



Bourou belça (tête noire), begui chouri (yeux blancs), et par parenthèse ils regardent ceux-ci comme un indice de fausseté, ce qui sans doute est un préjugé.



Les Basques se croient tous nobles, ils sont amis de l’indépendance, et c'est en vain que quelques seigneurs naturalisés chez eux ont cherché à les rendre tributaires ; il y a néanmoins parmi les Basques une différence de caste qui a des règlements de famille particuliers, ces familles sont nommées infançonnes ; tout fait présumer que leurs prérogatives, peu répandues, ont été créées dans des temps modernes par des gens affiliés avec leurs voisins, et qui se seront arrogés ces droits soufferts par les autres, en raison de quelques grands services rendus ; mais comme ceux qui les ont, ne s’en prévalent pas et n’en font que l'objet de quelques distinctions de famille à famille lors des mariages, on les laisse jouir de ce petit grain de fumée : on remarque aussi que les infançons sont ordinairement plus riches que les autres ; ils n’en sont pas plus fiers pour cela.


pays basque autrefois costumes
COSTUMES DU PAYS BASQUE FRANCAIS



Cependant ces infançons, qui peuvent avoir pris leur nom des Espagnols, transmettent leur héritage de père en fils, tandis que les Basques ordinaires reconnaissent pour principal héritier l'aîné de la famille, soit qu’il soit garçon ou fille, et les infançons, quand il y a des mâles, les font héritiers au détriment de la primogéniture des femmes.



Quand un Basque se marie, s’il n’entre pas dans une maison dont il épouse l’héritière, ou s’il n’est pas héritier lui-même de celle où il introduit son épouse, chacun de ceux qui le connaissent s’empresse de lui faire un cadeau, de manière qu’il se trouve de suite meublé et muni de tout ce qui est nécessaire à un établissement ; la pierre, le bois, la main d’œuvre, lui sont fournis pour construire sa maison ; il reçoit des bestiaux, du linge, des ustensiles de ménage ; il n’a que des terres à défricher."



pays basque autrefois mariage
MARIES 1830
PAYS BASQUE D'ANTAN



A suivre...





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