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mardi 1 juin 2021

UNE GRÈVE SOLENNELLE EN PAYS BASQUE SUD EN MAI 1951 (deuxième et dernière partie)

 

GRÈVE EN PAYS BASQUE SUD EN 1951.


En mai 1951, le Pays Basque Sud se met en grève, après la Catalogne en mars de la même année.



pais vasco antes ayuntamiento guipuzcoa
MAIRIE ET JARDINS ST SEBASTIEN 1951
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Carrefour, le 1er mai 1951 :


"...Cependant, les pressions se multiplient auprès du gouverneur, auquel Madrid dépêché M. Giron lui-même, le ministre du travail, tandis que la revue "Egiz", organe clandestin du clergé basque, affirme que, devant la gravité des circonstances, le prêtre ne saurait s'abstenir de parler.



"Des richesses considérables sont aux mains de quelques-uns", dit "Egiz". "La misère est l'apanage de la majorité. Le pape l'a affirmé dans son récent discours radiodiffusé aux travailleurs d'Espagne. Nous, prêtres, en étroit contact avec le peuple, ratifions cette assertion... Une action comme celle de ces jours derniers, strictement correcte, sereine, sans excès (que nous aurions condamnés s'ils s'étaient produits), est un geste dont on ne saurait nier la légalité, au regard des règles de la morale chrétienne. Tenus à défendre la justice et à protéger par charité le plus faible, nous proclamons publiquement et en toute conscience notre désaveu des représailles de toute nature et la multiplication des arrestations opérées pour ce motif." 



Grève politique ?



Voilà les faits et voilà l'atmosphère. Le mal est profond parce qu'il est réel et généralisé. Un million d'habitants sous alimentés, trois cent mille travailleurs sous-rétribués, voilà ce que signifie la grève du pays basque. 



Grève politique, a-t-on dit. Les Basques n'ont jamais caché leur désir d'autonomie dans un cadre fédéraliste. Mais le drame basque est une simple localisation du drame espagnol. Au lendemain de la grève catalane, Madrid a fait baisser spectaculairement, mais momentanément, les prix de plusieurs denrées essentielles. Après la grève basque, les importations de légumes ont repris. Six mille tonnes de pommes de terre sont venues de France. Elles sont vendues une peseta 90 le kilo, au lieu paraît-il que le prix antérieur de 3 à 4 pesetas, paraît-il. Palliatifs. Les grévistes, parait-i1, ne croient pas possible une action durable sous le régime actuel de l'Espagne. C'est en cela seulement que leur geste est politique. Pas de communistes, pratiquement, parmi eux. Le communisme est nul et le gouvernement exilé à Paris, a, une fois pour toutes, choisi "l'Occident".



L'Espagne : un centre nourri par une périphérie



C'est un point. Il n'empêche qu'on ne pourra faire que l'Espagne cesse d'être géographiquement ce qu'elle est : un centre nourri par une périphérie. Nourri de quoi. L'huile et les oranges exceptées, la richesse espagnole est minérale. On ne mange pas le cuivre et le fer. On les vend ou bien on les échange contre la nourriture.



Or les régimes autoritaires sont par définition autarcique. Mais l'économie en vase clos est un luxe à sa manière. Si parce quelle elle est riche de minerai, une nation consacre ses revenus de l'étranger à développer son industrie sans élever simultanément le niveau de vie de ses travailleurs, elle ne résout pas son problème. C'est ce qui se passe en Espagne.



Que peut-on espérer alors ? Le gouvernement basque exilé (puisque c'est des Basques qu'il s'agit en ce moment) répond : "Rien à l'heure actuelle". Son sentiment est que le régime espagnol présent ne peut se concilier avec l'esprit communautaire international  qui se dessine en Europe et dans le monde occidental.  "Sous un régime différent", dit-il,  l'Espagne aurait bénéficié du plan Marshall, elle serait membre de l'O.N.U. et du pacte atlantique, entre autres organisations Elle participerait aux obligations, mai aussi aux avantages de la coopération occidentale."


