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vendredi 21 mai 2021

LE PROCÈS DE LA "LIQUEUR D'HENDAYE" EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1908 (deuxième et dernière partie)

LE PROCÈS DE LA "LIQUEUR D'HENDAYE" EN 1908.


On trouve trace dans les documents anciens, dès 1658, de mention de l'Eau de vie de "Andaye".


pays basque autrefois liqueur
PUBLICITE  VERITABLE LIQUEUR DE HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Loi, le 21 mars 1908 :



"Cours d'Appel. 


Cour de Pau. 


Présidence de M. Maury.


Audience du 27 janvier 1908. 


...Attendu que la couleur des étiquettes qui les revêtent importe peu ; qu'il est d’usage, en effet, dans ce commerce spécial, de donner aux étiquettes la couleur de la liqueur contenue dans les bouteilles et que les parties se sont, l’une et l’autre, conformées à cet usage.



Attendu que les étiquettes apposées sur ces bouteilles présentent un aspect général différent ;



Que l'étiquette collée sur le goulot est horizontale sur la bouteille Grattau, placée en diagonale sur la bouteille de la Société anonyme ;



Que sur la bouteille Grattau, existe une étiquette apposée à la naissance du goulot, étiquette qui ne se retrouve pas sur la bouteille de la Société ; que cette étiquette différencie sensiblement l’aspect des deux bouteilles ;



Attendu que les étiquettes collées sur le corps de la bouteille sont placées l’une, celle de la Société anonyme, vers le haut, l’autre, celle de Grattau, vers le bas de la bouteille ;



Qu’elles sont bien, l’une et l’autre, encadrées d’un filet noir, mais que cet encadrement banal qui se retrouve sur beaucoup d’étiquettes, est insuffisant pour entraîner une confusion ;



Attendu que les mots : Liqueur d’Hendaye, ne peuvent être utilisés exclusivement par la Société anonyme ; que, en effet, depuis longtemps, à Hendaye, on fabrique des eaux-de vie ou des liqueurs avec indication de Hendaye comme lieu de fabrication ;



liqueur hendaye pays basque autrefois
LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Que la Société anonyme et Grattau ont pu, l'un et l'autre, mentionner Hendaye comme lieu de provenance de leur liqueur ;



Qu'il reste à examiner si les dénonciations des étiquettes peuvent, par elles-mêmes, créer une confusion ;



Attendu que l’étiquette apposée par la Société anonyme porte en haut, au centre, les armes d’Hendaye, dans les coins supérieurs, des médailles, et, au milieu, les mots : Véritable Hendaye, liqueur exquise, la signature Barbier et au bas : Hendaye (frontière d’Espagne) Bayonne ;



Attendu que l'étiquette Grattau porte, au coin supérieur gauche, une étoile rouge surmontée du mot Izarra et au-dessous, les mots trade mark ; qu'on y lit : Fine Hendaye, véritable liqueur Hendaye, liqueur exquise, recette 1835, fabriquée à la distillerie d’Hendaye, la signature Grattau, et, au bas : Frontière Franco-Espagnole, à droite : pays basque ;


pays basque 1900 liqueur hendaye
PUB FINE HENDAYE 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu qu’on remarque, dans l’étiquette de la Société anonyme les armes d’Hendaye qui ne se retrouvent pas dans l'étiquette Grattau, ou, du moins, qui sont rejetées sur l'étiquette placée à la naissance du goulot ; qu'il y a là une disposition particulière ;



Attendu que l’étiquette Grattau est même différenciée par l’étoile rouge qui n'existe pas sur l'étiquette de la Société anonyme ;




pays basque autrefois liqueur hendaye
LA LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Attendu, en outre, que l'étiquette de la Société reproduit des médailles et qu'aucune n’est dessinée sur l'étiquette Grattau ;



Attendu, en conséquence, que l’on doit reconnaître que l’étiquette Grattau, n’est pas une imitation de celle de la Société anonyme ;



Que, sur cette dernière étiquette, on lit, il est vrai : Véritable Hendaye, liqueur exquise et, sur l’étiquette Grattau : fine Hendaye, Véritable liqueur d'Hendaye, liqueur exquise, mais que les mots "véritable" et "exquise" qui ne présentent pas les mêmes caractères typographiques sur les deux étiquettes et qui constituent d’ailleurs un éloge assez banal, ne peuvent entraîner confusion, étant donnés la place qu'ils occupent, la disposition des mots qui les entourent et leur aspect général ; que ces expressions ont pu être ainsi employées par les deux fabricants ; qu’il n'y a jamais eu, en effet, appropriation de ces mots par la Société anonyme et que Grattau pouvait les utiliser à son tour, à condition de ne pas imiter la marque de la Société anonyme et de ne pas créer de confusion avec elle, ce qu’il n’a pas fait ;



