LES KASCAROTS AUTREFOIS.
Ces marchandes de poissons, souvent originaires de Ciboure ou de Saint-Jean de-Luz, allaient à pied jusqu'à Bayonne vendre leur marchandise.
Voici ce que rapporta à ce sujet le journal Gil Blas, le 23 septembre 1885, sous la plume de René
Maizeroy :
"III. - Les Cascarottes (Saint-Jean de Luz)
L'aube se lève mais ce n'est pas encore tout à fait le jour. Le ciel où pâlissent les étoiles n'a pas de couleur. Un liséré de rose pâle ourle les masses sombres des Trois-Couronnes et de la Rhune, qui ressemble à une pyramide bâtie au temps des légendes fabuleuses. Les alouettes s'envolent par bandes des chaumes givrés de rosée.
KASCAROTS PAYS BASQUE D'ANTAN |
La grand'route de Bayonne, jalonnée de bornes, est déserte, s'allonge à perte de vue avec ses côtes poussiéreuses. Et comme une draperie bleue, la mer transparaît dans toutes les déchirures du paysage, entre les arbres et les collines. Et voici que, pareilles à des bêtes harcelées par l'aiguillon d'un bouvier, sans s'arrêter, sans alentir leur course rythmique, sans reprendre haleine un instant, les sardinières, — les robustes bohêmes de Ciboure aux belles hanches et au teint cuivré — passent, soulèvent de leurs pieds nus un nuage poudreux. Elles vont, elles vont — leur panier plein de poisson sur la tête, le torse incliné en avant, les jambes découvertes jusqu'à mi-cuisses.
Quelques-unes sont belles comme des prêtresses indiennes et l'on voudrait prendre la brindille de fleur qu'elles mordent de leurs lèvres rouges. Elles vont, enlevant les kilomètres ainsi que des coureuses antiques, bronzées par le soleil, riant de ci, de là, lorsqu'un charretier ou un mendiant leur jette au passage quelque galantise délirante, quelque salut cordial.
KASCAROTS PAYS BASQUE D'ANTAN |
Elles ne sentent ni la chaleur, ni la lassitude. Elles sont bien de la race vagabonde qui ne s'est jamais reposée, qui roule aux quatre coins de la terre et ne se connaît d'autre patrie que la carriole où dorment les petits et les vieux, que les lisières de bois, les fossés du chemin où l'on s'accouple librement, où l'on fait l'amour à sa guise, où l'on allume le foyer qu'on renversera le lendemain.
Hardi donc ! les cascarottes, si la route est longue, les jarrets sont forgés pour la fatigue et tout à l'heure, dans les rues étroites de la ville, elles se disperseront, elles crieront leur appel aigu, les "sardines fraîches", qui attire les cuisinières sur les portes.
KASCAROT PATS BASQUE D'ANTAN |
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