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mercredi 21 avril 2021

LE PROCÈS DE LA "LIQUEUR D'HENDAYE" EN LABOURD AU PAYS BASQUE EN MARS 1908 (première partie)

LE PROCÈS DE LA "LIQUEUR D'HENDAYE" EN 1908.


On trouve trace dans les documents anciens, dès 1658, de mention de l'Eau de vie de "Andaye".


pays basque autrefois liqueur hendaye
PUBLICITE  VERITABLE LIQUEUR DE HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Voici ce que rapporta à ce sujet le journal La Loi, le 21 mars 1908 :



"Cours d'Appel. 


Cour de Pau. 


Présidence de M. Maury.


Audience du 27 janvier 1908. 


I. Marques de fabrique. — Imitation frauduleuse. — Confusion. — Acheteur inattentif. — Étiquettes. — Couleur. —Dénominations. —Expressions banales. 


II. Tribunal Civil. — Imitation frauduleuse de marque. — Action Principale. — Concurrence déloyale. — Action accessoire. — Connexité. — Compétence. 


III. Nom de lieu de fabrication. —Droit d'emploi. 


IV. Concurrence déloyale. — Demande reconventionnelle. — Moyen de défense. — Code Procédure Civile Article 464. 


V. Lettres missives. — Distribution. — Erreur. —Rétention indue. 


VI. Jugement en premier ressort. — Publicité prématurée. — Arrêt infirmatif. — Publicité. 


VII. Loi du 30 Avril 1886. — Médailles et récompenses. — Concurrent. — Action. — Intérêt. 



I. C’est d’après l'aspect d'ensemble que doit être appréciée l’imitation frauduleuse d’une marque de fabrique. 


Et pour que l'imitation soit répréhensible, il faut qu'elle soit de nature à tromper, non un esprit inattentif, mais un acheteur ou un consommateur d une intelligence et d'une perspicacité moyennes. 


Il n'y a donc pas imitation lorsque les marques présentent des différences de nature à frapper un consommateur, même inattentif. 


La couleur des étiquettes employées dans le commerce des liqueurs ne saurait être retenue comme élément de confusion, lorsqu'elle est la même que celle de la liqueur elle-même, ce qui est d'usage courant dans ce commerce spécial. 


Des expressions banales par elles-mêmes, telles que véritable et exquise ne sont pas susceptibles d'appropriation exclusive et ne sauraient être retenues comme éléments de confusion, alors surtout qu’elles ne présentent pas, sur les deux marques, les mêmes caractères typographiques, qu'elles y occupent des places différentes et qu’elles se différencient encore par la disposition des mots qui les entourent et leur aspect général. 



II. Le Tribunal civil, compétent pour connaître d’une action principale en imitation de marque de fabrique est, par suite, compétent pour connaître d'une action accessoire en concurrence déloyale, lorsque ces deux actions sont reliées l’une à l’autre par un lien étroit. 



III. Le nom de la localité où une liqueur est fabriquée ne peut faire l'objet d’une propriété exclusive et tous les industriels établis dans cette localité ont un droit égal de la mentionner sur leurs étiquettes. 



IV. Une demande conventionnelle, basée sur la concurrence déloyale à laquelle le demandeur se serait livré à l’encontre du défendeur, constitue une défense à l'action principale en concurrence déloyale et est recevable, aux termes de l'article 464 Code proc. civ. V. 



V. Celui qui, retirant ou recevant de l’Administration des postes, par suite de mentions communes à un concurrent et insuffisantes pour spécifier nettement l’un ou l'autre, des lettres, télégrammes ou correspondances destinés à ce concurrent, les conserve par devers lui, commet un fait que les règles du droit commun permettent au véritable destinataire de poursuivre. 



VI. La publicité donnée à un jugement susceptible d'appel par la partie qui l'a obtenu doit être considérée comme prématurée et abusive lorsque ce jugement, est infirmé, et le préjudice qui en résulte doit être réparé par la publicité donnée à l'arrêt informatif dans les mêmes formes, c’est-à-dire dans les mêmes journaux, à la même place et en caractères de même dimension que ceux afférents à l'insertion relative au jugement attaqué. 



