LES JEUX RUSTIQUES AU PAYS BASQUE EN 1948.
Il a existé et il existe au Pays Basque de nombreux sports traditionnels, autres que la pelote.
Voici ce que rapporta à ce sujet Jacques Saint-Pastou dans Pyrénées : organe officiel du Musée
pyrénéen du Château-fort de Lourdes, le 1er janvier 1951 :
"Les amis de l'Euskadi qui participèrent, en septembre 1948 à Biarritz, aux travaux du VIIe Congrès d'Etudes Basques se souviennent de cette "Fête de la Tradition" donnée en leur honneur sur la vaste pelouse du Parc des Sports d'Aguilera.
Certes, nul détail n'avait été négligé pour conserver sa fraîcheur originelle et son éclat à cette kermesse où les danses de la Soule, de la Navarre et du Guipuzcoa alternaient avec les jeux rustiques des bûcherons, des bergers et des laboureurs de l'Eskual-Herri.
La vulgarisation des sciences physiques ou naturelles se conçoit et se justifie ; mais le folklore, cette science des "us et coutumes" populaires, étendue aux divertissements nés du peuple, créés par le peuple et pour le peuple, peut-il subir impunément le feu de la rampe et s'exposer aux quolibets ou à l'incompréhension d'un public ironique et blasé ?...
En dépit des efforts des organisateurs, brûlant d'amour pour leur pays et pour leur race, ni la plainte déchirante du "txirula", ni le rythme ensorceleur du "ttunttun", ni la symphonie des couleurs — le vert, le rouge et le blanc, à l'image du drapeau des provinces sœurs — ni même, ce jour-là, le soleil et le bleu du ciel ne parvenaient à ressusciter l'ambiance dont quelques privilégiés, plus sensibles, gardaient la nostalgie...
Pour admirer ces étonnants athlètes-paysans qui font, par jeu, assaut d'endurance, de force et d'adresse, soit dans la coupe, en un temps record, de plusieurs troncs d'arbres, soit dans le "lancer" d'une lourde barre de fer, soit encore dans l'art de soulever une pierre monstrueuse (comme l'haltérophile "arrache", "épaule" et "jette" la "fonte"), soit aussi en des sports étranges et parfois enfantins, il faut aller loin d'une plage à la mode où la parade tue l'esprit.
PALANKALARI EN 1895 |
Jeux de Bûcherons.
...Il faut monter en Haute-Soule et en Navarre, dépasser Tardets, plus à l'ouest, Saint-Jean-Pied-de-Port. Il faut s'enfoncer, par Larrau, dans la forêt d'Iraty ou bien gagner l'Hayra par Arneguy ou par Banca.
Les exploitations modernes, où la machine tend à se substituer au labeur de l'homme, n'ont pas épargné le massif forestier basque ; tant et si bien que l'on doit envisager, chez nous, la disparition à plus ou moins brève échéance des défis entre "aizkolaris".
Il en va autrement en Guipuzcoa et en Navarre espagnole : la "Fête de la Forêt" et les joutes entre bûcherons entretiennent les "fureurs sacrées" et sauvent la tradition.
D'ailleurs, il fallait s'y attendre, le "Championnat National" des Aizkolaris existe "tras los montes". Sans atteindre la vogue des matches de football ni, à plus forte raison, la renommée des courses de toros, il obtient la faveur des foules euskariennes péninsulaires subjuguent les qualités physiques... et morales poussées à leur paroxysme. La compétition est savamment orchestrée depuis le stade des éliminatoires locales et régionales jusqu'à la "grande finale".
Les aizkolaris s'affrontent tantôt en tête à tête et tantôt par équipe ; une ceinture en laine, rouge, verte ou bleue, les différencie.
Les deux hommes à qui échoit l'honneur du premier coup de hache montent chacun sur une bille, généralement de hêtre, solidement fixée sur deux chevrons parallèles. Puis, à un signal donné, ils attaquent, la hache haute.
— Aintzina ! ... encouragent les "botilleros" si leur favori gagne une avance de quelques secondes.
Car pour couper en quatre tronçons les huit ou dix billots, parfois davantage, objet de cette lutte épuisante, le temps, inexorablement, compte... Demandez plutôt au champion navarrais : Martin Garciarena qui, à 23 ans, enleva, en 1950, le titre, dans les arènes combles de Saint-Sébastien ; il abattit sa terrible besogne : 10 troncs de 1 m. 50 de circonférence, en 39 minutes 44 secondes 1/5, contre 42 minutes 56 secondes au second.
GARCIARENA LABAYEN MARTIN AIZKOLARI |
— Aintzina bethi !...
Cet : "En avant, toujours" décuple l'ardeur des bûcherons. Celui-ci active la cadence : celui-là frappe avec plus de violence ; cet autre, aux mouvements moins liés, procède par saccades et faiblit ; à la fin il tombera évanoui.
Spectacle à coup sûr fastidieux pour le profane s'il l'isole du milieu où il se déroule et s'il ne prend parti...
Les clameurs redoublent parmi les partisans ; des paris provoquants font déborder la coupe : 5 000 douros pour les "rouges" contre 1 000. D'un groupe de navarrais fusent les "irrintzinas" longuement modulés, qui sont des cris de défis avant de devenir des chants de triomphe...
Seuls, les juges donnent l'exemple de l'impassibilité.
AIZKOLARIS EN 1948 |
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