Attendu que la véritable marque de la Société anonyme est le nom de Paulin-Barbier apposé sur ses étiquettes ; qu'elle même s'en est rendu compte puisque dans des annonces publiées par elle dans le journal l’Avenir, du 25 octobre 1906, c’est-à-dire avant l’assignation, elle dit : Exigez la marque authentique P. Barbier ;



Attendu que si Grattau a pu, par quelques points de ressemblances, chercher à se rapprocher de la marque de la Société anonyme, il n’en a point fait une imitation frauduleuse, il n'a pas créé de contusion entre cette marque et la sienne ;



Attendu, par suite, que l'action en imitation de marque de fabrique n'est pas fondée et qu'il y a lieu de la repousser ;



pays basque autrefois liqueur hendaye
LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Sur la concurrence déloyale



Attendu que le Tribunal civil, compétent pour connaître de l’action principale en imitation de marque de fabrique, était, par suite, compétent pour connaître de l’action accessoire en concurrence déloyale ; que ces deux actions sont reliées l’une à l'autre par un lien étroit ;



Sur le grief de fausse indication de provenance

Adoptant les motifs des premiers juges ; 



Sur les actes de concurrence déloyale

Attendu que ce chef de conclusions n’est pas justifié et qu’il y a lieu de le rejeter ; qu’il n'est pas, en effet, établi que Grattau ait commis des actes de nature à nuire à la Société anonyme ;



Sur la demande conventionnelle

Attendu que cette demande basée sur la concurrence déloyale que la Société anonyme aurait faite à Grattau est une défense à l’action principale en concurrence déloyale dirigée contre lui ; qu’elle est donc recevable aux termes de l’article 464 du Code de procédure civile ;



Attendu que, s’il résulte des débats que quelques lettres, plutôt destinées à Grattau, ont été rémoises à la Société anonyme et conservées par celle-ci, il n’apparaît pas que ce fait ait occasionné un préjudice à Grattau ;



Attendu que la Cour n’a pas à s’immiscer dans la publicité à venir qui peut être faite par les parties et à faire défense à la Société anonyme de déclarer que son auteur est le seul inventeur et le seul fabricant de la liqueur d’Hendaye ;



Attendu que, si la Société anonyme se livre envers Grattau à des agissements préjudiciables, il lui appartiendra de sauvegarder ses droits ;



Que la publicité faite jusqu’à présent vise la liqueur fabriquée par la Société et ne dénigre point celle de Grattau ;



Attendu qu’il n’y a pas lieu, non plus, de faire défense à la Société anonyme de faire usage de la dénomination Liqueur des Basques ou Liqueur des Pays Basques, et de l’emblème d’une chistera ; que la dénomination Liqueur des Basques ou Liqueur des Pays Basques est analogue à l’expression Liqueur d’Hendaye et peut être employée par tous les fabricants du pays basque ;



Qu’il en est de même de l’emblème de la chistera ; 


Qu’il n’est pas même établi que ce soit Grattau qui ait utilisé, le premier, cet emblème ;



Attendu qu’il n’y a pas lieu, par suite, d’ordonner la radiation demandée sur la marque déposée, soit au greffe du Tribunal de commerce, soit à l’Office National de la propriété industrielle ;



Attendu qu’il n’échût pas d’interdire à la Société anonyme de retirer de la poste toutes lettres ou télégrammes portant des indications insuffisantes pour identifier le destinataire ; que si la Société reçoit à l’avenir et conserve des correspondances qui ne lui sont pas adressées, elle commettra, par là-même, un fait que les règles du droit commun permettront à Grattau de poursuivre ;



Attendu qu’il résulte des débats que la Société anonyme a fait annoncer le jugement entrepris, bien qu’il ne fut pas définitif, dans le journal la Dépêche de Toulouse, du 25 avril 1907, et dans le Courrier de Bayonne, du 23 avril 1907 ; que cette publicité prématurée et abusive a pu occasionner à Grattau un préjudice qui sera largement réparé par les insertions qui vont être ordonnées ;



Attendu que les autres agissements imputés par Grattau à la Société anonyme ne sont pas justifiés ;