VII. Les médailles et récompenses décernées dans les expositions constituant des distinctions de nature à influencer la clientèle, tout commerçant ou industriel peut exercer contre un concurrent une action afin de contraindre celui-ci à observer les prescriptions de la loi du 30 avril 1886, la violation de ces prescriptions pouvant lui être préjudiciable. 


Aux termes de l'article 1er de ladite loi, l'industriel qui a obtenu une médaille doit, s’il veut s’en servir, faire connaître sa date, sa nature, l’exposition ou le concours où il a obtenu la récompense qu'il fait valoir. 


Par suite, s’il introduit dans sa marque la reproduction de cette médaille, il doit le faire exactement, de manière à ne pas créer de confusion avec des récompenses obtenues dans des expositions ou concours plus importants. 


(Grattau c. Russac ès-qualité de Président du Conseil d’administration de la Société de la Véritable Liqueur de Hendaye). 



La liqueur dite Eau-de-vie d’Hendaye jouissait au XVIIIe siècle d'une vogue considérable : il en était fait mention officiellement dans les tarifs douaniers de 1792 et 1844.



Bien que l'industrie des liqueurs fût, à cette époque, assez peu répandue, il est certain qu'il existait à Hendaye plusieurs fabricants. Plus tard, sans toutefois disparaître complètement, la liqueur d’Hendaye perdit, en partie, son ancienne notoriété et ne devint plus qu'une industrie secondaire dont les produits s'écoulaient presque uniquement dans les environs.



liqueur hendaye pays basque autrefois
LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN



Au commencement de l'année 1906, une Société s'était constituée pour acquérir la marque de M. Paulin Barbier, récemment décédé et qui, depuis 1866 environ, fabriquait une liqueur d’Hendaye. A la même époque, M. Grattau, distillateur à Bayonne, qui avait songé, lui aussi, à acquérir la marque Barbier, installait à Hendaye une distillerie où il fabriquait une liqueur à laquelle il donnait tout d'abord la dénomination principale de Fine-Hendaye presque aussitôt remplacée par celle de Izarra (mot basque qui signifie étoile). Ses diverses étiquettes comportaient, entre autres mentions accessoires, celles de Véritable liqueur d’Hendaye et Liqueur exquise aussi employées par la Société Russac.


pays basque 1900 liqueur hendaye
PUB FINE HENDAYE 1906
PAYS BASQUE D'ANTAN

Cette dernière assignait M. Grattau le 24 décembre 1906 devant le Tribunal de Bayonne, prétendant qu’il avait fait une imitation frauduleuse de sa marque et commis à son égard des actes de concurrence déloyale. Elle demandait notamment qu'il lui soit interdit de faire usage des désignations Véritable liqueur d'Hendaye, Distillerie d’Hendaye, Liqueur exquise, et concluait, à son encontre, à des dommages-intérêts et des insertions.



Par ses conclusions, M. Grattau soutenait qu'il n'existait aucune similitude entre ses marques et celles de la Société Russac, que le nom de localité Hendaye, ne pouvait faire l'objet d’une appropriation privative au profit de la demanderesse ; il ajoutait que la demande de ce chef devant être repoussée, le Tribunal devait se déclarer incompétent du chef des prétendus actes de concurrence déloyale relevés contre lui, demandant, en outre, qu’il lui fut donné acte de ses réserves quant aux agissements illicites ou déloyaux qu'il se proposait de relever à l’encontre de la Société demanderesse.



C’est en cet état que la demande de M. Russac, ès-qualité, avait été admise par jugement du Tribunal civil de Bayonne, en date du 23 avril 1907, le dispositif de cette décision était ainsi conçu :


pays basque autrefois liqueur hendaye
LA LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


Le Tribunal, 


Jugeant en matière sommaire (article 16 de la loi du 23 juin 1857) et en premier ressort ;


Dit que Grattau a fait une imitation frauduleuse, de nature à tromper l’acheteur, de la marque de fabrique de la Société demanderesse ;


Dit qu’il a commis des actes de concurrence déloyale, tant par l’imitation frauduleuse ou tout au moins illicite de la marque de fabrique que par ses divers agissements et lui fait défense de les renouveler à l’avenir ;