— Mais n'a-t-elle pas pas déjà bénéficié d'un crédit américain de soixante millions de dollars ?


— L'Export-Import Bank des Etats-Unis a en effet consenti à l'Espagne un crédit de soixante millions de dollars. Mais un tiers seulement a été versé. Devant son utilisation autarcique, les deux autres tiers demeurent gelés. Dans l'esprit des prêteurs américains, les dollars représentent non seulement des machine, mais du pain. Ni les industriels privés, ni les ouvriers n'y trouvent leur compte. Et les voilà réunis dans la réprobation.



Voilà pourquoi la grève est impressionnante. Elle n'est pas née d'une poignée d'agitateurs. Le sang n'a pas coulé. Osons dire que c'est plus grave ainsi. La grande menace n'est ni une révolution, ni une terreur officielle mais - et c'est peut-être pire - une asphyxie économique lente, implacable et qui n'épargnerait personne.



"Le moment est venu d'un dialogue."



Peut-on attendre d'un régime aussi autoritaire qu'il se fasse suffisamment libéral sans se contredire au point de sombrer, ou qu'il accepte de sombrer ?



— Qu'a t-on fait depuis douze ans ? demande le ministre de l'Intérieur du gouvernement d'exil.



Pourtant, tout le monde sent qu'il faut faire quelque chose, et vite, sous peine d'un suicide national.



C'est pourquoi le clergé espagnol de l'intérieur lui-même, longtemps enfermé dans une hautaine intransigeance, en vient aujourd'hui à imprimer officiellement, dans sa revue Ecclesia, cette affirmation, qui prolonge l'expos" clandestin des prêtres basques d'Egiz : "Le moment est venu d'un dialogue entre le gouvernement et les gouvernés."


Dans ce numéro de Carrefour, parurent aussi plusieurs autres articles :


"Le gouvernement d'Euzkadi a choisi l'Occident.


presidente gobierno vasco
JOSE ANTONIO DE AGUIRRE Y LECUBE



Le gouvernement d'Euzkadi, c'est-à-dire le gouvernement basque exilé à Paris, n'est pas un ministère de fortune. Son chef, le président de Aguirre, a été régulièrement élu par le peuple. Avec les ministres de son choix, il a exercé le pouvoir huit mois. Quand le pays a été occupé par les troupes franquistes, il s'est replié à Barcelone jusqu'à la fin de la guerre civile.


Il comprend quatre membres du parti nationaliste basque (démocrate-chrétien), dont M. de Aguirre, un membre de la gauche républicaine, un de l'union républicaine, un socialiste, qui est le plus "à gauche". Il se veut "occidental" et répudie le communisme.


Républicain par tendance, il accepterait le régime, quel qu'il soit, adopté librement par le peuple espagnol, pourvu que lui fut reconnue une certaine autonomie régionale."


"Le pseudo-Panaméen et la veuve vénézuélienne.



Le président de Aguirre est un homme de 47 ans, marié, père d'une fille de 1 5 ans et de deux garçons de 11 et 7 ans. Avant d'être chef de gouvernement, il fut avocat et directeur d'une fabrique de chocolat.


II connut sous l'occupation allemande des jours mouvementés. Parti pour la Belgique auprès de sa mère, il y perdit sa soeur dans un bombardement. Pour fuir, il dut passer par... l'Allemagne et la Suède avant de gagner l'Amérique. Il se fit passer pour citoyen panaméen, tandis que sa femme était présentée comme une veuve vénézuélienne. Des jésuites le cachèrent dans leur couvent, des amis le protégèrent. Il revint à la libération de Paris.



libro pais vasco antes aguirre
LIVRE DE GUERNICA A NUEVA YORK
DE JOSE ANTONIO DE AGUIRRE Y LECUBE



M. de Aguirre a relaté son aventure extraordinaire dans un livre : "De Guernica a Nova York pasando por Berlin", traduit en anglais sous le titre "Escape via Berlin".



Merci ami(e) lecteur (lectrice) de m'avoir suivi dans cet article.

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