Attendu que Grattau soutient enfin, que la Société anonyme ne se conforme pas aux prescriptions de la loi du 30 avril 1886, articles 1 et 4 ;



Attendu que les médailles d’honneur constituent des distinctions honorifiques de nature à influencer la clientèle et que, dès lors, un commerçant ou un industriel peut exercer contre un rival une action à l'effet de lui faire observer les prescriptions de cette loi dont la violation peut entraîner un préjudice pour lui ;



Attendu que, d’après l’article premier de la loi du 30 avril 1886, l’industriel qui a obtenu une médaille dit, s’il veut s’en servir, faire connaître sa date, sa nature ; l’exposition ou le concours où il a obtenu la récompense qu'il fait valoir ;



Attendu, par suite, que s’il introduit sur sa marque la reproduction de la médaille, il doit le faire exactement de manière à ne pas créer de confusion avec des récompenses obtenues dans d’autres expositions ou concours, et, notamment, dans des expositions ou concours plus importants ;



Attendu, dès lors, que Grattau, fabricant de liqueur à Hendaye, est recevable à actionner la Société anonyme, autre fabricant de liqueur, pour l’obliger à se conformer aux prescriptions de la loi du 30 avril 1886 ;



Attendu que les reproductions des médailles gravées sur les étiquettes et les prospectus de la Société anonyme ne reproduisent pas exactement toutes les effigies de médailles obtenues qu'elles ne font pas connaître leur date ; que, si elles énoncent que des médailles d'or et d’argent ont été accordées, c’est là une assertion en partie erronée ;



Attendu, en effet, que si la Société anonyme justifie que, par elle ou ses auteurs, elle a obtenu une médaille d’argent, elle ne justifie pas avoir obtenu une médaille d’or, mais bien des médailles de bronze ;



Attendu, en outre, que l’étiquette ne fait pas connaître, ainsi que la Société le devrait, l’exposition ou le concours où elle a obtenu la récompense annoncée ;



Attendu, dès lors, qu'il y a lieu d’ordonner à la Société anonyme de se conformer aux prescriptions de la loi du 30 avril 1886 ;



Attendu que, si un dommage a été causé à Grattau de ce chef, il sera suffisamment réparé par le rappel de la Société anonyme au prescriptions de la loi ;



Attendu, dès lors, que la demande d’autres dommages-intérêts formée par Grattau n’est pas justifiée ;



Attendu que la Cour statuant sur les actes de concurrence déloyales imputés par Grattau à la Société anonyme, n’a pas à lui donner acte des réserves faites à cet égard ;



Par ces motifs, 


La Cour, évoquant en tant que de besoin, l’affaire étant en état ;

Dit qu’il a été mal jugé, bien appelé ; 

Et statuant à nouveau, réforme le jugement entrepris rendu par le Tribunal civil de Bayonne, le 23 avril 1907 ;

Dit que Grattau n’a pas fait une imitation frauduleuse de la marque de la Société anonyme de la Véritable liqueur d’Hendaye

Dit qu’il n’a pas commis des actes de concurrence déloyale, tant par l’imitation frauduleuse de nature à tromper l’acheteur, ou, tout au moins, illicite, de la marque de fabrique, que par ses divers agissements ;

Dit que la Société anonyme précitée sera tenue de se conformer aux prescriptions de la loi du 30 avril 1886, et de faire suivre la reproduction ou l’dénonciation des récompenses obtenues par elle des mentions prescrites par les articles premier et 4 de ladite loi, et ce, soit sur ses étiquettes, soit sur ses réclames ;

Ordonne l’insertion du dispositif du présent arrêt dans la Dépêche de Toulouse et dans le Courrier de Bayonne ;

Dit que cette insertion sera faite à la même place et en caractères de même dimension que ceux afférents à l’insertion faisant connaître le prononcé du jugement attaqué ;

Condamne ladite Société à supporter le coût de ces insertions, sans, toutefois, que chacune d’elles puisse dépasser 50 francs ;

Dit n’y avoir lieu à d’autres dommages-intérêts qui ne sont pas justifiés ;

Ordonne la restitution de l’amende consignée ; 

Condamne la Société anonyme la véritable Liqueur de Hendaye à tous les dépens de première instance et d’appel ;

Déboute les parties de toutes leurs autres demandes, fins et conclusions.


Min.publ. : M. Bottet, avocat général ; 

Plaidants : Mes Bouillier (du barreau de Paris) et Lamaignière, avocats."



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