Ordonne que, sur tous récipients contenant la boisson par lui fabriquée et sur toutes étiquettes, allèches, réclames, tableaux, en-têtes de lettres, factures, prospectus, etc... concernant ladite boisson, Grattau sera tenu de supprimer la dénomination Véritable Liqueur d'Hendaye, Liqueur Exquise, avec défense de les employer désormais ni ensemble, ni séparément ;


Rejette la demande de suppression des mots : Distillerie d’Hendaye ;


Dit que Grattau est tenu de réparer le préjudice causé à la Société demanderesse et qu’il y a lieu de recourir à une expertise pour connaître l’importance du préjudice ;


Le condamne, d’ores et déjà, à payer immédiatement une somme de 1.000 francs pour cette cause et à valoir pour le surplus ;


Commet MM. Canton, comptable, demeurant à Biarritz, Luchulu et Lagarde, comptables, ces deux derniers demeurant à Bayonne, experts d’office, faute par les parties d’en convenir d’autres dans les trois jours de la signification du présent jugement, ou de convenir d’un seul par eux désigné au lieu de trois, lesquels serment préalablement prêté devant M. le Président du Tribunal civil de Bayonne ou, en cas d'empêchement, devant le juge qui le remplacera dans l'ordre du tableau, après avoir pris connaissance des livres de commerce de Grattau, que celui-ci est tenu de communiquer, et après s’être entourés de tous renseignements utiles, dresseront un état des ventes opérées et donneront leur avis sur les dommages-intérêts à allouer en réparation du préjudice ;


Dit qu'ils déposeront au greffe un rapport de leurs opérations ;


Condamne Grattau en tous les dépens, sauf ceux à exposer pour l’expertise, qui sont réservés ;


Ordonne l’insertion du dispositif du présent jugement dans les journaux Le Courrier de Bayonne, L’Avenir, La Chronique, Le Biarritz Season et six autres des journaux dans lesquels Grattau a fait insérer des annonces pour la vente de sa liqueur, au choix de la Société, aux frais de Grattau, et déboute les deux parties de toutes leurs autres conclusions.



M. Grattau interjetait appel de cette décision. Devant la Cour, il reprenait ses conclusions de première instance et. en outre, formait une demande conventionnelle basée sur les divers agissements illicites qu'il reprochait à ses adversaires et qu’il n’avait pas relevés devant le Tribunal qu'il considérait comme incompétent pour en connaître, si la demande principale en imitation frauduleuse de marque n'était pas accueillie.

pays basque autrefois liqueur hendaye
LIQUEUR D'HENDAYE
PAYS BASQUE D'ANTAN


L'affaire ayant été plaidée aux audiences des 15 et 20 janvier, la Cour a rendu, le 27 du même mois, l'arrêt dont teneur suit :


La Cour, 


Attendu que Russac, ès-qualité, conclut à l’irrecevabilité de l’appel mais ne produit aucun moyen à l’appui de ce chef de ses conclusions qui doit, dès lors, être rejeté ;


Au fond : 


Attendu que Russac, ès-qualité, a intenté une action en dommages-intérêts contre Grattau, basée sur l’imitation frauduleuse de sa marque et sur la concurrence déloyale.



Sur l’imitation frauduleuse de la marque de fabrique de la Société anonyme de la Véritable liqueur d’Hendaye ;


Attendu que, pour se prononcer sur cette matière, il faut considérer l’aspect d’ensemble des objets visés, et que cet aspect doit, pour qu’il y ait imitation, être de nature à tromper, non un esprit inattentif, mais un acheteur ou un consommateur d’une intelligence et d’une perspicacité moyennes ;


Attendu tout d’abord, qu’il est à remarquer que les bouteilles utilisées par les parties sont d’un aspect dissemblable ;


Attendu, en effet, que celles de la Société anonyme de la Véritable liqueur d’Hendaye rappellent les bouteilles de Bordeaux qui auraient un col allongé, et que celles de Grattau ont l’aspect des bouteilles employées pour contenir la liqueur dite Bénédictine, que ces bouteilles présentent donc des différences de nature à frapper un consommateur, même inattentif ;



A suivre...




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