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samedi 1 mai 2021

UNE GRÈVE SOLENNELLE EN PAYS BASQUE SUD EN MAI 1951 (première partie)

GRÈVE EN PAYS BASQUE SUD EN 1951.


En mai 1951, le Pays Basque Sud se met en grève, après la Catalogne en mars de la même année.


pais vasco antes ayuntamiento guipuzcoa
MAIRIE ET JARDINS ST SEBASTIEN 1951
PAYS BASQUE D'ANTAN




Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Carrefour, le 1er mai 1951 :



"300 000 Basques ont fait une grève solennelle : pas de cris, pas de sang versé...Mais la situation n'en est pas moins grave, et le clergé espagnol proclame que "le moment est venu d'un dialogue entre le gouvernement et les gouvernés."




Un mois après la Catalogne, le pays basque s’est mis en grève. A qui le tour ? 



Mais attention ! Ni à Saint-Sébastien, ni à Bilbao, le sang n'a coulé. Le deuxième débrayage a été plus typique encore que le premier. Il suffit de l'exposer pour en dégager l'enseignement. 



Le dimanche 22 avril, des tracts sont répandus de main en main dans les grands centres ouvriers des quatre provinces basques espagnoles. Ils appellent à une grève de 48 heures, à compter du lundi matin. Ils sont rédigés dans des termes qui stupéfieront, dans les pays voisins, les professionnels de l'agitation. Le patron n'y est pas vomi, le pouvoir pas insulté. "Nous voulons manger... Nous avons besoin de nous vêtir... Nous avons le droit de vivre".



Ce droit, qui le conteste ? Personne; Mais qui en donne le moyen ? Personne. La pauvreté espagnole est de tradition, c'est connu. Elle s'est toutefois accentuée, Voila deux ans, un journal conservateur anglais, le Manchester Guardian révélait des chiffres que personne ne pouvait réfuter :

"Pour acheter 24 kilos de pain, 30 kilos de pommes de terre, 2 kilos de viande, 3 kilos de beurre ou d'huile et un kilo de sucre, un ouvrier doit travailler 58 heures en Italie. 49 en France, 36 en Suisse, 15 en Angleterre, 13 aux Etats-Unis...et 83 en Espagne".



Le pays basque représente un tiers du capital de l'Espagne.


Les quatre provinces basques espagnoles couvrent 17 601 kilométrés carres. Leur population est de 1 500 000 âmes. Deux sont des régions purement agricoles : Alava et Navarre. Les deux autres, Biscaye et Guipuzcoa, sont fortement industrialisées. En Biscaye, grande industrie (métallurgie, produits chimiques, chantiers navals). En Guipuzcoa, petite industrie dérivée de la métallurgie en général, usines de papier. Dans les deux, en outre, agriculture, pêche, artisanat important (armes, orfèvrerie, bérets, espadrilles, etc.).

Ce potentiel économique donne au pays basque, en Espagne, un rôle hors de proportion avec sa superficie. Il représente :

80% de la marine espagnole (presque un million de tonnes sont immatriculées à Bilbao) ;

75% de l'industrie électrique ;

60% de la production de minerai de fer ;

95% de la production d'acier ;

33% du capital total de l'Espagne.



En 1951 l'ouvrier de Saint-Sébastien ou de Bilbao doit travailler cinq jours pour s'offrir un kilo de café, deux jours pour un litre d'huile ou un kilo de viande, un jour pour un kilo de sucre ou de morue. Sa santé exige 3 000 calories quotidiennes. Le ravitaillement officiel lui en permet 554. Le reste, au marche noir ! A quel prix ? Le pain et le lait coûtent 10 fois plus qu'en 1936 ; la viande et les oeufs, 9 fois ; le sucre, 18 fois ; l'huile, 50 fois (et l'Espagne est le premier producteur d'huile du monde) ; les haricots, 14 fois ; les pommes de terre et le lard 16 fois.



En regard les salaires sont trois fois ce qu'ils étaient.



Les patrons et le clergé soutiennent les grévistes.



La crever brusquement décidée, se déroule raisonnablement. Aucun service public n'est affecté. Les trams et les tramways roulent,  l'électricité, le gaz et l'eau sont normalement distribués. Aucun incident ne se produit. Les grévistes sont parfaitement calmes et dignes Les policiers et la troupe mis sur pied d'émeute, bavardent avec eux sans que chacun jamais sorte de son rôle. La force publique n'a pas à maintenir un ordre que personne n'entend troubler.



Pourquoi d'ailleurs le troublerait-on ? Depuis la guerre civile, on sait où peuvent mener les troubles. Et puis les patrons comprennent le mouvement et le clergé le soutient. En pays basque, le prêtre est de la famille. Les vêpres dites, on le retrouve, soutane relevée, lançant la balle dure sur le fronton de pelote.



Mais il y a les autorités. Elles font publier dans la presse matinale du mardi l'ordre de reprendre le travail le matin même, à 8 heures L'ultimatum est jugé vexant. On y répond par une extension de la grève. 



Que va-t-il se passer ? Pour la Navarre et l'Alava, pas de problème. Ce sont deux provinces agricoles. En Biscaye, on appréhende la riposte du gouverneur, M. Genaro Priestra, un phalangiste. On a tort. Le phalangiste montre qu'il est d'abord un homme. Le travail reprend le mercredi matin sans autre formalité qu'une théorique obligation, pour les grévistes, de faire une nouvelle demande d'emploi. La face est sauvée.



Il manque ici un homme.



Le gouverneur du Guipuzcoa, pays voisins, le baron de Benasque, s'y prend moins bien. Il fait arrêter comme meneurs une vingtaine d'ouvriers, le sous-directeur de l'agence de Saint-Sébastien de la Banque de Bilbao, plusieurs patrons et deux prêtres, don Pascual Arana, curé d'Arrona et don Pedro Gimeno, aumônier de la fabrique de wagons de Basain. Il fait fermer un certain nombre d'usines et de manufactures de Saint-Sébastien. 


pais vasco antes gobernoador guipuzcoa 1951
FRANCISCO SAEZ DE TEJADA
BARON DE BENASQUE 1946


C'est une maladresse. Pourtant les travailleurs gardent leur sang-froid. Ils répliquent par un jeu de mots sévère, mais noble. Sur la façade de la maison du baron, l’un d'eux écrit à la craie : "Aqui falta un varon" (Il manque ici un homme). C'est tout. Mais les arrêts de travail se multiplient, par solidarité. Trois cent mille travailleurs se drapent dans une immobilité silencieuse et solennelle. La grève est pour eux ce quelle elle devrait être toujours pour garder son sens, un acte grave, un sacrifice presque religieux, héroïque en tout cas, l'abandon volontaire du maigre pain quotidien."



A suivre...


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